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Care manager, un métier d’avenir ?

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Chargé de coordonner les différentes prestations d’aides et de soins à domicile auprès des personnes âgées à l’étranger, le « care manager » inspire la France, où de premières initiatives commencent à émerger.

Un rôle « essentiel » auprès des seniors et des aidants. Un métier « attractif sur le marché des services d’aide à la personne ». Dans le rapport de l’ancienne ministre du Travail Myriam El Khomri sur les métiers du grand âge remis en octobre dernier, c’est dans ces termes qu’est décrit un poste qui n’existe pas encore en France : celui de care manager. Un autre rapport, remis au groupe Caisse des Dépôts, a également exploré les contours de ce métier à l’occasion d’une enquête, publiée fin décembre 2019, sur les plateformes numériques dans le maintien à domicile.

Idem pour le Conseil de l’âge qui, en mars 2019, en a décrit les contours à partir d’exemples puisés dans neuf pays étrangers. Les care managers ont pour mission de renforcer « l’intégration et la coordination du sanitaire et du social » auprès des personnes âgées. Dans le cas des pays nordiques comme la Suède ou le Danemark, ce sont eux qui évaluent leurs besoins dans le cadre d’un maintien à domicile. « Ils savent définir au plus juste un programme d’action en tenant compte des contraintes financières », peut-on même lire dans le rapport, s’agissant cette fois du Japon.

Des prémices en France

Selon le rapport « El Khomri », le métier de care manager gagnerait à être introduit en France dans l’optique « d’innover dans la coordination des acteurs ». Et en particulier dans le secteur de l’aide à domicile, marqué par les « cloisonnement et l’émiettement des services ». « C’est une bonne idée », réagit Pascal Champvert, le président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). Il estime cependant que ce type de fonction est bien le révélateur d’un « maquis bureaucratique » français à simplifier en premier lieu. « Nous soutenons très fort cette fonction de coordination, qui est indispensable à la nécessité de fluidifier les parcours, déclare de son côté Johan Girard, délégué national aux personnes âgées à la Croix-Rouge. Il y a une notion de soin global, d’accompagnement de la personne dans son environnement. Cela répond aux besoins d’une société en phase de transition démographique », complète-t-il.

Rien de tel n’existe en France. Dans l’Hexagone, cette tâche de coordination est assurée « partiellement et sans définition formalisée par différents intervenants : assistante sociale, coordinateur de services à domicile, auxiliaires de vie, etc. », peut-on lire dans le rapport de la Caisse des Dépôts. Un poste qui s’en approche le plus pourrait être celui de coordinateur ou de « gestionnaire de cas » au sein des Maia (maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer). Mais c’est l’exception qui confirme la règle : en France, « la coordination centrée sur l’usager dans son parcours de soins et de vie et ses aidants proches est un “service” qui n’est pas reconnu, pas nomenclaturé […], et donc pas financé ».

Identifiées par Mohammed Malki, auteur de cette étude, quelques initiatives pionnières soulignent cependant l’intérêt existant en France pour le sujet. Le directeur associé d’Alogia Conseil constate qu’un « champ d’innovation » existe : « des gestionnaires de services de soins, des collectivités territoriales et des intercommunalités initient des démarches. » A noter aussi que des services auprès d’entreprises se sont appropriés le terme. Dans leur contexte, le care manager est chargé d’assister des salariés aidants dans la coordination de services à domicile. L’intérêt, pour les entreprises, est ainsi de réduire l’absentéisme qui touche ces publics, préoccupés par leurs proches.

Des « référents sentinelles »

Qui sont donc, en France, ces care managers ? Dans le département de l’Isère, ils se nomment « référents sentinelles ». Ils ont été plus d’une centaine à être formés en quelques jours à cette fonction, dans le cadre du service « Isère@dom » mené depuis 2015 par le conseil départemental. Son principe ? Centraliser l’information sur les prestations de maintien à domicile disponibles dans le département, pour intervenir plus rapidement auprès des personnes âgées à domicile. « Il s’agit de développer une vigilance et de repérer les facteurs de glissement au bon moment pour éviter des hospitalisations », explique Laura Bonnefoy, vice-présidente du conseil départemental, qui bénéficie pour ce projet de l’appui de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Le référent a pour mission de vérifier l’état des personnes suivies, renseigné via un cahier de liaison numérique qui centralise toute une série d’indicateurs de santé, renseignés par l’ensemble des professionnels au contact des personnes âgées. Chaque référent s’occupe en général « de trois ou quatre personnes », selon France Lamotte, directrice de l’autonomie en Isère. « On forme les référents à notre système d’information et à l’environnement de professionnels disponibles, comme les équipes autonomie ou les assistantes sociales des départements, qui peuvent revoir le plan de l’allocation personnalisée d’autonomie. » Le département accorde désormais un coup de pouce tarifaire aux services d’aide et d’accompagnement à domicile pour valoriser et développer cette fonction de coordination.

Nouvelle carrière

Dans le champ du secteur privé, cette figure de guide dans le dédale des différents services émerge aussi. C’est même la raison d’être de l’entreprise Marguerite Services, tout juste créée. « On apporte notre aide aux aidants et aux aidés en direct dans tout l’écosystème de l’aide à domicile, hors partie médicale », explique Marion Favre Laurin, directrice générale de la structure. Chez elle, les care managers sont des « experts en intervention sociale ». Pour les recruter, elle pioche parmi des assistants sociaux, des ergothérapeutes ou des personnes « qui connaissent les systèmes de prise en charge ».

Ancienne aide-soignante en Ehpad puis responsable de secteur dans une entreprise spécialisée dans le maintien à domicile, Anaïs Morin fait partie de ses nouvelles recrues. « J’apporte une vision à 360 degrés. Avant, à l’agence, on voyait clairement les besoins des personnes mais on ne prenait pas en charge l’ensemble des services. On essayait de prévenir les familles, mais on n’avait pas la charge du suivi », souligne la jeune femme. En quoi consiste son nouveau métier ? « Je conduis des entretiens individualisés de trente à quarante-cinq minutes pour définir les besoins d’accompagnement. Ensuite, je fais la recherche de financement et de prestataires. » Selon elle, ce poste demande « une écoute très importante, une bonne compréhension de la situation ». Mais si elle a choisi de se lancer, c’est non seulement à cause de la valeur ajoutée du poste, mais aussi dans l’optique de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle. Dans l’aide à domicile, cette perspective pourrait intéresser plus d’un intervenant, a fortiori chez les femmes.

Repères

Au Québec, des gestionnaires de soins à domicile.

Ne parlez pas de « care manager » aux Québécois. Dans cette Belle Province où les anglicismes font hurler, ce sont des « travailleurs sociaux » qui coordonnent les « soins aux bénéficiaires ». Pas très glamour, mais le système est rodé. Les travailleurs sociaux interviennent dans le cadre d’un établissement pivot, le centre local de service communautaire (CLSC), où se pratique l’essentiel des soins de petite intensité, dans un système de santé provincial public et gratuit. Les CLSC sont des dispensaires créés au milieu des années 1990 pour régler les petits problèmes de santé à la suite de l’engorgement des urgences. Ces établissements comptent aussi des infirmiers, des aides-soignants et des « préposés » aux soins à domicile. Après qu’une personne âgée ou un de ses proches demande l’ouverture d’un dossier d’aide à domicile, le travailleur social évalue les besoins de la personne selon son état et son âge, notamment en se rendant à son domicile. Puis il décide de l’envoi d’auxiliaires familiales. Si la personne est admise au programme de maintien à domicile du CLSC, elle aura droit, en outre, à des services de soins, de préparation de repas, de ménage et à une aide financière plafonnée. A partir de 70 ans, en fonction des revenus, cette aide sera cumulable avec des crédits d’impôts. Dans une moindre mesure, ce profil professionnel existe aussi dans le privé. Il n’est alors plus « travailleur social » mais « conseiller en soins à domicile ».

Ludovic Hirtzman (à Montréal)

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