Recevoir la newsletter

Bras de fer sur la pénibilité

Article réservé aux abonnés

Objet d’une très forte contestation sociale depuis début décembre, le projet de réforme des retraites a été présenté le 24 janvier en conseil des ministres. La question de la pénibilité reste au cœur des revendications des opposants, y compris dans le secteur social et médico-social. Ce point majeur fera encore l’objet de discussions entre gouvernement, syndicats et patronat.

Le 24 janvier, la réforme des retraites a été présentée et adoptée en conseil des ministres, avant son examen en séance plénière à l’Assemblée nationale à la mi-février. Deux projets de loi, l’un organique et l’autre ordinaire, visent à la création d’un système « universel » par points, mettant fin aux 42 régimes de retraite existants. Ces deux textes sont complétés par une étude d’impact de plus de 1 000 pages. A compter du 3 février 2020 et durant deux semaines, ils seront examinés en commission spéciale à l’Assemblée nationale, composée de 70 députés.

Au rang des principaux sujets à controverse dans cette réforme des retraites : la pénibilité. Les attentes sont fortes sur la question, y compris du côté des syndicats représentant les salariés du secteur social et médico-social. « Plus la pénibilité est importante et plus les actifs se montrent hostiles à une réforme des retraites », analysent Jérôme Fourquet et Marie Gariazzo, de l’Ifop (Institut français d’opinion publique), dans une note de la Fondation Jean-Jaurès publiée le 21 janvier. Et de poursuivre : « Le degré de pénibilité pèse également très significativement (et logiquement) sur la capacité que les salariés ont à se projeter sur une fin de carrière plus ou moins éloignée. Plus la pénibilité physique est ressentie et moins on s’imagine capable de la subir pendant encore de longues années et d’occuper son poste passé 60 ans. »

La fin des « catégories actives »

Depuis le 7 janvier, la prise en compte de la pénibilité et le « maintien dans l’emploi des seniors » font l’objet de négociations houleuses entre les partenaires sociaux et le gouvernement. Que contient le projet de loi de réforme des retraites sur la question de la pénibilité ? Le gouvernement a souhaité ouvrir le compte professionnel de prévention (C2P), aujourd’hui réservé aux salariés du régime général et du régime agricole, aux agents du secteur public nés après 1975, en faisant disparaître les « catégories actives ». Ce système permet aujourd’hui aux agents de la fonction publique exerçant un métier particulièrement pénible de partir à la retraite de manière anticipée, cinq ou dix ans avant l’âge légal (soit à 57 ou à 52 ans).

Selon l’article 33 du projet de loi, « la prise en compte de la pénibilité sera l’un des piliers de l’universalité de notre système de retraite autour d’un principe très simple : que l’on exerce une fonction pénible dans le secteur privé ou dans un service public, ceci doit ouvrir à tous les mêmes droits ». L’article étend le bénéfice du C2P dans le système universel de retraite aux agents publics civils et aux assurés des régimes spéciaux, à l’exception des marins et des militaires. Selon le projet de loi « retraites », cette mesure se traduira par une augmentation de 300 000 personnes du nombre de bénéficiaires actuels du dispositif, estimés entre 800 000 et 900 000. « S’agissant des modalités d’utilisation des points, précise l’article, les assurés pourront, comme le prévoit le dispositif actuel, mobiliser au choix l’un des trois types de mécanismes permettant de réduire leur exposition aux facteurs de risques professionnels : la formation professionnelle (à laquelle 20 points seront comme aujourd’hui réservés, pour financer des actions permettant une reconversion vers des métiers moins exposés ou non exposés à des facteurs de pénibilité), le passage à temps partiel ou un départ anticipé à la retraite. » Quant à l’article 38 du projet de loi, il organise la fin du dispositif des « catégories actives » dans la fonction publique. Les dispositifs de transition feront l’objet d’une ordonnance dans les douze mois suivants la publication de la loi.

Harmonisation « par le bas »

La majorité des syndicats dénoncent une « harmonisation par le bas » et souhaitent le maintien de toutes les catégories actives, ainsi que la réintégration des quatre critères retirés du dispositif du compte « pénibilité » lors des ordonnances de la loi « travail » de 2017 : manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques. « Le Medef avait en effet obtenu du gouvernement leur retrait, au motif que le dispositif prévu en 2010, très individualisé, constituait une “usine à gaz” impossible à mettre en place dans chaque entreprise », rappelle la CFDT. « Seule cette réintégration peut permettre d’inciter à la négociation dans les branches puis dans les entreprises », juge le syndicat FO. Le gouvernement a refusé de revoir sa copie, souhaitant privilégier les reconversions professionnelles.

A la suite de la disparition des « catégories actives », Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a lancé, le 13 janvier, une concertation spécifique sur la pénibilité dans la fonction publique hospitalière et l’aménagement des fins de carrière à l’hôpital, notamment pour les aides-soignantes et les infirmières. A son agenda, le 29 janvier, une nouvelle réunion multilatérale avec les syndicats de la fonction publique hospitalière. De son côté, Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, rencontre les employeurs territoriaux sur la pénibilité, les fins de carrière et la retraite progressive dans la fonction publique. « Plus de 10 % des aides-soignantes partent en retraite pour invalidité avant l’âge légal de 57 ans, et ce, à moins de 50 ans en moyenne. Et un aide-soignante sur trois part en retraite avec une invalidité ! C’est trois fois plus que la moyenne nationale. Pour les infirmieres, c’est 8 à 9 % de la profession qui part en retraite pour invalidité avec une moyenne d’âge un peu supérieure à 50 ans et un infirmiere sur quatre qui part en retraite avec une invalidité ! », critique la CGT santé-social. « Dans le secteur privé, la commission technique nationale de la sécurité sociale démontre que le secteur de la santé et du social est en tête des accidentologies du travail devant le bâtiment, en dehors des accidents mortels au travail ! », insiste le syndicat.

Une condition « sine qua non »

Le bras de fer se poursuit… La question de la pénibilité revient sur le devant de la scène à l’occasion de la conférence de financement du 30 janvier, qui réunit les partenaires sociaux afin de trouver, avant fin avril, les moyens de garantir l’équilibre financier du système de retraite d’ici à 2027. « Comment peut-on réfléchir au financement si on ne sait pas les modalités de la pénibilité », qui vont « normalement coûter de l’argent », a critiqué Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, le 28 janvier sur France Info. Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a lui aussi demandé « des avancées concrètes » sur la pénibilité. « C’est la condition sine qua non pour que la réforme soit juste, a-t-il averti lors d’une interview le 27 janvier sur BFMTV. S’il n’y a pas d’amélioration sur la pénibilité […], on dira qu’on est en désaccord. »

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur