« À Paris, en novembre dernier, 700 enfants en famille sollicitaient chaque jour un hébergement sans obtenir de solution. Près de 20 000 enfants sont déjà hébergés à l’hôtel dans des conditions très précaires. Une situation dramatique qui s’explique par le caractère inflationniste des loyers dans les métropoles, l’augmentation des expulsions locatives (36 000 personnes expulsées avec le concours de la police en 2018) et surtout la pénurie de places d’accueil dédiées aux demandeurs d’asile et réfugiés.
Pourtant, le budget de l’Etat dédié à l’hébergement continue de croître, pour atteindre 2 milliards d’euros en 2020 et financer 150 000 places. Mais cette progression bénéficie essentiellement au financement de chambres d’hôtels et de places d’hébergement précaire, sans accompagnement vers l’insertion.
La pénurie de solution d’hébergement et d’accès au logement est aussi une menace pour le principe légal d’inconditionnalité de l’accueil « de toute personne en situation de détresse », qui constitue un continuum de droits : droit à une première évaluation, à un accompagnement individualisé, à une continuité de la prise en charge, à des prestations d’accueil minimales (gite, couvert, hygiène…) assurées dans des conditions garantissant le respect des droits et libertés fondamentales (dignité, sécurité, vie privée et familiale…). Les principes d’inconditionnalité et de continuité doivent être inscrits parmi les principes fondateurs guidant l’action de ce nouveau service public de la rue au logement.
La première mission de ce service public est d’aller au contact des publics les plus vulnérables qui ne recourent pas à l’aide sociale. Les associations défendent un accompagnement social pouvant s’établir sans limite de durée prédéfinie et élaboré avec les personnes elles-mêmes.
Les accueils de jour qui sont souvent en première ligne face aux situations de “sans-abrisme” doivent être renforcés en dehors de toute logique saisonnière et être éligibles au programme national d’humanisation mis en œuvre par l’Anah (Agence nationale de l’habitat). De même, la gestion des effectifs de maraudes ne doit plus dépendre de la saisonnalité et les renforts doivent être pérennisés sur l’année.
La domiciliation permet à toute personne sans domicile stable de disposer gratuitement d’une adresse administrative où recevoir son courrier, et ainsi de faire valoir ses droits et prestations. Or le défaut criant de moyens dédiés aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale et aux associations agréées ne permet pas son application.
Il faut donc un droit opposable à la domiciliation, dans lequel la carence avérée des communes rétives à l’accueil de personnes en difficulté déclencherait une injonction du préfet et une sanction financière.
Pour rendre efficaces les principes du dispositif « Logement d’abord », ce service public doit proposer un accompagnement aux personnes visant au développement de la citoyenneté et de l’autonomie. La dynamique de l’accompagnement pluridisciplinaire du dispositif « Un chez soi d’abord » dédié aux grands exclus doit être étendu sur l’ensemble du territoire avec des objectifs quantitatifs volontaristes.
La création de ce service public ne doit pas empiéter sur l’autonomie associative et des capacités d’innovations sociales qui dépendent du mode de relation entre les pouvoirs publics et les associations. Il faut privilégier la coopération et la relation partenariale entre tous les acteurs impliquées (pouvoirs publics, associations, société civile), en évitant les marchés publics qui introduisent une mise en concurrence des acteurs, une transformation des associations en simples prestataires de services et le nivellement de la qualité vers le bas. Les associations recommandent le recours à des appels à projets ou à manifestation d’intérêt qui favorisent les innovations sociales.
La Fédération défend la mise en place d’un régime juridique unifié pour toutes les activités d’hébergement, de veille sociale et d’accompagnement afin d’harmoniser les règles et de faciliter la gestion des dispositifs tout en garantissant les droits des personnes, la qualité des prestations proposées et une stabilité des activités. Ce régime pourrait intégrer les dispositifs de veille sociale (accueils de jour, maraudes…), d’hébergement et d’accompagnement dans le logement (centres d’hébergement et de réinsertion sociale dans ou hors les murs…) et servir de base à une contractualisation ambitieuse pour des futurs contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (rendus obligatoire pour les CHRS par la loi « Elan ») qui garantiraient une adaptation des prestations à la demande sociale des publics accueillis, une simplification et la consommation des lignes de financement.
Le développement du CHRS hors les murs constitue un levier important de la constitution d’une offre d’accompagnement global adaptable en temps réel aux besoins des personnes. La fédération soutient que le cadre règlementaire du CHRS hors les murs doit rester celui du CHRS dont il constitue une modalité d’intervention complémentaire du CHRS collectif et du CHRS diffus. Son action doit être fondée sur la mise en œuvre d’un accompagnement global et adaptable aux besoins des personnes, mobilisable sur leur lieu de vie, aussi bien pour l’accès à un logement pérenne que pour le maintien dans le logement.
Dans le cadre de la préfiguration du service public de la rue au logement, la Dihal a clairement indiqué son souhait d’un changement de gouvernance des 115-SIAO, avec une « implication plus forte de l’Etat ». Si les SIAO (services intégrés de l’accueil et de l’orientation) poursuivent des objectifs de politique publique et exercent des missions définies par la loi, en aucun cas ils ne doivent être réduits au rang de simples prestataires exécutant les décisions préfectorales, mais doivent, au contraire, préserver leur autonomie dans la gestion de leurs activités, leurs relations avec l’Etat et la mise en œuvre de leur projet associatif. C’est pourquoi la fédération défend la diversité des modèles dans un ancrage local fort, facteur de partenariats et d’innovations. Si l’enjeu est réellement de permettre à tous les publics d’accéder à un logement en s’appuyant sur un SIAO efficace, légitime et au service des publics, c’est une gouvernance territoriale et collégiale effective qu’il faut promouvoir, impliquant une forte présence des collectivités (notamment des métropoles) mais aussi des bailleurs sociaux, d’Action logement et des acteurs du soin. De cette manière, le SIAO pourra acquérir une meilleure visibilité sur les places disponibles et détiendra une véritable capacité d’orientation des publics sur les contingents disponibles. Enfin, certains SIAO sont saisis par l’Etat de demandes d’information nominatives concernant la situation sociale ou administrative des personnes sans domicile. Ces demandes, qui ciblent souvent les étrangers, préfigurent une politique de “tri” des personnes SDF contraire au droit : elles doivent cesser.
Le Collectif des associations unies défend depuis plusieurs années la nécessité d’une loi de programmation pluriannuelle de production de logements sociaux et très sociaux (150 000 logements dont 60 000 prêts locatifs aidés d’intégration) dans le parc social et 40 000 logements conventionnés Anah dans le parc privé, dont 10 000 en intermédiation locative. Le développement depuis 2017 des pensions de famille et des logements en intermédiation locative est une avancée positive. Mais il faut aussi agir sur le stock de logements existant en veillant au respect des obligations de relogement des ménages prioritaires de chaque réservataire, dont les 55 000 ménages reconnus prioritaires au titre du Dalo, et définir des objectifs chiffrés de relogement des ménages sortant de la rue ou d’hébergement dans le cadre des conférences intercommunales du logement. Agir sur l’offre de relogement des personnes en sortie de rue ou de centre d’hébergement sera l’une des clés de réussite de ce service public de la rue au logement. Son impact ne peut se limiter à une simple réorganisation administrative et institutionnelle des acteurs. »
Contact :