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L’auxiliaire de vie professionnelle, garant du maintien dans l’emploi

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Un à deux millions de salariés risquent de perdre leur emploi à court ou moyen terme en raison d’un problème de santé ou d’un handicap. Les solutions pour maintenir les personnes handicapées dans l’emploi deviennent prioritaires. Parmi celles-ci, leur accompagnement par des auxiliaires de vie professionnelle, un profil que la métropole de Lyon a adopté.

Hamid Bouderballah est salarié à plein temps de la Métropole de Lyon. Il accompagne les personnes handicapées qui ont du mal à se mouvoir au restaurant administratif et les aide à remplir leur plateau. Il effectue également des tâches de classement pour les autres salariés qui ont des difficultés de préhension d’objets. Son poste ? Auxiliaire de vie professionnelle. Créée il y a deux ans, cette activité vient compenser les inaptitudes non prises en compte de ses collègues. Des incapacités qui, selon un rapport de 2017 de l’inspection générale des affaires sociales (Igas), risquent de faire perdre leur emploi à 5 à 10 % des salariés. Actuellement, cinq personnes bénéficient de ses services tous les jours, mais quinze autres salariés auraient également besoin de l’aide d’une tierce personne pour mener à bien leur travail. Parmi eux, un agent qui, avant l’arrivée d’Hamid Bouderballah, était assisté par ses parents âgés, contraints de venir deux fois par jour en faisant de nombreux kilomètres.

Le maintien plutôt que l’intégration

Christine Chabrier, responsable du service « handicap » de la métropole de Lyon, explique le contexte : « En 2018, nous avons signé une convention avec le FIPHFP [Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique]. Elle a pour objectif d’aider la collectivité employeur à déployer sa politique “handicap” afin de respecter les termes de la loi du 11 février 2015 qui impose 6 % de travailleurs handicapés au sein des effectifs. Au moment de la signature de cette convention, le taux d’emploi de personnes handicapées au sein de la métropole de Lyon était de 4,47 %. Il dépasse aujourd’hui les 5 %. » Cette convention doit permettre à la collectivité d’accélérer son programme d’insertion des personnes en situation de handicap et d’atteindre à l’issue de ce contrat, à minima, ce taux de 6 %. Elle porte sur une durée de trois ans (2017-2020) et dispose d’un budget global de 2,5 millions d’euros, dont 1 million est apporté par le FIPHFP. Signée le 26 janvier 2018, elle a déjà été mise en œuvre sur le plan opérationnel dans le courant de l’année 2017. La convention énonce un certain nombre d’objectifs au travers d’un plan d’actions commun. Parmi lesquels la structuration et le développement du dispositif handicap par la constitution d’instances dédiées au pilotage stratégique et opérationnel, la constitution d’un réseau d’acteurs clés et leur formation selon leur niveau d’intervention.

Le développement des aides techniques et humaines pour maintenir à l’emploi les personnes handicapées par des actions de réinsertion professionnelle, la mise en œuvre de procédures internes, l’accompagnement par des partenaires spécialisés est une autre des priorités. Avant même la signature officielle de la convention liant la FIPHFP à la métropole de Lyon – qui compte 8 700 agents –, cette dernière avait déjà engagé un certain nombre d’actions en faveur des personnes en situation de handicap. La première a été de recruter une responsable du service « handicap » rattachée à la direction des ressources humaines. L’objectif était alors de définir rapidement la politique « handicap » de la métropole en s’appuyant sur le conventionnement avec le FIPHFP. Des aménagements de poste ont été régulièrement effectués : 57 sur le plan matériel ainsi que 4 études ergonomiques ont été terminées ou sont en cours. Dans le même temps, 40 agents inaptes à leurs fonctions ont pu être reclassés sur de nouveaux emplois. « Mais ce n’était pas suffisant, confie Christine Chabrier. Il fallait une solution pour fluidifier d’autres situations telles que se déplacer dans les couloirs. En 2017, 153 personnes ont été reconnues en situation de handicap par le comité médical ou la commission de réforme. »

Hamid Bouderballah n’est pas le seul auxiliaire de vie au travail salarié par la métropole de Lyon : ils sont 19 à mi-temps à accompagner les agents ayant des restrictions professionnelles. « Ces postes, financés pour les deux tiers par le FIPHFP offrent une véritable qualité de vie aux personnes handicapées qui en bénéficient, un regain de de dignité. En interne, les demandes sont croissantes et plusieurs collectivités me contactent pour mettre en place des auxiliaires de vie professionnelles », observe Christine Chabrier. Directeur de la RSE et responsabilité sociétale des entreprises, chez Sodexo, Alain Masson dresse un bilan plutôt flatteur : « Nous attaquons notre quinzième année en faveur des personnes en situation de handicap. Nous avons toujours eu cette fibre d’accueil de personnes handicapées. Depuis 2006, nous nous sommes professionnalisés. J’avoue que la loi de 2005 qui énonce le principe du droit à compensation du handicap et de l’obligation de solidarité de l’ensemble de la société à l’égard des personnes handicapées, nous a donné un coup d’accélérateur. Sodexo France s’est alors engagée avec des ressources dédiées. Nous avons créé un poste de responsable de la mission “handicap”. » Sodexo compte 1 200 personnes handicapées sur ses 34 000 salariés. En 2006, l’entreprise a signé un accord tripartite avec la direction, la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi) et les syndicats. « Ce qui est original, précise Alain Masson, c’est l’utilisation du mot “maintien”. Avant, nous parlions beaucoup d’intégration mais pas de maintien. Chez Sodexo, sous la pression des syndicats, nous avons introduit la notion de maintien des personnes handicapées. »

Marianne Magnant, responsable de la mission « handicap », cite l’exemple d’un salarié qui n’avait pas été identifié comme handicapé lors de son recrutement : « Employé de service, il est chargé d’éplucher des légumes, de dresser les assiettes lors d’événements, etc. Il avait des difficultés à effectuer certaines missions, à suivre des directives. Lui demander de placer le saumon à droite du citron était, par exemple, trop abstrait pour lui. Lorsque l’équipe s’est rendu compte qu’il était autiste, une solution a été mise en place et il est désormais accompagné par une tutrice. Elle sait qu’il faut lui montrer concrètement (et non pas uniquement lui dire) comment placer le saumon dans l’assiette puis mettre le citron. Une fois la tâche visualisée, il n’y a plus de problème. » Formée par un cabinet spécialisé, sa tutrice lui permet de se maintenir dans l’emploi, sans léser le reste de l’équipe qui, avant, devait pallier ses « insuffisances ».

Une équipe plus ouverte

Selon Alain Masson, manager des personnes handicapées est une tâche complexe. Confronté lui-même au handicap au sein de sa famille, il conteste « l’approche américaine » qui trouve des vertus au handicap. « Non, le handicap, ce n’est pas super. A titre personnel, nous le gérons avec les tripes. Mais au travail, nous devons le gérer avec la tête. Il ne faut pas recruter coûte que coûte une personne en situation de handicap car un travailleur handicapé est productif entre 85 % et 100 %. Cela nécessite forcément une compensation », souligne-t-il. Selon le dernier baromètre de l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées)(1), les dirigeants d’entreprise jugent qu’une personne souffrant d’un handicap auditif ou moteur est bien plus facile à intégrer ou à maintenir dans l’emploi qu’une souffrant d’un handicap psychique, mental ou de troubles cognitifs. Chez Sodexo, en 2018, le taux d’emploi des personnes handicapées s’est élevé à 5,92 % (versus 5,55 % en 2017). Reste que les stéréotypes sont légion. Bien souvent, les campagnes d’information ne suffisent pas à faire changer la perception des travailleurs handicapés. Selon le baromètre Agefiph, 68 % des salariés considèrent l’embauche de personnes handicapées comme « quelque chose de difficile ». « C’est à nous de donner des clés de lecture pour mieux l’appréhender en formant, sensibilisant », explique Marianne Magnant. Le directeur de la RSE ajoute : « La diversité apporte des compétences différentes, de la créativité. L’équipe devient plus ouverte. Relativiser les petits tracas du quotidien permet de mieux se concentrer sur ses missions. Je crois au handicap comme source d’évolution de l’ambiance de travail et du management. Si nous sommes tous les mêmes, nous ne pourrons pas répondre à tous les besoins de nos clients. Pour bien fonctionner, il faut que notre entreprise soit à l’image de notre société. » Alain Masson encourage les entreprises à s’appuyer sur les aides existantes en faisant appel à l’Agefiph et Cap emploi, un réseau national d’organismes de placement spécialisés au service des personnes handicapées et des employeurs. « Ce sont les premiers interlocuteurs. Malheureusement, ils ont encore des images de contrôleurs », déplore-t-il.

Un service spécialisé

Depuis 2018, 98 Cap emploi (réseau national d’organismes de placement spécialisés au service des personnes handicapées et des employeurs), intervient dans les secteurs privé et public afin d’aider les employeurs et les salariés à trouver une solution lorsqu’il est constaté une inadéquation entre l’état de santé du salarié et son poste de travail. Grâce à ce dispositif, 19 452 salariés ont pu conserver leur emploi en 2018, dont 1 619 dans le secteur public. 86 % des personnes sont toujours en poste six mois après leur maintien dans l’emploi. Parmi elles, 51 % sont des femmes, 47 % ont 50 ans et plus, et 49 % ont au minimum le bac.

Notes

(1) Daté de novembre 2018 et effectué sur un échantillon de 2 500 dirigeants d’entreprises.

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