Elargir les champs des possibles de la recherche

L’Institut de recherche en santé publique (IReSP) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) publient un état des lieux de la recherche sur le polyhandicap(1). Premier constat : les chercheurs français, en majorité des professeurs universitaires-praticiens hospitaliers, publient essentiellement dans des revues médicales dédiées à la neurologie, la pédiatrie et la génétique, alors que la recherche internationale est davantage axée sur une approche psychosociale. L’IReSP souligne également que « les chercheurs qui s’intéressent au polyhandicap et qui publient sur ce sujet ne sont pas toujours issus du monde académique mais beaucoup sont des acteurs du monde associatif ou paramédical ». Leurs recherches ont pour particularité de poursuivre « une visée pragmatique » et de répondre « à un besoin social, celui d’améliorer l’accompagnement des personnes polyhandicapées ». « On constate ainsi qu’une part importante de la recherche française sur le polyhandicap, notamment en sciences humaines et sociales, est ’commandée“ par les acteurs de terrain. Mais est-ce d’une définition issue du terrain, répondant à des objectifs pratiques de structuration de l’offre, dont la recherche a besoin pour se structurer ? », interroge l’institut.

Si les travaux sur le polyhandicap en France sont nombreux, cette recherche reste toutefois invisible à l’international et est encore trop cloisonnée. Les associations et des centres ressources dédiés au multi-handicap ou au polyhandicap rencontrent des difficultés à « faire le tri » dans la somme de documents alimentant cette réflexion.

Conséquence : les acteurs de terrain, confrontés au quotidien à l’accompagnement et à la prise en charge des personnes polyhandicapées et constatant un manque de connaissances scientifiques, développent des espaces et des supports de réflexion et de discussion en marge de la recherche. Fort de ces constats, l’institut considère que « les acteurs de la recherche académique et ceux du terrain pourraient travailler de concert pour développer un corpus théorique et pratique sur des thématiques communes ». Parmi les autres pistes proposées, celle de structurer la recherche sur le polyhandicap en faisant émerger des laboratoires de recherche pluridisciplinaires spécialisés sur cette problématique comme il en existe à l’international, notamment en Belgique.

Un groupe de travail « recherche » sur l’état des lieux de la recherche et les priorités de recherche a été mis en place avec l’ambition d’initier une structuration et une animation de ce champ d’étude. Ce dernier constate un inégal développement des champs de recherche, « certaines thématiques étant plus documentées que d’autres qui mériteraient de l’être, compte tenu notamment des enjeux liés au vieillissement de la population, à l’évolution des techniques médicales et aux orientations des politiques publiques (vers la désinstitutionnalisation notamment) ». Le groupe de travail préconise « de mieux diffuser les travaux de recherche et de développer ce qui contribuerait à fournir des éléments permettant aux professionnels de travailler mieux et dans de meilleures conditions ». Il appelle également à la réalisation d’une étude du coût de la prise en charge du polyhandicap, « qu’il s’agisse des dépenses de santé, d’accompagnement ou encore des coûts induits, des coûts évités… ». Enfin, dans le cadre du virage inclusif engagé par les politiques de l’autonomie dans le secteur médico-social, il souligne l’« enjeu de connaissance des besoins spécifiques des personnes polyhandicapées », mais également de « l’impact d’une telle politique sur leurs parcours ». « La recherche, en particulier en sociologie, doit aussi permettre de déconstruire et de comprendre ce qui se cache derrière certaines orientations sociales prônant l’inclusion », ajoute le document.