Dans une décision rendue le 5 février, le Conseil d’Etat a rejeté les requêtes de 19 associations, syndicats et fondations, d’une part, et du Conseil national des barreaux, d’autre part. Tous demandaient l’annulation du décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes. Pour rappel, ce décret autorise d’abord les départements à solliciter les préfectures – donc l’Etat – pour obtenir des informations sur l’identité et le parcours d’un étranger se présentant comme mineur. En outre, il permet la création d’un fichier national comportant la liste des étrangers se déclarant mineurs et dont la minorité est en cours d’évaluation. L’objectif, pour le gouvernement, est de repérer plus facilement ceux qui présentent des demandes dans plusieurs départements.
Bien qu’elle rejette les requêtes en estimant que le décret ne méconnaît pas l’intérêt supérieur de l’enfant, la Haute Juridiction administrative apporte toutefois quatre précisions relatives à son interprétation.
D’abord, c’est bien le département qui évalue la minorité. Il ne suffit pas qu’un jeune apparaisse comme majeur dans l’une des bases de données consultées en préfecture pour qu’il soit évalué comme tel. Ensuite, l’Etat doit assurer, quoi qu’il arrive, la protection provisoire d’un étranger se déclarant mineur, quand bien même il ne se serait pas présenté en préfecture conformément à la nouvelle procédure. Enfin, le Conseil d’Etat précise qu’une mesure d’éloignement ne peut pas être prise contre l’étranger à la suite de son passage à la préfecture tant que l’évaluation n’est pas terminée. Des éléments qui tendent à penser que le décret était par nature suffisamment bien écrit et encadré. De surcroît, le Conseil d’Etat rappelle que le fichier des mineurs non accompagnés « ne comporte pas de finalité pénale ».
Mais, sans grande surprise, les associations requérantes n’ont toutefois pas manqué de dénoncer la décision du Conseil d’Etat dans un communiqué de presse commun diffusé le 6 février. Pour la Ligue des droits de l’Homme (LDH), le Syndicat des avocats de France ou encore Médecins du monde, le Conseil d’Etat fait ainsi primer la lutte contre l’immigration irrégulière sur les droits de l’enfant. Pour la LDH, les « pseudos-garanties » apportées par le Conseil d’Etat « ne suffiront pas ». Les organisations craignent que les enfants concernés se dissuadent de demander une protection et qu’ils restent exposés « à tous les dangers ».
Conseil d’Etat, 5 février 2020, nos 428478 et 428826.