Nous déplorons que la situation reste très compliquée pour les 7 millions de personnes qui doivent faire des arbitrages impossibles entre des dépenses de loyer, d’énergie, ou d’alimentation. Les pouvoirs publics essaient de résoudre la précarité énergétique sans s’appuyer sur un service public réellement dédié, mais sur un empilement de dispositifs hétérogènes sur les territoires.
Chaque année, nous soutenons la création de 500 à 600 logements dans toute la France par l’apport de financements à l’investissement immobilier. Nous y consacrons 5 millions d’euros par an(1). Notre objectif est de rénover du bâti ancien énergivore tout en créant du logement social conventionné à l’APL, destiné aux exclus du logement social classique. L’intérêt est d’intervenir à la fois sur les charges du fait de la qualité énergétique, et sur le loyer car la précarité énergétique n’est pas dissociable du mal-logement : réduire les charges est indispensable mais avoir un loyer maîtrisé l’est tout autant. Il est aussi important de prendre en compte les coûts de transport, d’accès aux services de proximité, ce qui d’ailleurs entre en ligne de compte dans la localisation des opérations soutenues.
Nos partenaires, associations ou parfois bailleurs sociaux, nous proposent des opérations à soutenir combinant projet social et immobilier. Nous privilégions les opérations de réhabilitation de bâtiments anciens et énergivores, qui offrent généralement une bonne implantation dans le tissu local, l’accès à des services de proximité. Les opérations sont de petite taille, en moyenne d’un à deux logements dans les centres-bourgs, les centres-villes, ce qui en renchérit le coût mais aussi la valeur ajoutée sociale. Actuellement, 90 % des projets soutenus par notre programme le sont en réhabilitation et 10 % en construction neuve surtout dans le cas des pensions de famille, plus difficile à réaliser dans l’ancien. Si les habitants des pensions de famille s’acquittent d’un forfait à travers leur redevance globale qui intègre le coût de l’électricité, du chauffage et sont donc protégés de la précarité énergétique, en revanche, les associations gestionnaires de pensions de famille font face aux coûts réels.
Une étude de 2012 de la Fondation Abbé-Pierre quantifiait les économies en termes de charges à 900 € en moyenne par unité de consommation et par an. Questionnées en 2019, des personnes qui vivent dans les logements soutenus par « Toits d’Abord » ont toutes affirmé avoir gagné en pouvoir d’achat et en confort. Elles relatent une amélioration de leur santé, de leur vie sociale, de leur état général grâce à ce nouveau logement. Au-delà du soutien financier, nous pensons que le bénéfice pour les habitants peut être encore plus fort lorsque leur parole est entendue et prise en compte durablement par les porteurs de projets.
(1) « Toits d’Abord » est un programme de lutte contre la précarité énergétique reconnu par un arrêté du 18 décembre 2017. Il organise un colloque, intitulé « Aux côtés des habitants, imaginons ensemble le logement », le 26 mars, à Paris.
France Michel, diplômée en sciences politiques (IEP Grenoble) et de l’Ecole nationale des ponts et chaussées (master « immobilier et bâtiment durable »), est responsable depuis 2017 du programme « Toits d’Abord » de la Fondation Abbé-Pierre.