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Le soupçon du chiffon rouge

« On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. » Sophie Cluzel avait-elle en tête cette fameuse phrase du cardinal de Retz, au moment de se déclarer favorable à la légalisation des accompagnants sexuels, le 9 février dernier, chez nos confrères d’Europe 1 ? Pourquoi diable la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées a-t-elle soulevé une question qui, si elle se prête par nature au débat, ne concerne qu’une minorité de personnes en France et ne dit quasiment rien de la situation des personnes en situation de handicap ?

Les arguments des parties prenantes sont tous recevables. Ceux qui s’y opposent dénoncent avec justesse la marchandisation des corps, la vénalité d’actes intimes, la vulnérabilité de ceux qui font appel à ce type de prestation et la revendication d’un « droit » à la sexualité, comme d’autres revendiquent leur « droit » à l’enfant. Les tenants d’un tel accompagnement font valoir avec raison que les personnes handicapées ne sont pas asexuées et que l’on ne peut pas continuellement parler de « société inclusive » en refusant d’aborder le sujet. Ils avancent aussi la possibilité de redonner au corps le moyen d’être un vecteur de plaisir, et pas seulement de souffrance. Ils ont enfin beau jeu d’appeler le gouvernement à sortir de l’hypocrisie, alors que l’accompagnement sexuel est toléré de facto par les pouvoirs publics. Ce gris clair, cet entre-deux n’appelait en réalité aucun éclaircissement, aucune mise au point. La tolérance qui prévaut jusqu’à présent ne nécessite aucun débat législatif, aucune mobilisation du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), pourtant saisi par la secrétaire d’Etat.

Face à ce constat, une pensée désagréable s’immisce avec insistance dans les esprits : ce chiffon rouge a-t-il en réalité servi de leurre ? La dernière Conférence nationale du handicap (CNH), qui a eu lieu le 11 février à l’Elysée, a déçu les associations. Elles attendaient davantage de moyens et des dispositifs en prise avec la réalité, en particulier sur le terrain de l’emploi, de la scolarité et du handicap psychique. Les annonces du chef de l’Etat à l’occasion de cette CNH, jugées timides et déjà reléguées, ont depuis disparu des radars médiatiques.

Il reste à espérer que ce débat, légitime, sur l’assistance sexuelle s’échappera au plus vite d’une arène souvent malsaine et voyeuriste. Et qu’il soit abordé comme il se doit, avec respect et discernement, comme pour tout un chacun.

Éditorial

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