Club House a démarré à New York en 1948. Puis l’idée a essaimé, d’abord en Europe du Nord, puis en Angleterre, en Italie… Aujourd’hui, il y a 200 Club House aux Etats-Unis et 350 dans le monde répartis dans 35 pays. En France, on existe depuis dix ans grâce à l’Unafam et au fondateur Philippe Charrier, dont la famille est touchée par le handicap psychique. De fil en aiguille, des partenaires institutionnels (mairie de Paris, Agefiph) et privés les ont rejoints. Aujourd’hui, Club House est financé à 50/50 par des fonds publics et privés. C’est une sorte de modèle mixte. On accompagne 350 membres à Paris et environ 300 partagés entre Bordeaux et Lyon. Quand on arrive au Club House, pas besoin de dire « J’ai tel diagnostic… ». Mais il faut être concerné par la santé mentale au long cours. La majorité de nos membres est passée par l’hôpital psychiatrique, tous ont des traitements. Dans un peu plus de 35 % des situations, il s’agit de bipolarité, pour un tiers de schizophrénie et pour le reste de dépression sévère, Toc, comportement « border line ».
On est dans l’« empowerment », la personne est donc actrice de son rétablissement. Elle n’est pas obligée de dire qu’elle veut travailler pour adhérer. Si, pour beaucoup, il y a une activité professionnelle à la clé, elle vient d’abord pour vivre au mieux avec la maladie. Notre fonctionnement est basé sur la solidarité et la « pair aidance » : qui mieux que quelqu’un qui a vécu des difficultés peut mieux aider un autre dans la même situation ? On essaie aussi d’être le plus ouvert possible sur l’extérieur. Au moins une entreprise par semaine vient au Club House. On accueille tous ceux qui veulent venir, les partenaires, les travailleurs sociaux… On accompagne à des rendez-vous professionnels si nécessaire, on demande à la personne si elle a besoin de se renseigner sur ses droits, si elle a pensé à contacter une assistante sociale, Pôle emploi, si on peut l’aider pour son logement… On avance ensemble, en apprenant à se connaître petit à petit. Les appréhensions sont aussi fortes d’un côté comme de l’autre. Il n’est pas évident pour un membre qui n’a pas travaillé depuis un an, trois ans, dix ans, voire qui n’a jamais travaillé, de reprendre une activité. On fait beaucoup d’immersion en entreprise sur une journée. Quand tout se passe bien, on organise une période de stage qui peut aboutir à un CDD. L’accompagnement est indispensable car rien n’est jamais acquis. Tout ce que l’on fait au Club House, on le fait ensemble, c’est de la cogestion. Ça va de l’accueil à la préparation des repas, de la liste des courses au menu, du lien avec les entreprises à l’organisation d’un colloque, de la comptabilité au choix d’une embauche à l’association.
A peu près les mêmes que ceux de la société, à savoir que ce sont des personnes ingérables, à part, pas fiables, des boulets qui vont ralentir les équipes, qui sont incapables d’absorber le moindre stress… L’idée qu’elles sont dangereuses est aussi répandue. Or, moins de 1 % des crimes sont commis par des personnes atteintes de maladies psychiques. Il y a encore beaucoup de travail de sensibilisation à mener mais, globalement, les choses bougent. Au début, il fallait aller frapper à la porte des entreprises. Maintenant, elles nous interpellent de plus en plus. On leur demande leurs contraintes et aux membres du Club House les conditions clés pour qu’ils se sentent bien au travail, en dehors de leurs compétences. Quelqu’un peut dire qu’il a du mal à être opérationnel le matin à cause des médicaments et qu’il ne peut pas participer à une réunion à 8 heures. Un autre peut signaler qu’il est en incapacité de prendre la parole quand il y a plus de quatre personnes dans une salle. Un autre encore avoue ne pas tenir plus d’une heure en réunion, non pas parce que ça ne l’intéresse pas mais parce qu’il ne peut pas se concentrer longtemps sans faire une pause. Sur nos 300 membres, 110 sont en insertion dont 80 % en milieu ordinaire.