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Le Cesu : entre confiance et dépendance

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Soutien scolaire, ménage, assistance aux personnes âgées ou handicapées… Créé en 1994, le Cesu (chèque emploi service universel) permet à tout particulier d’employer quelqu’un pour exercer des activités chez lui. Or, en raison de l’allongement de la durée de vie ainsi que d’emplois de plus en plus chronophages, ces besoins en aide à domicile se multiplient. C’est pourquoi l’Urssaf, en charge du programme, a mis en place en juin dernier une nouvelle formule, nommée Cesu+, censée simplifier et accélérer les démarches. Si, comme l’indique Olivier Crasset, sociologue à l’université de Nantes, « près d’un quart des personnes âgées titulaires de l’APA [allocation personnalisée d’autonomie] emploient au moins un salarié à domicile par le biais du Cesu », cette forme d’emploi direct diffère beaucoup des emplois prestataires ou mandataires, plus habituels dans l’aide à domicile.

« Du point de vue du droit, il s’agit d’un contrat de travail qui, à quelques exceptions près, est à durée indéterminée. Avec les droits et les devoirs que cela confère aux deux parties », fait valoir le membre du Centre nantais de sociologie. Et d’ajouter : « Dans les faits, on s’éloigne d’une relation salariale classique parce que cette forme d’emploi présente des traits typiques du travail indépendant. » Le Cesu donne notamment aux aides à domicile une relative autonomie pour fixer leurs tarifs, proposer un certain nombre de tâches et pas d’autres, définir leurs horaires, la zone géographique où ils travaillent… La relation de subordination typique du salariat telle qu’on la connaît habituellement est donc assez peu présente. Cette forme d’emploi est plus souvent vécue comme une prestation de services. « Tout ce contexte amène à considérer différemment la relation qui s’établit entre la personne aidée – employeuse – et l’intervenant salarié », assure Olivier Crasset.

« Un rapport de force s’établit »

Au cours de ses travaux, celui qui est aussi enseignant à l’université de Brest a cherché à comprendre comment fonctionne ce dispositif. Et en particulier s’il permet ou non aux personnes âgées de participer davantage à la définition de l’aide qui leur est apportée. Première chose positive, souligne-t-il, « la loi permet au bénéficiaire de choisir l’aide à domicile qui intervient chez lui ». Comme c’est son choix, cela veut dire que son opinion est prise en compte. Mais ce n’est pas si évident. Une fois choisie, souvent sur les recommandations d’un tiers de confiance, les deux parties se rencontrent. Des premières discussions cruciales car sont alors discutés les termes du contrat : les besoins de la personne, les horaires, le tarif… « Un rapport de force s’établit entre employeur et employé, mais celui-ci n’est pas forcément à l’avantage de l’employeur, assure Olivier Crasset. Certains aides à domicile sont en effet très fortement sollicités et en capacité de choisir avec qui ils ont envie de travailler. »

Une fois l’aide mise en place, la relation devient régulière, au long cours. Elle peut s’étendre sur plusieurs années. Eventuellement même jusqu’au départ à la retraite du professionnel ou au décès de la personne âgée. Cette relation est plus confortable car, à force de se fréquenter, ils prennent leurs habitudes, évoquent des sujets plus intimes. Là encore, de prime abord, cela semble bénéfique pour la personne âgée. « Mais il existe certains risques, affirme le sociologue. Notamment celui d’une dépendance du senior envers cette relation unique et privilégiée dont il peut difficilement se passer. C’est aux aides à domicile de trouver la juste distance, être à la fois empathiques et professionnels. » Et d’ajouter : « Ce risque de dépendance est souvent dénoncé par les assistants de service social, qui observent des cas d’abus de confiance en raison de salaires excessifs. » Directement négociée entre l’employeur et l’aide à domicile, la rémunération dépasse en effet régulièrement ce qui est pris en compte par l’APA. La personne âgée peut donc se retrouver avec un reste à charge important. D’autant que ce sont souvent les aides à domicile qui déclarent eux-mêmes leurs heures de travail et remplissent leurs bulletins de salaire.

Olivier Crasset pointe un autre risque : « Celui d’un rapport de domination au détriment de l’aide à domicile lorsque celui-ci est vulnérable. Tous les aides à domicile ne sont pas en capacité de négocier de bonnes conditions, surtout s’ils sont peu diplômés. » In fine, le Cesu offre aux personnes âgées beaucoup de possibilités de participer à la définition des services qui leur sont rendus. Il répond aussi à une volonté partagée de tisser une bonne relation. Mais il soulève des questions liées au fait qu’il se situe dans une zone grise, entre salariat et indépendance, où le droit s’applique très mal. « S’il y a des risques de dépendance, d’abus, le Cesu ne se déroule pas en vase clos mais sous le regard des autres professionnels et parfois de la famille », souligne Olivier Crasset. Ce qui permet de repérer et de limiter la plupart des dysfonctionnements…

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