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Le malaise persiste chez les aides-soignants

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Rouage essentiel des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les aides-soignants expriment de manière répétée leur ras-le-bol depuis 2017. Un chantier de revalorisation du métier a été engagé et le gouvernement devrait enfin présenter cette année son projet de loi « grand âge et autonomie », plusieurs fois reporté. Les professionnels restent dans l’attente.

Tout a démarré en 2017. Cette année-là, une grève record de 117 jours a été menée par les aides-soignantes de l’Ehpad privé Les Opalines, à Foucherans (Jura), braquant les projecteurs sur une profession en souffrance. En janvier 2018, une mobilisation nationale inédite a été lancée, mobilisant près d’un tiers de grévistes, suivie d’une nouvelle journée en mars. « Quasiment tous les soignants avaient manifesté, c’était leur première. Les salariés ont suivi le mouvement », se rappelle Jocya Brieu, élue FO d’établissement dans l’Ehpad privé Soleil du Levant à Limoux (Oise). Des débrayages « jamais vus » aussi pour Christelle Kermaidic, qui travaille à l’Ehpad des Abers, à Lannilis (Finistère), un établissement public autonome. « Aujourd’hui, la parole se libère, avec une nouvelle génération de professionnels qui ne considère plus qu’il soit normal d’être rappelé sur sa journée de repos. Avant, on était presque des bonnes sœurs », illustre cette élue CDFT.

Qu’en est-il deux ans après ? Lancé par neuf syndicats et soutenu par l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), le dernier appel adressé aux personnels des Ehpad pour manifester le 8 octobre n’a pas eu le même retentissement, éclipsé aussi par la crise aux urgences. L’enjeu était pourtant double : maintenir la pression sur le gouvernement en amont de la loi « grand âge et autonomie », mais aussi dénoncer un budget 2020 jugé insuffisant, alors en examen au Parlement. « Même si on entend leurs plaintes, on a du mal à rassembler le personnel », constate Nicolas Sarrazin, aide-soignant et représentant syndical FO à l’Ehpad public des Rives d’Aude (Carcassonne). C’est la réforme des retraites qui ravive aujourd’hui les mécontentements. Et encore… En décembre dernier, seule une vingtaine de personnes environ a participé au mouvement dans son établissement. Un chiffre « minime », reconnaît le syndicaliste. « Sans la réforme des retraites, il n’y aurait pas eu de manifestation », estime de son côté Jocya Brieu.

« Le 8 octobre n’a pas été suivi. Il n’y a pas le feu dans le secteur, ce n’est pas le piquet de grève », constate Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du syndicat des Ehpad privés à but lucratif, le Synerpa. Pour autant, ses confrères issus des Ehpad publics et associatifs n’en demeurent pas moins préoccupés. « Il serait trompeur de dire […] qu’il n’y a pas de problèmes. Il y a même un sujet majeur », insiste de son côté Marc Bourquin, conseiller « stra­tégie » à la Fédération hospitalière de France. « En 2019, on constate une plus forte lassitude voire un certain accablement des professionnels », abonde Antoine Perrin, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap). « Il y a de la résignation », confirme l’élue CFDT Christelle Kermaidic. « Certains viennent juste faire le travail, d’autres croient que les choses vont changer tandis que pour un troisième type de personnes, c’est “courage, fuyons !”. »

Il manque 92 000 postes

« Avant la question de la rémunération, la première préoccupation des aides-soignantes est le manque d’effectifs », juge Marc Bourquin, de la FHF. Pour 100 résidents – de plus en plus âgés et moins autonomes – on compte seulement 24,5 aides-soignants alors qu’il en faudrait 60 (en comptant les infirmiers) pour assurer une bonne prise en charge, selon le rapport des députés Monique Iborra (LREM) et Caroline Fiat (La France insoumise) publié en 2018. Les conditions de travail sont aussi fragilisées par des difficultés de recrutement, du turn-over et l’absentéisme. « La directrice d’un établissement proche de la frontière voit ses aides-soignantes partir au Luxembourg ou au supermarché du coin, là où les horaires sont connus. C’est nouveau », estime Antoine Perrin, directeur général de la Fehap. La situation est d’autant plus préoccupante que les besoins vont être massifs à l’avenir. D’après le rapport de Myriam El Khomri, remis fin octobre, il faudrait former 350 000 professionnels d’ici 2025. Ce qui suppose, au-delà des remplacements des départs en retraite, de créer plus de 92 000 postes, soit plus de 18 000 par an d’ici 2024. Face à des tels besoins, le financement de 5 200 postes supplémentaires prévus dans la loi de finances 2020 devra être largement poursuivi. « On est encore loin du compte », souligne Bruno Lamy, secrétaire général adjoint de la CFDT Santé Sociaux.

Pour restaurer l’attractivité du métier, un « plan national des métiers du grand âge » a été annoncé par le gouvernement à l’occasion de la remise du rapport « Libault », en mars 2019. Ce qui suppose d’organiser différentes passerelles de formation pour leur permettre d’évoluer, mais aussi de créer de nouveaux postes à responsabilités destinés à valoriser leurs compétences. « Il faut arriver à construire des projets de carrière pour donner des perspectives aux aides-soignantes », reconnaît Antoine Perrin. Mais il demeure impossible, selon les syndicats, de ne pas en passer aussi par une hausse significative des rémunérations. En particulier dans un contexte d’allongement de la formation d’aide-soignante qui devrait bientôt aboutir. « On va leur donner plus de travail, plus de compétences et plus de responsabilités, mais on n’a toujours pas ouvert le volet salarial. Si cela reste en l’état, ça va exploser », estime Gilles Gadier, secrétaire fédéral FO. Pour le moment, le gouvernement a annoncé une « généralisation » progressive du versement de la prime d’assistant de soins en gérontologie (ASG) aux aides-soignants des Ehpad ayant suivi une formation sur les spécificités de la prise en charge de la personne âgée.

Autant de chantiers coûteux qui nécessitent un engagement financier sur la durée et à la hauteur. Alors que le budget pour 2020 prévoit une enveloppe supplémentaire de 680 millions d’euros pour couvrir les besoins des Ehpad et du secteur de l’aide à domicile, l’effort devrait être amplifié pour faire face aux défis du grand âge. « On en revient à la question historique du secteur. Dès qu’ils commencent à chiffrer, les rapports demandent au moins 1 milliard d’euros » supplémentaires par an, selon Florence Arnaiz-Maumé. Le gouvernement, qui doit présenter son projet de loi « grand âge et autonomie » – reporté à cette année –, se sait attendu sur ce sujet pour réellement convaincre.

Une chute des vocations ?

Entre 2014 et 2018, le nombre de candidats ayant passé les épreuves de sélection aux formations d’aide-soignant est passé de 111 100 à 64 500, soit une chute de 42 %, selon une étude de la Drees de décembre 2019. En parallèle, le nombre d’inscrits en formation baisse pour la deuxième année consécutive, de 6 % entre 2016 et 2018, après avoir augmenté de manière continue depuis 2000. Pour remédier à cette baisse et susciter de nouvelles vocations, le concours d’entrée en institut de formation au diplôme d’aide-soignant devrait être supprimé.

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