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Handicap : pour une généralisation de l’accompagnement sexuel

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Développer l’accompagnement sexuel des personnes en situation de handicap. C’est l’un des objectifs de la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel. Une annonce accueillie avec une bienveillante prudence par l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel. Marcel Nuss, son président, appelle le gouvernement à dépasser ses contradictions.

« Le dimanche 9 février 2020, sur Europe 1, Sophie Cluzel, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées, s’est prononcée en faveur de l’accompagnement sexuel. Emmanuel Macron a confirmé, deux jours plus tard, cette annonce lors de la Conférence nationale du handicap (CNH). Sonnez clairons, résonnez trompettes ! Stop ! Ne nous emballons pas, comme je le vois sur les réseaux sociaux !

Certes, c’est un premier pas, dont le retentissement médiatique vient témoigner. Une annonce d’autant plus retentissante que ses prédécesseurs se sont bien gardés de s’engager dans cette voie. Elle est d’autant plus encourageante que, comme le dit la secrétaire d’Etat, les mentalités ont quand même (un tant soit peu) évolué depuis le dernier avis rendu par le Comité national consultatif d’éthique (CNCE), en 2012.

Cela dit, last but not least, ça ne coûte rien, ou si peu, à ce gouvernement, financièrement parlant, tout en ayant l’avantage de faire (positivement) parler de lui. Cela peut aussi donner l’impression qu’il se soucie de politique sociale alors que ce n’est que de la poudre aux yeux dans une période particulièrement tourmentée. Dans le contexte social et politique actuel, il est donc permis de s’interroger sur la nature de cette annonce, qui a suscité un véritable buzz.

J’en veux pour preuve les médias qui nous appellent depuis cette interview sur Europe 1 (une quarantaine en quatre jours et parmi les plus importants). D’un coup d’un seul, l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas) est mise sous le feu des projecteurs. Nous ne pouvons que remercier Sophie Cluzel du service qu’elle nous rend. Mais après ? Les lumières se détourneront de l’association aussi vite qu’elles s’y sont portées. Les souffrances des personnes en situation de handicap, privées de sexualité et de sensualité, seront quant à elles oubliées. Jusqu’à la prochaine fois.

Car l’accompagnement à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap n’est que l’arbre qui cache la forêt.

Des blocages à plusieurs niveaux

Que fait-on de l’éducation sexuelle à l’école, notamment dans les écoles “en milieu protégé” ? L’éducation sexuelle est une tartufferie dans notre pays. Or, sans éducation spécifique digne de ce nom, difficile de faire évoluer les mentalités vers davantage de tolérance et de responsabilisation tant que l’autre sera considéré comme anormal, déviant ou pervers, et ce dès lors qu’il a un physique et/ou des orientations sexuelles “hors normes”. C’est pourtant primordial si l’on prétend mener une politique inclusive. Ce n’est pas non plus en ingérant des vidéos pornographiques que l’éducation sexuelle des personnes handicapées se fera (certaines attendent de l’accompagnement sexuel de revivre ce qu’elles voient dans ces vidéos).

Pourquoi les directeurs de “lieux de vie” s’opposent-ils à toute forme d’accompagnement sexuel dans leur établissement ? Alors que la chambre des résidents est privée et que les tuteurs, donc a fortiori les directeurs d’établissement, n’ont aucun droit de regard sur la sexualité ou la religion des personnes en situation de handicap. Cela ne ressemble-t-il pas furieusement à une entrave aux libertés fondamentales ?

Que fait-on d’une exception à la loi sur le proxénétisme pour les associations gérant ce type d’accompagnement très particulier ? En attendant, les personnes handicapées sont censées être pénalisées comme clients de la prostitution et l’Appas fait du proxénétisme… depuis cinq ans en toute transparence ! Le ridicule ne tue pas.

Que fait-on des parents qui masturbent leur enfant par désespoir et par compassion, afin de soulager leur souffrance due à l’abstinence et au refoulement ? Que fait-on des innombrables femmes de tous âges qui subissent quotidiennement des attouchements et des abus sexuels, quand ce ne sont pas des viols ? En tout cas, raison de plus pour que l’Appas existe, car il est urgent de dénoncer ces réalités trop mises sous le tapis.

L’appas, engagée et mise à l’écart

Une association telle que l’Appas a besoin de moyens pour pouvoir agir, des moyens qu’on lui refuse hypocritement (on ne subventionne pas une association en infraction avec la loi…), pour organiser des opérations d’information, de sensibilisation, de formation, de prévention et d’accompagnement des personnes handicapées, comme des professionnels du médico-social et des parents. L’Appas survit depuis sa création grâce au bénévolat de ses membres. Une subvention n’est pas de refus Madame Cluzel… si, vraiment, vous êtes en faveur de l’accompagnement sexuel.

La secrétaire d’Etat veut échanger avec nos voisins européens pour voir comment ils forment des accompagnants, alors que nous opérons sous ses yeux depuis mars 2015. Elle le sait parfaitement. Mais ce type d’annonce permet de gagner du temps. Nous profitons de cette tribune pour l’informer que nous travaillons avec des formatrices suisses et allemandes de renom depuis longtemps.

Par ailleurs, Madame la secrétaire d’Etat, quelle association avez-vous consultée ? En tout cas pas l’Appas, qui est pourtant en première ligne et la plus engagée dans ce domaine.

En même temps, si j’ose dire, le Haut Conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) n’a pas tardé à clamer son opposition à une légalisation de l’accompagnement sexuel – démontrant au passage la relativité du sens de l’égalité de certains. Et pour cause, tout ce petit monde a peur que la prostitution ne soit légalisée, mettant en avant l’opposition de Maudy Piot, elle-même en situation de handicap et présidente de l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA). Il ne s’agit pas là d’une critique ad hominem mais bien de souligner que cela ne lui était pas difficile puisqu’elle n’était « que » non-voyante, donc tout à fait en capacité d’avoir une vie affective, sensuelle et sexuelle.

Que l’on soit contre l’accompagnement sexuel ou la prostitution n’est pas le problème. Il se situe dans l’intolérance que véhiculent les opposants à cette pratique qui nous laisse songeur sur la définition de la démocratie chez certains. En réalité, c’est “simplement” la peur de voir la prostitution légalisée dans la foulée qui explique, du moins en partie, ce refus ferme. J’en veux pour preuve ce que m’a dit, il y a une dizaine d’années, une représentante du Mouvement du Nid [association spécialisée dans l’accompagnement des personnes prostituées, ndlr] après une réunion : “Nous sommes pour l’accompagnement sexuel s’il est bénévole.” CQFD. De fait, la grosse différence qui sépare les partisans et les opposants de l’accompagnement sexuel, par conséquent de la prostitution libre et volontaire, c’est l’intolérance, souvent proche d’un intégrisme moral voire religieux, des seconds. Et c’est d’autant plus triste, à mes yeux, que ces opposants radicaux ont des relations sexuelles, des caresses, de la tendresse…

J’ai déjà essayé de rencontrer Sophie Cluzel, sans recevoir de réponse. Pas davantage d’ailleurs de François Ruffin ou de Jean-Luc Mélenchon, leaders de la France insoumise […]. Défendre la cause de l’accompagnement sexuel ne rapporte rien. Si ce n’est des problèmes.

Un premier pas important a néanmoins été franchi sur Europe 1, le 9 février dernier. Nous attendons désormais, avec méfiance, la suite. »

Contact : avenbleu55@gmail.com

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