La pédagogie du risque

Ils sont étiquetés « incasables » ou « situations complexes ». Il s’agit d’adolescents à la lisière de la délinquance et de la psychiatrie, qui ne s’adaptent pas à l’institution, mettent en échec les éducateurs qui les prennent en charge et en lumière les limites des dispositifs. La protection de l’enfance a longtemps cru qu’il suffisait de s’occuper de ces empêcheurs d’accompagner en rond dans des lieux adaptés pour qu’ils retrouvent des repères, des attachements, bref qu’ils s’intègrent. Mais, pour beaucoup, les fugues, les délits, les comportements « border line » ont continué. Des travailleurs sociaux ont alors eu l’idée de prendre les chemins de traverse. A ces jeunes qui échappent au système, ils ont proposé de vraies échappées, sorte de pédagogie du risque, hors des pratiques habituelles. Ce sont ces séjours de rupture dans des environnements inconnus, à l’étranger, en mer, en pleine nature, où les adolescents sont confrontés tant à eux-mêmes qu’aux autres, que relate cet ouvrage collectif. Une démarche de reconstruction hors pair, où les règles sont pensées ensemble et où chaque manière de faire et d’être fait office de « ressource éducative ». Des recherches sur des groupes de jeunes ayant participé à des séjours de rupture à l’étranger démontrent les bénéfices psycho-affectifs de ces éloignements : ils accèdent à plus d’autonomie, de confiance en eux, d’estime de soi, de socialisation, de lien, de narcissisme, de dépassement de soi, de solidarité, etc. Selon l’ancien éducateur de rue et sociologue Jean-Yves Barreyre, « il y a innovation sociale lorsqu’un groupe ou un individu prend en charge un besoin social n’ayant pas encore trouvé de réponses acceptables ou efficaces ». En ce sens, les séjours de rupture ont innové. Pour autant, malgré des résultats favorables, ils restent marginaux au sein du travail social : seuls 10 départements sur 101 ont autorisé des structures de l’aide sociale à l’enfance a en organiser… Et, malgré les besoins, seulement 200 jeunes en profitent.