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L’ASE en souffrance

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Le fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance (ASE) a été mis à mal au gré d’incessants changements du fonctionnement des services médico-sociaux. Le manque de structuration de l’institution provoque une souffrance au travail et un « turn-over » important. Dans de telles conditions, la réponse aux besoins des enfants reste très aléatoire, selon Jean-Paul Bichwiller, formateur en protection de l’enfance.

« Au cours des 15 dernières années, l’ASE a progressivement perdu, dans de nombreux départements, le sens de ce qui la caractérise au titre de la loi. Elle a été progressivement privée des moyens de son action. A force de vouloir en faire un service “comme les autres”, elle a été tirée vers un espace socio-éducatif insuffisant. La situation n’est pas identique selon les départements, mais la situation concerne une majorité d’entre eux. La décentralisation a incontestablement conduit à des progrès ainsi qu’à un renforcement des moyens financiers globaux. Mais l’aide sociale à l’enfance relève d’une politique d’ordre publique d’un Etat unitaire qui doit être garant de l’application de la loi et de l’équité. Ce rappel ne traduit pas un vœu de centralisation illusoire, qui n’est pas souhaitable, mais bien la nécessité d’un équilibre utile à trouver entre ce qui doit être contrôlé et garanti au plan national et ce qui relève de l’autonomie de chaque collectivité du fait de ses spécificités.

Disposer d’un socle technique de référence

Nous nous trouvons aujourd’hui face à un paradoxe inquiétant : les lois de 2007 et 2016 posent des dispositions de progrès de plus en plus exigeantes pour des services de l’ASE. Une loi n’est jamais allée aussi loin que celle de 2016 pour prévoir les obligations techniques précises dans l’accompagnement des enfants, la relation aux juges, la coordination et la concertation. Ces obligations nouvelles sont symptomatiques de la nécessité de disposer d’un socle technique de référence. Le droit est insuffisamment pris en compte pour l’organisation et le fonctionnement de nombreux services. Au-delà de formations succinctes sur la loi de 2016 des équipes, il faut s’assurer d’une véritable appropriation des textes pour expliciter et prendre en compte la philosophie du système. Le choix de l’organisation et du mode de fonctionnement doit découler de ce travail préalable.

L’enfant relevant de l’ASE n’est pas un “usager” comme les autres dans le champ des compétences du département en matière médico-sociale. Si l’ASE n’est pas organisée sur la base de ses obligations posées par la loi, le pilotage de la protection de l’enfance est impossible.

Treize ans après la loi de 2007, la protection administrative reste insuffisamment investie et ne concerne que 10 % à 20 % des enfants confiés. Comment garantir alors la cohérence et la lisibilité du système ainsi que le respect du droit des familles ?

Au plan national, 8 milliards d’euros sont consacrés annuellement à la protection de l’enfance. La capacité financière n’est à l’évidence pas la même pour tous les départements. Pour autant, les dispositifs seraient plus protecteurs si la capacité d’agir de l’ASE était mieux assurée.

Consolider la méthodologie d’action

La stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance présentée par Adrien Taquet développe des objectifs dont la pertinence n’est pas contestable. Mais il ne suffira pas de renforcer le contrôle des établissements et des services pour éviter les dysfonctionnements graves. C’est toute la méthodologie d’action de l’ASE qu’il faut consolider au bénéfice de l’accompagnement de tous les enfants.

Parmi les préconisations, certaines déjà évoquées mériteraient une attention immédiate :

• une formation de tous les professionnels de l’ASE est indispensable dès la prise de fonction. Les directeurs “enfance-famille” doivent bénéficier de cette formation. Une conception trop généraliste et interchangeable des dirigeants a déjà montré ses limites pour les secteurs privé et public ;

• les cadres bénéficiaires d’une délégation en matière d’ASE doivent disposer de l’autorité et de la légitimité nécessaires à leur mission. L’autorité est ici comprise dans son lien à la responsabilité du cadre décideur. Un statut national pour ces cadres garantirait mieux l’efficience et la lisibilité de la fonction auprès des familles et des professionnels ;

• la fonction de référent pour l’ASE doit être clarifiée pour les travailleurs sociaux. La loi induit une évolution qui impacte fortement la mission du référent ASE dont la fonction est indispensable à la coordination des actions, à la cohérence et à la continuité des parcours des enfants. »

Tribune

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