« Depuis plus de dix ans, on nous promet une grande loi pour réformer notre secteur et adapter notre société au vieillissement. L’enjeu est de taille, nous le connaissons tous. Il y a aujourd’hui 1,4 million de personnes âgées de 85 ans et plus. Elles seront 5 millions en 2050. A cette date, un quart de la population aura plus de 65 ans et 2,2 millions de personnes seront en perte d’autonomie. Mais que fait le législateur pour adapter notre société à ce bouleversement ? Que fait-il pour aider notre secteur à évoluer et à répondre à cette “vague grise” à venir ? Certes, des avancées ont été réalisées. Je ne les oublie aucunement. La loi “ASV” votée en 2015 en a apporté de nombreuses. Mais elle devait être “la” loi, celle que nous attendions. Nous étions tous dans les starting-blocks, plein d’ardeur et d’idées pour enfin réformer en profondeur l’accompagnement de nos aînés et le regard sur le vieillissement. Mais, au final, cette loi “ASV” a été rabotée sur l’autel des finances, rognée et amputée de son second volet. Et, cinq ans après, il n’y a toujours pas de grande loi.
Entre-temps, le secteur du grand âge connaît des difficultés qui s’accroissent de jour en jour. Partout sur le terrain, nos adhérents nous alertent sur le manque de personnel, les difficultés et l’épuisement des équipes, les contraintes budgétaires et réglementaires. Nous ne tirons plus la sonnette d’alarme, mais nous sonnons une corne de brume. Il y a urgence ! Comment garantir la qualité d’accompagnement de nos aînés alors que 63 % des Ehpad ont des postes non pourvus depuis plus de six mois ?
Comment recruter quand le nombre de candidats aux formations d’aide-soignant a baissé de 42 % en cinq ans ? Comment faire évoluer nos services d’aide et d’accompagnement à domicile quand leur mode de tarification ne permet pas d’assurer simplement leur pérennité financière ? Sans parler, bien évidemment, du reste à charge en établissement pour nos aînés et leur famille, autour de 2 000 € par mois. Le rapport “Libault” a pointé qu’un Français sur quatre n’avait pas les moyens d’y faire face. Je le dis et je le répète, le secteur du grand âge est en souffrance. Nous ne pouvons plus attendre.
Faites notre loi !
Malgré toutes ces difficultés, ou sans doute à cause d’elles, notre secteur rivalise d’ingéniosité, d’inventivité, de dynamisme. Chacun d’entre nous est le témoin des contraintes et des exigences qui pèsent sur les conditions de travail des équipes. Chacun d’entre nous est le témoin de la transformation des métiers du grand âge. Chacun d’entre nous, au sein des établissements et services, est le témoin de l’émergence des besoins et des attentes nouvelles des seniors d’aujourd’hui et de demain. Pourtant, chacun d’entre nous agit, innove et construit un quotidien meilleur pour tous au prix d’un puissant engagement, de créativité, de constance et d’endurance. (…)
Et pourtant, hélas, nous ne pouvons pas tout faire. D’ailleurs, bon nombre de professionnels s’épuisent ou se reconvertissent alors qu’ils adorent leur métier, si porteur de sens et de chaleur humaine. Malgré toute l’ingéniosité, l’implication, le courage des directeurs, des équipes, des personnes âgées, des aidants, aucun d’entre eux ne peut changer à lui seul une société, des normes, des lois. Par exemple, comment inventer l’Ehpad sans réviser le code de l’action sociale et des familles ? Comment réformer le secteur si la loi de financement de la sécurité sociale ne suit pas ? Comment réduire le reste à charge à domicile sans réformer le mode de financement des services ?
Pour tout cela et plus encore, faites notre loi !
(…) Le prochain rendez-vous annoncé est celui d’une grande conférence sociale sur les métiers du grand âge. Or le dossier des retraites semble avoir mis de côté tout autre sujet. Nous attendons donc la date de cette grande concertation. (…) C’est assez ! Madame la ministre des Solidarités et de la Santé, Mesdames et Messieurs les parlementaires, il est plus que temps de transformer l’essai. Parce que les difficultés de recrutement croissent de jour en jour. Parce que les personnes âgées d’aujourd’hui et de demain ne peuvent plus attendre la grande réforme annoncée depuis plus de dix ans. Parce que la situation est urgente. Parce que l’heure n’est plus aux promesses, aux rapports, aux grand-messes, aux belles paroles, au bla-bla.
Faites notre loi ! Qu’elle soit grande et ambitieuse pour enfin écrire l’histoire de l’accompagnement des personnes âgées dans ce pays ! »