Faute d’un consensus sur leur rôle, leur pratique et d’une intégration réelle dans les équipes, certains travailleurs pairs peuvent ressentir un manque d’autonomie dans leur travail. Et la nécessité de justifier leurs actions de façon incessante auprès des autres professionnels. Eve Gardien pointe également du doigt que « leur évolution de carrière à l’heure actuelle est nulle, leur fonction n’entrant pas dans les cadres des conventions collectives de travail et les règlements internes des établissements et services n’ayant pas statué sur leur situation particulière. En outre, leurs possibilités de mobilité professionnelle sont quasi inexistantes, leur poste étant encore trop exceptionnel pour permettre un changement dans de bonnes conditions. » Un état de fait mis également en exergue dans le guide de la Fédération des acteurs de la solidarité et de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal)(1). « Dans ce champ de l’action sociale, l’innovation que constitue le travail pair engendre une difficulté pour les structures accueillant cette pratique : l’intégration des travailleurs pairs dans les conventions collectives ne va pas de soi. Encore non reconnu dans les conventions collectives relatives au champ social et médico-social (CCN 51 et CCN 66), le travail pair est requalifié par les employeurs, les travailleurs pairs devenant tour à tour “travailleur social non diplômé”, “auxiliaire de vie”, “intervenant social et familial”, “éducateur spécialisé non diplômé“, “adjoint d’agent administratif“. Les intitulés des contrats de travail prennent ainsi rarement en compte la spécificité de l’intervention sociale paire. » Conséquence ? Aujourd’hui, la plupart des travailleurs pairs expriment un désir de clarification de leur statut, de sécurisation et de reconnaissance de leur travail. « La formation des travailleurs pairs et la quête d’un statut en soi par le biais d’un diplôme reviendraient à biaiser le côté “pair”, pour se conforter dans des pratiques plus traditionnelles. Un statut officiel enfermerait les codes de pratiques, ce qui est difficile puisqu’elles sont inhérentes à chacun des pairs. Il paraît difficile de faire correspondre un code ROME [Répertoire opérationnel des métiers et des emplois de Pôle emploi] à du savoir expérientiel », estime Sylvain Pianese.
(1) « Développer le travail pair dans le champ de la veille sociale, de l’hébergement et du logement », décembre 2018.