Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales, l’employeur doit engager, au moins une fois tous les 4 ans, une négociation notamment sur le thème de l’égalité professionnelle. Faute d’accord, la structure tombe alors sous l’application des dispositions de l’article L. 2242-13 du code du travail : chaque année, elle doit entamer une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Après avoir passé en revue les principales règles de droit régissant ce type d’accord, nous vous proposons un modèle sous forme de fiche pratique.
Le principe d’égalité professionnelle porte, en son sein, le principe d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans le travail. Ces principes imposent à l’employeur le respect de plusieurs autres règles, comme l’interdiction de discrimination, de différenciation, notamment dans le domaine des rémunérations et du déroulement des carrières. Quand une représentation du personnel existe dans la structure, le chef d’entreprise a, en plus, une obligation vis-à-vis d’elle. Il doit mettre à disposition des élus les informations relatives à l’égalité professionnelle dans la base de données économiques et sociales (code du travail [C. trav.], art. L. 2312-18 et suivants), et négocier sur ce thème si son entreprise compte plus de 50 salariés.
Plus précisément, s’agissant de l’effectif, les principes précités s’imposent dans toutes les structures, quel que soit le nombre de personnes qui y travaillent. Mais les entreprises de plus de 50 salariés doivent, de surcroît, être couvertes par un accord égalité femmes-hommes ou un plan d’action, sous peine de sanctions financières pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale (C. trav., art. L. 2242-8). L’égalité professionnelle en entreprise se traduit donc également en pareil cas par une obligation de négociation collective spécifique.
Afin de satisfaire aux obligations en matière d’égalité professionnelle, les structures doivent réaliser un travail en plusieurs étapes.
Elles ont l’obligation de réaliser un diagnostic des écarts de situation entre femmes et hommes. Elles sont ensuite tenues de mettre au point une stratégie d’action afin de réduire les écarts. Enfin, pour celles de plus de 50 personnes, la négociation d’un accord relatif à l’égalité professionnelle s’impose. Si le chef d’entreprise ne parvient pas à conclure, il doit alors réaliser, unilatéralement, un plan d’actions pour garantir le respect de l’égalité au sein de son établissement.
Le but de l’accord collectif ou, à défaut, du plan d’actions, est de fixer des objectifs de progression ainsi que des actions pour les atteindre. Le contenu est précisé par l’article R. 2242-2 du code du travail. L’accord ou le plan d’actions doit porter sur trois domaines d’actions (structures de moins de 300 salariés), ou quatre pour les entreprises de 300 salariés et plus. Les domaines sont précis et fixés. Il s’agit de l’embauche, de la formation, de la promotion professionnelle, de la qualification, de la classification, des conditions de travail, de la rémunération effective ainsi que de l’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la vie personnelle et familiale. De surcroît, ces objectifs et ces actions doivent être accompagnés d’indicateurs chiffrés.
Pour plus de détails, vous pouvez vous reporter aux ASH n° 3139 du 20 décembre 2019, page 44.
Côté employeur, il s’agit de la personne juridiquement habilitée à représenter la structure.
Côté salariés, plusieurs cas doivent être envisagés. En effet, les interlocuteurs peuvent être différents, en fonction de l’effectif de la structure et de la représentation du personnel en place. Il peut s’agir des délégués syndicaux. La règle est la conclusion des accords d’entreprise avec les délégués syndicaux mais des aménagements sont possibles. Pour être valable, un accord doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles. Une possibilité de signature est prévue pour les syndicats ayant recueilli plus de 30 % des suffrages et non 50 %. Ils peuvent demander, dans un délai de 1 mois à compter de la signature de l’accord, une consultation des salariés visant à valider l’accord. Passé ce délai de 1 mois, l’employeur peut aussi prendre l’initiative de demander l’organisation de cette consultation, mais exclusivement en l’absence d’opposition de l’ensemble de ces organisations.
Autre interlocuteur possible de l’employeur : un conseil d’entreprise. Celui-ci peut être institué par voie accord majoritaire ou par accord de branche étendu dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux (DS). La validité d’un accord conclu par le conseil d’entreprise est subordonnée, à sa signature, par la majorité des membres titulaires élus du conseil ou par un ou plusieurs membres titulaires ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
Dans les entreprises de moins de 11 salariés, ils peuvent être directement les interlocuteurs de l’employeur pour la négociation. En l’absence de DS, l’employeur peut, en effet, proposer un projet d’accord aux salariés.
Dans les entreprises de 11 à 49 salariés, les salariés mandatés ou le comité social et économique (CSE) sont les interlocuteurs désignés par le code du travail. Dans ces petites et moyennes structures, un accord peut être conclu, soit avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, soit par un ou des membres du CSE. L’accord conclu dans ces conditions doit, pour être valable, être signé par les membres du comité social et économique représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections.
Au sein des entreprises de 50 salariés et plus, les élus du comité social et économique mandatés par une organisation syndicale peuvent conclure un accord. S’il n’y a pas d’élu mandaté, l’employeur pourra alors négocier, voire conclure, un accord directement avec un ou des élus du CSE. Pour être valable, l’accord devra ensuite être validé par les membres du comité(1).
L’index ne remplace pas l’obligation de négocier sur le thème de l’égalité professionnelle. Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés, y compris celles dont l’index est supérieur à 75 points, doivent être couvertes par un accord sur ce sujet. Néanmoins, le lien entre index et accord est bien réel. En effet, si l’index d’une structure est inférieur à 75 points sur 100, elle est contrainte de mettre en œuvre des mesures correctives. Objectif : atteindre au moins 75 points sous un délai de 3 ans. Ces mesures doivent être fixées dans le cadre de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle ou, à défaut d’accord, par décision unilatérale de l’employeur et après consultation du CSE. Index, accord et institutions représentatives du personnel sont donc liés dans ce qui est une « grande cause nationale » du quinquennat d’Emmanuel Macron.
L’objectif affiché du gouvernement via l’index est de rendre transparents les écarts de rémunération existant entre les femmes et les hommes. Cet outil a été créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Elle traduit la volonté politique de mettre un terme aux inégalités dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Le moyen dissuasif choisi est de rendre publique la note obtenue. Les entreprises de plus de 1 000 salariés ont déjà publiées leur note en mars 2019. Celles de plus de 250 salariés l’ont fait en septembre dernier, et en mars 2020 ; ce sera au tour de toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Le ministère du Travail affiche sur son site Internet la volonté de multiplier par quatre le nombre des contrôles sur l’égalité professionnelle pour passer ainsi de 1 730 contrôles par an à 7 000.
Eu égard à l’obligation légale, aux risques et au montant de la pénalité, les dirigeants et gestionnaires de structures ont tout intérêt à s’attacher à la rédaction d’un accord relatif à l’égalité professionnelle le plus complet et le plus efficace possible.
Le 3 décembre, depuis Bercy, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire et la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, ont lancé une consultation citoyenne sur l’égalité entre les deux sexes dans l’économie. Le mode de participation est innovant. La consultation se déroule en ligne sur la plateforme http://femmeseco.make.org.
Ouverte jusqu’au 20 janvier, chaque citoyen est invité à participer au futur projet de loi sur « l’égalité femmes-hommes dans l’économie ». Le gouvernement explique, sur le site, les raisons de cette consultation nationale par son combat « pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Ces inégalités sont injustes et préjudiciables à la réussite économique de notre pays. Cette situation nous concerne tous ! Grâce à vos propositions, nous pourrons bâtir ensemble un plan d’action ambitieux avec un projet de loi présenté au printemps. » Le message de démocratie participative est clairement affiché. Nous avons participé à la consultation en ligne. Elle consiste à répondre à des propositions de citoyens via trois icones « pouce relevé » pour favorable ; « pouce neutre » pour sans avis ; et une icône « pouce baissé » pour manifester son désaccord. Parmi les propositions déjà postées figure, par exemple, le souhait d’« offres des services de garde permettant à chaque parent, et plus particulièrement chaque femme, de vivre ses ambitions ». Ou encore le souhait de « revoir les congés parentaux en faveur d’une coparentalité au sein des foyers (répartition du congé à la convenance des parents) ». Après avoir pu donner notre avis, nous avons été invités à proposer une solution via la formule suivante : « Et vous, avez-vous une solution à proposer sur ce sujet ? ». Seulement 19 % des femmes et 37 % des hommes jugent « satisfaisante » la situation actuelle en matière d’égalité salariale, et 28 % des femmes et 48 % des hommes en matière d’accès des femmes à des postes de responsabilité dans les entreprises, selon un sondage Harris Interactive, réalisé fin novembre pour le gouvernement. Le gouvernement est décidé à poursuivre son travail en faveur de l’égalité. Le projet de loi « égalité femmes-hommes dans l’économie » est annoncé au printemps 2020.
(1) Voir notre premier dossier sur ASH n° 3139 du 20-12-19, p. 44.
(1) Références : Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, art. 8,10, 11 et 16, J.O. du 23-09-17. Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales, art. 1er, J.O. du 23-09-17.