« C’est l’ensemble de la réponse sociale à la question des pénibilités professionnelles qu’il faut repenser ». Dans le cadre de la réforme des retraites, la Fnath, association des accidentés de la vie, demande que les inégalités liées à l’espérance de vie du fait des pénibilités professionnelles soient « un déterminant clé » pour l’âge de départ à la retraite que ce soit dans le privé comme dans le public. Jugeant que le projet gouvernemental reste « très en-deçà des attentes sur la prise en compte de la pénibilité, de la retraite des personnes handicapées ou présentant une problématique de santé, des carrières longues, et de l’égalité en matière de droits à la retraite », l’association a formulé, début janvier, une série de propositions. Parmi elles, la création d’une allocation de cessation anticipée d’activités pour les travailleurs exposés à des conditions pénibles, et la mise en place un dispositif universel de retraite anticipée au titre des pénibilités.
La Fnath considère que la prise en compte des pénibilités « ne doit pas se limiter à une profession ou un statut » mais s’appliquer aux situations d’activités professionnelles et aux conditions de travail. « La reconnaissance des pénibilités doit combiner une approche collective, permettant à toutes les personnes exerçant un certain nombre de tâches (port de charges lourdes, horaires décalés, exposition à des substances cancérigènes, etc.) d’entrer automatiquement dans le dispositif, et une approche individuelle reposant sur l’examen au cas par cas de chaque personne par une commission dédiée. « Le plus pertinent serait que ce soit les médecins du travail qui évaluent les personnes », explique Sophie Crabette, chargée de mission action revendicative. Et d’ajouter : « La pénibilité doit être conjuguée à la fatigabilité liée à l’état de santé. On pense notamment aux publics en situation de handicap qui travaillent et qui n’ont pas droit à la retraite anticipée car leur handicap intervient tardivement. La moyenne d’âge de survenue du handicap est aujourd’hui de 46 ans. En 2019, seulement 2 800 personnes ont pu bénéficier de la retraite anticipée en raison de leur situation. Jusqu’en 2016, les personnes pouvaient justifier de leur situation de handicap pour partir plus tôt à la retraite avec la RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé). Depuis 2016, il est demandé aux personnes de justifier d’un taux d’incapacité de 50 %. La difficulté à faire reconnaître administrativement ce taux d’incapacité est un frein important ».
Forte de ces constats, la Fnath demande à ce que tous les travailleurs handicapés ayant un taux d’incapacité d’au moins 50 % puissent bénéficier d’un départ en retraite anticipé quel que soit leur âge. Elle propose également que les personnes dont le handicap survient à compter de 40 ans et qui ont un taux d’incapacité de 50 %, bénéficient à compter la date où le handicap est reconnu d’un mois de cotisation supplémentaire par année travaillée pour prendre en compte leur situation de santé. « La Fnath fait partie de la commission emploi du CNCPH dont les propositions du comité d’entente sont très similaires », souligne Sophie Crabette.
S’agissant des droits à la retraite des proches aidants d’enfants en situation de handicap ou des personnes handicapées vieillissantes, Sophie Crabette juge la situation relativement insuffisante. « Ces dispositifs restent réservés aux cas les plus lourds qui impliquent une reconnaissance administrative compliquée et, au final, sont extrêmement restrictifs dans leurs conditions d’accès et limités dans les droits à la retraite qui sont attribués. Une très grosse incertitude demeure sur la manière dont ces temps passés par les aidants à accompagner leur enfant ou un proche seront pris en compte. »
Reçue au ministère du Travail le 28 janvier, la Fnath entend bien défendre ses positions sur la pénibilité. « Le récent rapport Bellon [remis au gouvernement le 14 janvier] indique dès le préambule que l’emploi des seniors va nécessiter un changement de société et d’idéologie qu’il va falloir mettre en place pour que le travail des seniors fonctionne correctement. Cela est encore plus criant pour les personnes en situation de handicap. Nous sommes très inquiets de savoir comment il sera permis à ces personnes de partir à la retraite plus tôt, quelle sera la prise en compte leur situation de santé, et comment, si elles le peuvent, pourront elles continuer à travailler. Il n’y a peu de propositions sur ce sujet dans le projet de loi de réforme des retraites. »