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CNH : des annonces qui restent à concrétiser

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Le discours d’Emmanuel Macron, prononcé ce 11 février après une matinée ronronnante, a porté quelques annonces, dont certaines étaient espérées de longue date par les personnes handicapées. Mais la plus grande incertitude demeure sur les modalités concrètes, notamment financières, de leur traduction dans les faits.

« Ils disent tous la même chose mais il n’y a pas de moyens derrière », selon Sophie Biette, vice-présidente de l’Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (Unapei). « Il n’y a pas de faux pas, pas de mesure contre laquelle s’insurger. On voit même un certain élan, des mesures concrètes et le Président a incarné le message », opine Arnaud de Broca, président du tout nouveau Collectif handicaps (voir interview ci-contre). Avant de préciser : « C’est bien qu’il y ait des objectifs. Après, je ne vois pas clairement la façon dont ils seront concrétisés… » « Ce n’est pas que de l’enrobage. Il y a de vraies annonces », se félicite Prosper Teboul, directeur général d’APF France handicap. Avant de prévenir : « Qui dit vraies annonces dit… vraies attentes ! »

A l’issue de la Conférence nationale du handicap (CNH), tenue au palais de l’Elysée ce mardi 11 février, les réactions des représentants associatifs étaient mesurées. Avec globalement des satisfactions sur le fond des déclarations entendues, mais beaucoup d’interrogations sur leur possible traduction dans les faits.

La CNH a été créée par la loi du 11 février 2005. Son but : dresser tous les trois ans un bilan et ouvrir des perspectives en matière de politique du handicap. Cette année, elle s’est tenue dans un contexte de tensions entre associations représentatives et gouvernement, en particulier autour de la création du revenu universel d’activité (RUA).

Aucun débat spontané

Conformément au slogan maintes fois répété au cours de cette matinée, « tous concernés, tous mobilisés », le ban et l’arrière-ban des ministres concernés occupaient le premier rang de la salle. Numérique, emploi, santé, enfance… Plus d’une dizaine ont pris la parole, pour, chacun, énoncer des mesures en grande majorité déjà connues, prises au cours des deux dernières années. Une longue succession de considérations techniques, sans vision politique, transversale, qui les aurait articulées. A des questions précises, qui avaient pourtant été communiquées en amont, ils ont proposés des réponses souvent décalées par rapport aux attentes. Il est aussi à relever qu’aucun débat spontané n’a eu lieu.

S’y seraient sans doute exprimées des inquiétudes. Et des attentes fortes. Du côté des craintes, la plus forte du moment tient sans doute à la possible fusion de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et du RUA, qui a conduit, le 4 février dernier, au retrait de quatre associations représentatives des personnes handicapées de la concertation autour de la création de ce minima social(1). L’autre inquiétude tient aux retraites, à la prise en compte de la fatigabilité des personnes handicapées pour leur attribuer une pension anticipée, sans décote. Quant aux sujets qui suscitent des attentes, le projet de loi « dépendance » reste attendu, mais plus personne n’en parle actuellement.

Opération déminage

Il aura fallu que s’écoulent les deux premières heures et demie de conférence avant que ces enjeux ne soient abordés, dans le seul discours conclusif d’Emmanuel Macron.

Le chef de l’Etat s’est lancé dans une opération déminage. D’abord en promettant que l’AAH ne serait ni intégrée au RUA ni dissoute en son sein. En garantissant, ensuite, que les personnes handicapées conserveraient leurs droits spécifiques dans le cadre du nouveau système de retraite.

Il a également fait quelques annonces, dont certaines étaient attendues de longue date par les associations. En particulier, l’élargissement à la parentalité de la prestation de compensation ou le fait qu’elle intègre, parmi ses aides humaines, les temps de préparation des repas et de vaisselle. Sur la question de l’accessibilité, Emmanuel Macron a reconnu que le compte n’y était pas, promis un calendrier de mise en accessibilité des bâtiments publics appartenant à l’Etat, ou encore l’accès aux communications gouvernementales. Il a aussi invité les candidats aux élections municipales à en faire un thème de campagne et défendu la création de labels de qualité d’usage.

L’équité territoriale en question

L’éducation a également représenté un temps fort de son discours. Le Président a dit vouloir que pas un seul enfant ne soit, à la rentrée prochaine, sans solution. Ils étaient encore 8 000 l’an dernier. L’objectif paraît pour le moins ambitieux. Pour l’atteindre, il a toutefois annoncé 11 500 recrutements supplémentaires d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) d’ici à 2022 et promis de les fidéliser en leur offrant un travail à plein-temps ainsi mieux rémunéré. Autres leviers évoqués : la collaboration de l’Education nationale avec les établissements et services médico-sociaux ou un module de formation introduit à la rentrée prochaine dans le cursus des enseignants.

Le nécessaire rétablissement de l’équité territoriale a aussi émaillé le discours présidentiel comme, cette fois, l’ensemble de la matinée. Une convention entre associations représentatives et gestionnaires, l’Etat et l’Assemblée des départements de France a même été signée en ce sens. Elle présente cinq engagements, au premier rang desquels le rétablissement d’un équitable accès aux droits partout sur le territoire, ce qui supposera de revoir le fonctionnement et le pilotage des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

L’ouverture de la prestation de compensation au handicap psychique n’a de son côté pas été évoquée.

Grands absents

L’emploi et la formation professionnelle ont aussi compté parmi les grands absents des annonces présidentielles. Il est vrai que nombre d’expérimentations sont en cours : les entreprises adaptées de travail temporaire, par exemple, ou les emplois tremplin. Mais suffiront-elles à résorber le chômage de 18 % des personnes handicapées, toujours deux fois supérieur à la moyenne nationale ?

Surtout, pas un mot n’a été prononcé sur les montants à engager, et leurs modalités de financement, pour toutes ces annonces. Et s’il est plus rapide de compter les ministres absents que ceux qui avaient fait le déplacement, il est aussi significatif de noter qu’au premier rang d’entre eux, on comptait ceux du budget ou des finances et de l’économie…

La loi du 11 février 2005 a prévu qu’un débat parlementaire peut avoir lieu à la suite d’une CNH. Les associations l’espèrent. Mais, absent des discussions le 11 février et au vu de l’embouteillage du calendrier des assemblées, il y a fort à parier que le débat n’aura pas lieu. En cela, la CNH 2020 ne ferait pas exception par rapport à celles qui l’ont précédée.

Notes

(1) Voir ASH n° 3146 du 7-02-20, p. 11.

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