Recevoir la newsletter

Les centres éducatifs renforcés plébiscités par les professionnels

Article réservé aux abonnés

La coordination s’impose. Organisée le 7 février à Paris par la Cnape, la journée-débat sur la justice des mineurs a été l’occasion pour les professionnels de s’exprimer sur le fonctionnement des centres éducatifs renforcés. Universitaires, magistrats et professionnels de terrain s’accordent sur leurs bienfaits mais les préconisations pour leur amélioration abondent.

Les intervenants sont unanimes. Créés par le ministère de la Justice en 1996, les centres éducatifs renforcés (CER) ont leur raison d’être. Rupture avec les conditions de vie, remobilisation et préparation à l’insertion en sont les mots d’ordre. Ce dispositif alternatif à l’incarcération bénéficie pour 2020 de 43 millions d’euros de budget de l’Etat. Il est dédié à des mineurs délinquants multirécidivistes âgés de 13 à 18 ans et pris en charge pour une durée de trois à cinq mois. En 2018, les 51 CER que compte le territoire national ont accueilli 971 jeunes. « Il faut éduquer tous les enfants, y compris ceux qui sont en conflit avec la loi », rappelle Josiane Bigot, présidente de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape). « Ces établissements permettent aux jeunes de trouver des repères, de l’espoir et des limites », précise-t-elle.

Un processus intégré dans un parcours global

Pour y parvenir, la connaissance du milieu familial et sa prise en compte dans l’accompagnement sont nécessaires. « Il faut vraiment sonder la situation familiale. Les éducateurs doivent se rendre dans le quartier et dans le logement du mineur », assure Alexis Flaw, cadre socio-éducatif. Il indique que l’accompagnement et l’implication des parents sont essentiels, « pour sécuriser les choses ». La réussite tiendrait aussi à l’éloignement géographique, mais Brahim Termellil, directeur du CER des Hautes-Alpes du Groupe SOS Jeunesse, précise que « l’éloignement est important mais que le retour sur le territoire l’est tout autant ». Une approche globale de la situation du jeune est soutenue par Maud de Larivière, responsable de l’unité éducative de milieu ouvert (UEMO) Saint-Etienne-Jacquard pour la direction territoriale de la Loire.

Maud de Larivière indique que « le sens du placement doit être réfléchi en équipe pluridisciplinaire » et que « ce n’est pas juste l’affaire d’un éducateur et d’un jeune ». Elle note une évolution autour d’un vrai projet au cours des dernières années. Le moment du placement en CER aurait aussi évolué. Alors qu’il avait toujours lieu lorsque la délinquance était très affirmée, il serait aujourd’hui proposé plus en amont, puisque, là aussi, la rupture serait bénéfique. Maud de Larivière préconise une visite de préadmission. « Mieux on prépare en amont les modalités d’accueil, plus le mineur peut se projeter car rares sont les jeunes qui adhèrent dès le départ au processus », affirme-t-elle, avant de préciser que « le décompte commence le jour de l’intégration du CER car la sortie arrive vite ».

Le manque d’empathie, un vecteur de violence

Pour faire le lien entre l’arrivée et le départ, Brahim Termellil expérimente un accueil des nouveaux confié à des ambassadeurs. « Ce sont les jeunes de la session précédente qui accueillent les nouveaux », explique-t-il. Les professionnels s’accordent sur le fait que le retour à la vie de quartier peut être problématique. Les tentations reprennent facilement puisque, même si le mineur a progressé, ce n’est pas le cas de son entourage. Maud de Larivière préconise aux professionnels de terrain d’en discuter de manière transparente avec la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui pourrait faire le lien pour la suite du parcours.

L’histoire familiale ou avec l’entourage fait que pour certains jeunes, ce serait l’affrontement qui permettrait de créer du lien. C’est ce qu’affirme Maurice Berger, psychanalyste, ancien chef de service en psychiatrie de l’enfant et ancien professeur associé de psychologie, qui travaille en CER depuis 2014. « Je constate une augmentation des actes violents et une aggravation des problèmes psychiques des jeunes. Les professionnels sont déstabilisés et leur turn-over fréquent », déclare-t-il. Selon lui, une formation aux troubles psychiques des adolescents serait bénéfique. Il indique que le schéma relationnel de certains jeunes qui ont des troubles de l’attachement mène toute relation vers une mauvaise issue. Il s’agirait d’un problème d’empathie. « Souvent, les individus qui commettent des violences gratuites en manquent. » Ce constat est confirmé par Omar Zanna, docteur en sociologie et en psychologie et professeur des universités au Mans, qui recommande l’éducation à l’empathie à l’école, une démarche qui existe déjà et devrait être généralisée.

La mobilisation conjointe de l’ensemble des acteurs

Mais Maurice Berger se dit résigné : « Pour certains jeunes, la réponse judiciaire est le seul moyen de leur faire comprendre ce qui est mal », déclare-t-il. Au cours des sessions, l’intervention du magistrat doit avoir lieu en cas de problème, selon Pascale Hygont, magistrate et vice-présidente chargée du tribunal pour enfants de Lyon : « Un vrai partenariat doit être établi avec les CER. Nous organisons une audience de début et de fin de session, et cela doit être systématique. » Il s’agirait d’une « prise en charge parenthèse » qui vise à faire l’apprentissage d’une relation de confiance et à protéger les enfants. La magistrate réaffirme le rôle de la justice, en déplorant que les services de la PJJ rencontrent désormais des difficultés pour trouver des hébergements alors que la décision du juge est prise et que des objectifs sont fixés. De même, elle constate que les retours écrits ne sont plus systématiques. L’inquiétude se porte également sur la notion de « mise à l’épreuve éducative » prévue par la réforme de la justice pénale des mineurs qui devrait aboutir à la fin de l’année 2020 et assurer l’accélération des procédures.

Focus

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur