Recevoir la newsletter

« Nous n’enseignons pas comment faire l’amour »

Article réservé aux abonnés

Depuis 2015, l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas) organise, à raison de deux fois par an, une formation à l’accompagnement sexuel. Moyennant la somme de 600 €, les personnes qui le désirent apprennent, au cours de trois sessions de quatre jours, les gestes et les paroles pour accompagner sexuellement et sensuellement une personne handicapée. Car « nous ne parlons jamais d’assistanat mais bien d’accompagnement », explique Jill Prévôt-Nuss, présidente de l’association et ancienne accompagnante sexuelle.

Avant que la formation ne débute, plusieurs étapes de sélection sont prévues. Les candidats « stagiaires » doivent remplir une fiche de renseignements et expliquer leurs motivations. « Il s’agit de faire le tri entre les personnes qui pensent pouvoir arrondir leurs fins de mois et celles qui ont réellement envie », explique la coordinatrice des accompagnants sensuels et/ou sexuels de l’Appas. Une fois cet écrémage effectué, place au concret. La première demi-journée est basée sur le droit. Les stagiaires apprennent ce que dit la loi sur la prostitution, le proxénétisme, la pénalisation du client. Mais sont aussi abordées les questions de tutelle, de curatelle, de consentement, de discernement, de libre arbitre, des interdits, des agressions sexuelles… « Ensuite, une psychologue intervient pour travailler avec les stagiaires sur leurs représentations en matière de handicap et de sexualité », rapporte Jill Prévôt-Nuss.

Chaque corps est unique

La présidente de l’association anime elle-même deux demi-journées sur le rapport au corps. Il s’agit d’exercices de regard, de communication avec l’autre, de centrage sur soi, de méditation, de toucher. « Nous n’apprenons pas à faire des massages. Et nous n’enseignons certainement pas, comme peuvent le penser nos détracteurs, comment faire l’amour à une personne handicapée », souligne-t-elle. Car si les personnes handicapées doivent être manipulées avec précaution, chaque corps est unique, différent. Ce que justifie très bien Jill Prévôt-Nuss : « Alors que j’ai moi-même été accompagnante sexuelle, au quotidien, je suis incapable d’accompagner un autre corps que celui de mon mari(1). Tout se découvre dans l’intimité, comme dans n’importe quelle relation. C’est au moment où les personnes se retrouvent nues que les corps se découvrent, que tout se joue. Il n’y a pas de formation pour cela. » L’enseignement se poursuit avec le partage d’expérience de personnes exerçant régulièrement. Il y a aussi les témoignages de personnes accompagnées ou anciennement accompagnées. Celles-ci expliquent combien l’accompagnement sexuel a été précieux pour elles. Ou alors qu’elles ont arrêté parce que, finalement, elles ne se retrouvaient pas dans cette situation. « C’est très important d’avoir aussi cette parole, assure Jill Prévôt-Nuss. Ces personnes ont essayé et se sont rendu compte qu’elles préféraient autre chose. »

Handicap mental et grands troubles cognitifs

Ce premier module achevé, il est possible d’en suivre un second permettant d’accompagner des personnes en situation de handicap mental et de grands troubles cognitifs. « Il y a plusieurs handicaps et tout le monde ne se sent pas forcément d’accompagner ces personnes, souligne la présidente de l’Appas. Pour le handicap mental, nous ne parlons même plus d’accompagnement sexuel. On parle de découverte, d’apprentissage de la sensualité, de son corps… C’est extrêmement différent. » Et Jill Prévôt-Nuss de conclure en s’adressant aux opposants à l’accompagnement sexuel : « Ils ont le droit d’être contre ce que nous faisons. Mais que répondent-ils aux milliers de demandes reçues à ce jour ? L’accompagnant sexuel ne vient pas juste nu, partager un moment sexuel et s’en va. Cela ne se résume pas à ce qui se passe sous la couette. Il y a un suivi, un lien qui se crée. Il y a beaucoup de choses en amont, pendant et après. C’est très riche comme activité. » D’où l’intérêt d’être bien formé.

Qui sont les « stagiaires » ?

S’il n’existe pas de profil type, sur les 80 personnes formées, certaines sont des travailleuses du sexe souhaitant pouvoir répondre aux demandes qu’elles reçoivent. D’autres, majoritaires, sont issues du médico-social. Enfin, il y a des personnes qui viennent parce qu’elles ont déjà été sensibilisées aux thématiques de la sexualité et du handicap. « Ce sont des personnes qui ont déjà suffisamment cheminé sur les questions du couple, de la sexualité, de leur rapport au corps pour pouvoir partager cela avec des personnes en demande », renseigne Jill Prévôt-Nuss.

Notes

(1) Marcel Nuss, fondateur de l’Appas et lui-même lourdement handicapé – Voir sa tribune dans ASH n° 3147 du 14-02-20, p. 28.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur