En qualité de chef d’entreprise ou de dirigeant d’association, l’employeur est amené à supporter les risques inhérents à l’activité développée. En contrepartie de ces risques, l’employeur dispose de ce que l’on nomme « le pouvoir de direction ».
Ce pouvoir s’étend à la gestion en matière économique mais également à l’organisation de la structure et à la gestion du personnel. Le présent dossier s’attachera en premier lieu à l’application classique du pouvoir de direction de l’employeur dans la fixation des conditions de travail (I). Ce dernier permet également un contrôle qui doit s’articuler avec la protection de la vie privée des salariés (II). Enfin, seront évoqués les principaux dispositifs de surveillance pouvant être mis en œuvre par l’employeur (III).
La mise en place des conditions de travail relève du choix de l’employeur et résulte habituellement de la mise en œuvre de contrats de travail et éventuellement d’avenants qui permettent à ce dernier de définir des conditions de travail. En pratique, les changements des conditions de travail s’imposent ainsi aux salariés et seule une modification du contrat de travail devra requérir l’accord des employés.
Le code du travail n’a pas défini les éléments relevant d’une modification ou d’un changement des conditions de travail. Ainsi, c’est la jurisprudence qui a établi les critères permettant de distinguer le changement de la modification. Cette distinction est très importante dans la mesure où, comme exposé ci-dessus, le changement des conditions de travail relève de la direction de l’employeur et s’impose aux salariés alors que la modification du contrat nécessite d’obtenir leur accord.
La Cour de cassation a défini que la procédure de modification du contrat de travail, exclue du pouvoir de direction de l’employeur, devait trouver application aux éléments essentiels du contrat de travail.
Ces derniers incluent en principe les fonctions du salarié ainsi que sa classification, la rémunération, la durée du travail et le secteur géographique.
Attention : Au-delà des éléments essentiels du contrat de travail, il conviendra de vérifier le contrat de travail signé par le salarié qui peut prévoir des points supplémentaires qui, intégrés aux négociations entre l’employeur et le salarié, bénéficieront de la procédure spécifique de modification en lieu et place du simple changement des conditions de travail. A titre d’exemple, on pourra penser à la clause indiquant expressément le lieu de travail du salarié. La Cour de cassation a en effet obtenu à plusieurs reprises que, si la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a en principe valeur d’information, la clause précisant de manière expresse que le salarié exercera ses fonctions exclusivement sur un lieu de travail conduit à considérer le lieu comme un élément essentiel soumis à la procédure de modification du contrat (voir notamment Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 09-71.322).
A noter : En cas de modification du contrat de travail, hors motif économique ou disciplinaire, l’employeur doit proposer au salarié la modification et obtenir son accord exprès. La Cour de cassation précise que le délai doit être raisonnable et permettre au salarié de prendre une décision éclairée. En pratique, l’employeur transmet au salarié un avenant au contrat de travail formalisant la proposition de modification et demande au salarié de lui faire retour, en cas d’accord, de l’avenant signé et régularisé. Si le salarié refuse la modification, l’employeur retrouve alors son pouvoir de direction et peut décider de maintenir le contrat de travail aux anciennes conditions, en abandonnant son projet de modification, ou choisir au contraire de tirer les conséquences du refus du salarié.
Dans cette seconde hypothèse, le dirigeant d’entreprise ou d’association a la faculté d’engager la procédure de licenciement. La motivation de la rupture du contrat de travail ne sera pas celle du refus de modification mais bien de la raison ayant conduit l’employeur à faire la proposition. Il appartiendra donc à ce dernier d’expliquer que la motivation de la modification envisagée relevait de l’intérêt de l’entreprise.
A titre d’exemple, la proposition de l’employeur de travailler sur une durée de 5 jours par semaine, du lundi au samedi, au lieu de 4 jours, du lundi au vendredi, au motif d’un changement des jours d’ouverture et d’intervention de la structure. Une telle proposition, en ce qu’elle bouleverse l’organisation de la vie privée et familiale du salarié, est considérée comme une modification soumise à la procédure précitée.
En dehors des éléments essentiels du contrat de travail des salariés, l’employeur, lorsqu’il décide dans le cadre de son pouvoir de direction de changer un élément des conditions de travail, bénéficie de la faculté de l’imposer aux salariés.
Ainsi, le changement d’horaires de travail conduisant à passer une heure de travail de nuit en heure de travail de jour à cause d’une révision de planning doit être considéré comme mineur et pouvoir être imposé au salarié, malgré la suppression de la majoration conventionnelle pour l’heure de nuit supprimée (Cass. soc., 30 mai 2012, n° 11-10087).
En ce sens, aucune proposition n’est effectuée et les salariés bénéficient d’une simple information. En pratique, il est cependant conseillé de faire une information aux salariés concernés et de prévoir un délai avant l’entrée en vigueur du changement des conditions de travail.
Le refus du salarié sera en principe constitutif d’une faute pouvant conduire l’employeur à exercer son pouvoir de direction et procéder au licenciement. On notera cependant que le refus ne peut pas être considéré comme une faute grave selon la Cour de cassation (voir notamment Cass. soc., 23 février 2005, n° 03-42018).
Exception : La Cour de cassation est très attentive à la motivation du changement des conditions de travail imposé par l’employeur qui devra veiller à ce qu’il n’y ait pas de motif discriminatoire. De même, le salarié qui justifierait d’obligations familiales impérieuses pour refuser le changement rendrait le licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur est doté d’un pouvoir de direction qui lui permet de contrôler le salarié pendant son temps de travail. Toutefois, avant de mettre en place des dispositifs de contrôle, l’employeur est contraint de consulter les instances représentatives du personnel et d’avertir le salarié. De surcroît, le pouvoir de l’employeur est limité en pratique. Il doit respecter les droits et libertés des salariés.
Préalablement à la mise en place de dispositifs de contrôle, l’employeur doit respecter certaines règles.
En premier lieu, conformément à l’article L. 2312-38 du code du travail, « le comité (social et économique) est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés ». Par conséquent, l’employeur a la possibilité d’instaurer des dispositifs de contrôle dans l’entreprise. Toutefois, il est contraint d’informer et de consulter le comité social et économique (CSE) avant la mise en place d’un dispositif de contrôle.
A noter : A défaut d’avoir consulté et informé les instances représentatives du personnel, les enregistrements issus d’un système de vidéosurveillance constituent des moyens de preuve illicite du comportement du salarié (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-43866).
En second lieu, selon l’article L. 1222-4 du code du travail, « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ». En conséquence, l’employeur peut collecter des informations personnelles du salarié sur le lieu de travail à l’aide d’un dispositif de contrôle. Cependant, avant la mise en place, il doit informer le salarié.
A noter : Le code du travail ne précise pas les modalités d’information des salariés. Afin de garder une trace de l’accomplissement de cette formalité, il est néanmoins recommandé d’utiliser la forme écrite (ex. : note de service). De surcroît, le code du travail ne précise pas non plus le contenu de l’information délivrée au salarié. En vue de remplir pleinement cette obligation de transparence et de loyauté, il est conseillé à l’employeur d’être précis sur l’étendue et la finalité du dispositif de contrôle.
L’employeur a le droit de contrôler le travail effectué par le salarié mais il ne dispose pas d’un droit de regard sur la vie personnelle du salarié. En pratique, la difficulté réside dans la distinction entre ce qui relève de la vie personnelle et ce qui relève de la vie professionnelle.
A compter du début des années 1990, la Cour de cassation a commencé à s’intéresser à ces problématiques. Elle se référait alors à la notion de « vie privée » et précisait : « en principe, il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié pour une cause tirée de sa vie privée » (Cass. soc., 20 novembre 1991, n° 89-44605).
Quelques années plus tard, la Cour de cassation a changé de terminologie et retenu la notion plus large de « vie personnelle » (voir notamment Cass. soc., 14 mai 1997, n° 94-45473). Selon la doctrine, la notion de « vie privée » avait une portée trop réduite pour protéger pleinement le salarié. En effet, ce concept est limité à l’intimité du salarié contrairement à la notion de « vie personnelle » qui s’étend bien au-delà de cette sphère. A titre d’exemple, on pourra relever que les conversations téléphoniques relèvent de la vie privée du salarié alors que ses activités sportives ou culturelles relèvent de sa vie personnelle.
Actuellement, on observe que l’immunité disciplinaire du salarié repose entièrement sur le concept de « vie personnelle ». Ainsi, en dehors du temps et du lieu de travail, le salarié est libre de faire ce qu’il souhaite dans sa vie personnelle. A titre d’illustration, un salarié est en droit d’effectuer un voyage touristique alors même qu’il se trouve en arrêt de travail. De surcroît, certains actes de la vie personnelle peuvent également être nécessaires sur le lieu de travail.
Cependant, le législateur encadre l’exercice des droits liés à la vie personnelle. L’article L. 1121-1 du code du travail dispose à ce titre « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, l’employeur a donc la possibilité de restreindre les droits du salarié à condition d’avoir une justification et de respecter le principe de proportionnalité. En pratique, afin de déterminer si le principe de proportionnalité est respecté, les juges contrôlent si le moyen choisi par l’employeur permet d’atteindre le but visé et ils s’assurent du caractère indispensable de la mesure envisagée. De surcroît, ils vérifient si les effets de la mesure choisie par l’employeur ne sont pas excessifs par rapport au résultat escompté.
Par exemple, l’employeur peut contraindre un salarié à porter une tenue vestimentaire spécifique pour des questions de sécurité ou d’hygiène (voir notamment Cass. soc., 28 mai 2003, n° 02-40273).
Par principe, l’employeur a l’interdiction de licencier un salarié sur la base de faits commis dans sa vie personnelle. En effet, l’employeur ne doit pas pouvoir opérer de contrôle en dehors de la sphère de l’entreprise ou de l’association.
Toutefois, la Cour de cassation admet deux tempéraments très limités. L’employeur peut licencier un salarié qui commet, dans le cadre de sa vie personnelle, des actes causant un trouble objectif à l’entreprise. En vue de caractériser l’existence d’un trouble objectif, les juges se fondent notamment sur les fonctions du salarié et la finalité de l’entreprise. Tel est le cas d’un cadre commercial dans une banque poursuivi pour des délits reconnus d’atteinte à la propriété d’autrui, qui avaient créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise (Cass. soc., 25 janvier 2006, n° 04-44918).
En revanche, l’employeur ne peut pas licencier un salarié en se fondant sur des propos insultants tenus sur un réseau social au sein d’un groupe fermé et restreint (Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11690). De même, l’employeur ne peut utiliser des informations extraites du compte Facebook d’un salarié réservées à certaines personnes autorisées et obtenues à partir du téléphone portable d’un autre salarié (Cass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-19609). A défaut, le comportement de l’employeur constitue une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée du salarié.
Par ailleurs, dans certaines hypothèses, un motif tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire s’il constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail. A titre d’exemple, la Cour de cassation a retenu le licenciement pour faute grave d’un salarié engagé en qualité de personnel navigant qui avait consommé des produits stupéfiants entre deux escales et qui se trouvait toujours sous leur influence pendant l’exercice de ses fonctions. La Cour de cassation a précisé que le salarié n’avait pas respecté les obligations de son contrat de travail et qu’il avait fait courir un risque aux passagers (Cass. soc., 27 mars 2012, n° 10-19915).
L’un des aspects du pouvoir de direction de l’employeur est celui de contrôler l’activité des salariés qu’il emploie. Cependant, ses moyens de contrôle sont précisément encadrés par la loi et la jurisprudence. Trois dispositifs de contrôle principaux vont être développés : il s’agira de la vidéosurveillance, de la géolocalisation et des contrôles de l’utilisation du matériel professionnel.
L’employeur a la possibilité d’installer des caméras de vidéosurveillance dans les locaux de l’entreprise à condition d’avoir un objectif légal et légitime. A titre d’illustration, l’installation de caméras peut être rendue nécessaire pour assurer la sécurité des biens et des personnes dans l’entreprise.
Avant d’installer le système de vidéosurveillance, l’employeur doit prendre de nombreuses précautions. Les caméras peuvent filmer les zones d’entrée et de sortie des bâtiments ou encore les zones de stockage de marchandises. Toutefois, elles ne peuvent être placées de façon à filmer les salariés sur leur poste de travail ou encore dans les salles de pause. A défaut, l’employeur porterait atteinte à leur vie privée.
De surcroît, l’employeur doit impérativement sécuriser l’accès aux images de vidéosurveillance. Elles ne peuvent être visionnées que par des personnes habilitées du fait de leurs fonctions dans l’entreprise (ex. : la sécurité). Il est également impératif de fixer une durée de conservation des images. A titre de précision, la durée doit être déterminée en fonction de la finalité poursuivie par le système de contrôle.
En outre, en fonction du type de lieux filmés, l’employeur doit accomplir certaines formalités. Lorsque les lieux sont ouverts au public, le dispositif de vidéosurveillance doit être autorisé par le préfet du département. En revanche, si les lieux ne sont pas ouverts au public, il n’est pas nécessaire de recueillir des autorisations administratives préalables.
A noter : Si la structure est dotéé d’un délégué à la protection des données, il est nécessaire de l’associer au processus de mise en place du dispositif.
Enfin, avant toute installation, l’employeur doit, d’une part, informer et consulter le CSE (code du travail [C. trav.], art. L. 2312-38) et, d’autre part, avertir les salariés (C. trav., art. L. 1222-4). Afin d’informer correctement les salariés, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) recommande d’informer individuellement chaque salarié par le biais d’une note de service et d’afficher un panneau dans les locaux sous surveillance précisant notamment le nom du responsable, la base légale du dispositif, la durée de conservation des images, la possibilité d’adresser une réclamation à la Cnil ou encore la procédure pour demander l’accès aux enregistrements visuels(1).
Attention : Dans l’hypothèse où l’employeur ne respecterait pas la procédure de mise en place, il pourrait notamment être condamné à un an d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende pour enregistrement de l’image d’une personne à son insu dans un lieu privé (code pénal, art. 226-1) ou encore à 5 ans d’emprisonnement et à 300 000 € d’amende pour détournement de la finalité du dispositif (code pénal, art. 226-21).
L’employeur est en droit d’installer des systèmes de géolocalisation dans les véhicules mis à disposition des salariés pour exécuter leur prestation de travail.
Toutefois, l’employeur doit poursuivre une des finalités limitativement énumérées par la Cnil (délibération Cnil du 4 juin 2015)(2).
Ainsi, le système de géolocalisation ne peut être mis en place que pour tout ou partie des finalités suivantes :
• le respect d’une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;
• le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule, ainsi que la justification d’une prestation auprès d’un client ou d’un donneur d’ordre ;
• la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge, en particulier la lutte contre le vol du véhicule ;
• une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d’urgence ;
• le contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule définies par le responsable de traitement, sous réserve de ne pas collecter une donnée de localisation en dehors du temps de travail du conducteur.
L’employeur ne peut collecter de données à caractère personnel que « si elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la finalité poursuivie par le responsable de traitement » (délibération Cnil du 4 juin 2015).
Attention : L’employeur ne peut pas utiliser le dispositif pour contrôler le respect des limitations de vitesse ou pour calculer le temps de travail du salarié si un autre dispositif existe dans l’entreprise.
La mise en place du système de géolocalisation doit donc en pratique être utilisée uniquement lorsque l’employeur ne parvient pas à contrôler l’activité des salariés par un moyen moins attentatoire aux libertés individuelles.
En outre, préalablement à la mise en place de système, l’employeur doit informer et consulter le CSE (C. trav., art. L. 2312-38) mais également avertir les salariés (C. trav., art. L. 1222-4).
La Cnil précise que pour assurer une pleine et entière information du salarié, ce dernier doit avoir connaissance :
• de l’identité du responsable de traitement ou de son représentant ;
• de la finalité poursuivie par le traitement ;
• des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
• de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime ;
• des modalités d’exercice de ces droits.
De surcroît, en vue de garantir le respect de la vie personnelle du salarié, la Cnil pose différentes conditions (délibération Cnil du 4 juin 2015). Tout d’abord, le salarié doit avoir accès aux données enregistrées par l’employeur et pouvoir désactiver la géolocalisation en dehors de son temps de travail. Ensuite, les informations collectées doivent pouvoir être visualisées uniquement par le personnel habilité à cet effet par l’employeur. Enfin, les données de localisation peuvent être conservées pour une durée maximale de 2 mois. Néanmoins, cette durée peut être portée à 1 an s’il est nécessaire de prouver l’exécution d’une prestation et qu’aucun autre moyen de preuve n’existe. Egalement, cette durée peut exceptionnellement être portée à 5 ans dans le cadre du suivi du temps de travail à condition de conserver uniquement les données relatives aux horaires et que le suivi ne puisse être effectué par un autre moyen.
A noter : Si l’entreprise ou l’association est doté d’un délégué à la protection des données, il est nécessaire de l’associer au processus de mise en place du dispositif. De plus, le système doit être ajouté au registre des activités de traitement.
Attention : En cas de non-respect des règles posées par la Cnil et des dispositions légales, l’employeur s’expose aux mêmes sanctions que pour le système de vidéosurveillance (code pénal, art. 226-16 et s.).
En pratique, pour faciliter l’activité professionnelle du salarié, l’employeur met à sa disposition du matériel : ordinateur, téléphone, messagerie.
L’employeur est en droit de limiter l’utilisation de ce matériel professionnel à des fins personnelles par le biais d’un règlement intérieur ou d’une note de service. En effet, l’employeur peut valablement considérer que la fourniture du matériel est liée à l’accomplissement de la mission du salarié et non pour son utilisation privée. Toutefois, la Cnil déconseille d’interdire de façon générale et absolue l’utilisation du matériel professionnel à des fins autres que professionnelles. En effet, elle retient que certains usages sont « généralement et socialement admis » (voir notamment Cnil, 22e rapport d’activité 2001).
La Cnil rappelle régulièrement que le salarié peut enregistrer sur l’ordinateur professionnel des documents personnels à condition toutefois que cela reste raisonnable et n’entrave pas les capacités de stockage du matériel professionnel (voir notamment Cnil, 22e rapport d’activité 2001). A titre d’illustration, la Cour de cassation a reconnu l’utilisation abusive d’un ordinateur professionnel par un salarié qui s’était connecté 800 fois en un mois dont 200 fois en 7 jours à des sites à caractère pornographique depuis un ordinateur mis à sa disposition par son employeur et strictement affecté à un usage professionnel (Cass. soc., 3 octobre 2018, n° 17-13.089).
Par ailleurs, de jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que, sauf en cas de risque ou d’événement particulier, l’employeur ne peut pas ouvrir les documents que le salarié a identifié comme personnel si ce dernier n’est pas présent (voir notamment Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40017).
Il appartient donc à l’employeur qui souhaite obtenir la preuve de l’utilisation abusive du matériel à disposition du salarié de respecter une procédure stricte s’il souhaite accéder à des fichiers identifiés comme personnels. A ce titre, la jurisprudence considère que le salarié doit être informé préalablement au contrôle et pouvoir être présent, sauf risque ou événement particulier comme précité. A défaut, l’employeur ne pourra utiliser les éléments pour fonder la rupture du contrat de travail sur un motif disciplinaire. Il est donc conseillé de bien respecter la procédure et recourir éventuellement à un huissier de justice pour garantir la licéité de la preuve.
A noter : Un fichier intitulé « perso » constitue un fichier à caractère personnel (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40017). En revanche, un fichier intitulé « JM » (initiales du salarié) ne constitue pas un fichier personnel (Cass. soc., 21 octobre 2009, n° 07-43877).
En revanche, rien n’interdit à l’employeur de consulter les fichiers à caractère professionnel en dehors de la présence du salarié (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48025).
La Cour de cassation a eu l’occasion de trancher sur la licéité du contrôle par l’employeur du contenu de la clé USB personnelle d’un salarié branchée à son ordinateur professionnel. Dès lors que la clé est connectée à l’ordinateur qui connaît un caractère professionnel, elle constitue une extension de ce dernier ce qui permet à l’employeur, en l’absence de mention expresse de fichiers identifiés comme personnels, de contrôler le contenu de la clé hors la présence du salarié dans le cadre de son pouvoir de direction (Cass. soc,. 12 février 2013, n° 11-28649).
L’usage de la messagerie professionnelle a des fins personnelles par les salariés connaît application du principe du secret des correspondances depuis un arrêt de la Cour de cassation rendu en 2001 (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42942, arrêt « Nikon »).
La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) précise de surcroît que le salarié a le droit d’utiliser sa messagerie professionnelle à des fins personnelles de façon raisonnable si cela ne porte pas atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise (CEDH, 5 septembre 2017, n° 61496/08).
Ainsi, en vertu du principe du secret des correspondances, l’employeur ne peut pas prendre connaissance des messages identifiés comme personnels que le salarié envoie ou reçoit sur sa messagerie professionnelle (voir notamment Cass. soc., 12 octobre 2004, n° 02-40392). Tel est également le cas des messages échangés sur une messagerie personnelle de type « Messenger » que le salarié aurait pu installer sur son ordinateur professionnel (Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 17-28448).
A noter : La Cour de cassation retient que l’employeur est en droit de consulter des fichiers qui n’ont pas été identifiés comme personnels par le salarié. Toutefois, il ne peut pas les utiliser pour le sanctionner s’ils relèvent de sa vie privée (Cass. soc., 5 juillet 2011, n° 10-17284).
Attention : Pour mémoire, l’atteinte au secret des correspondances est un délit puni de 1 an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (code pénal, art. 226-15).
Lorsque le salarié est en arrêt maladie, son contrat de travail est suspendu (voir notamment code du travail, art. L. 1226-7). En conséquence, le salarié ne doit pas exercer une activité professionnelle pour le compte de l’employeur et l’employeur est dispensé de fournir la prestation de travail au salarié.
Toutefois, l’employeur est en droit de demander au salarié qu’il restitue son matériel professionnel à condition que ce dernier ne soit pas contraint pour cela d’accomplir une prestation de travail et que la demande soit justifiée par le bon fonctionnement de la société (voir notamment Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-43155). A titre d’exemple, dans le secteur des services à la personne, un employeur pourrait demander à un intervenant qu’il restitue les clés d’un bénéficiaire ou à un employé administratif qu’il communique les codes d’accès informatiques qu’il possède.
De plus, au cours d’un arrêt de travail, le salarié doit respecter, à l’égard de son employeur, une obligation de loyauté. Néanmoins, le salarié peut exercer une activité professionnelle sans que cela contrevienne à ses obligations contractuelles. Tel pourrait être le cas notamment d’une activité professionnelle temporaire, bénévole et non concurrente à l’entreprise.
Attention : L’activité doit être autorisée par le médecin ayant prescrit l’arrêt de travail et ne pas contrevenir à l’état de santé du salarié.
A noter : La Cour de cassation retient que l’employeur peut engager une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute uniquement dans le cas où l’acte commis par le salarié pendant la suspension de son contrat de travail cause un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise (voir notamment Cass. soc., 12 octobre 2011, n° 10-16649). Par exemple, un intervenant à domicile pourra être licencié sous conditions si pendant son arrêt de travail, il travaille pour une entreprise concurrente moyennant rémunération.
Par ailleurs, dans le cadre de son arrêt de travail, le salarié est tenu de respecter des obligations posées par le code de la sécurité sociale (ex. : respect des heures de sortie du domicile). Toutefois, l’employeur ne peut se fonder sur ces manquements pour prononcer son licenciement (voir notamment Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-40894).
A noter : Si l’employeur soupçonne le salarié de ne pas respecter les obligations posées par le code de la sécurité sociale et notamment les heures de sortie, il peut diligenter une contre-visite médicale. Dans l’hypothèse où le salarié est absent de son domicile au moment de la contre-visite et ne peut justifier de cette absence, il perd le bénéfice des indemnités complémentaires de maladie (voir notamment Cass. soc., 28 avril 1981, n° 79-41806). Au contraire, si le salarié peut justifier de son absence, le versement des indemnités complémentaires doit être maintenu par l’employeur (voir notamment Cass. soc., 5 décembre 1990, n° 87-41375).
Un particulier peut installer des caméras de surveillance à son domicile. Cependant, il n’a pas le droit de filmer la voie publique ou de porter atteinte à la vie privée des personnes qu’il filme.
Si le particulier emploie un salarié à son domicile, il a l’obligation de se conformer aux dispositions du code du travail précitées. En ce sens, il doit avertir le salarié de l’existence du dispositif et veiller à ce qu’il ne soit pas filmé continuellement durant sa prestation de travail.
Si un employeur, entreprise ou association prestataire, envoie un salarié au domicile d’un client qui dispose de caméras de surveillance, il a également l’obligation de se conformer aux dispositions légales. L’employeur doit impérativement se rapprocher du client afin de connaître la finalité du dispositif, les modalités de visionnage, l’emplacement des caméras ou encore la durée de conservation des images. Il est également nécessaire d’informer et de consulter le CSE (s’il existe) et de prévenir le salarié. Si le système de vidéosurveillance ne répond pas à l’ensemble des critères posés par le législateur et la Cnil, on conseillera à l’employeur de refuser d’envoyer le salarié au domicile du client. En effet, sa responsabilité pourrait être engagée.
La vie privée du salarié bénéficie d’une protection qui doit empêcher l’employeur de prononcer la rupture du contrat de travail pour des faits extérieurs à la relation de travail. Cependant, le développement des nouvelles technologies, et spécifiquement des réseaux sociaux, a conduit à s’interroger sur la liberté du salarié qui, certes en dehors de la relation contractuelle, émet des propos injurieux, menaçants ou diffamants à l’encontre de son employeur.
Dans quelle mesure un tel comportement peut-il constituer un motif de licenciement à caractère disciplinaire ?
La principale question retenue par les juridictions est celle du caractère public ou privé des conversations ou propos des salariés dans le cadre de leur vie personnelle. En effet, si le caractère est personnel, il doit bénéficier du principe général posé en droit civil du secret des correspondances et ne peut en aucun cas justifier un licenciement pour faute.
Dans le cadre de l’affaire du groupe créé sur le réseau social Facebook intitulé « Extermination des directrices chieuses », la Cour de cassation a ainsi recherché les critères permettant de déterminer le caractère public ou privé des conversations du salarié en dehors de sa prestation de travail. En l’espèce, le groupe était clairement défini comme fermé et accessible uniquement aux personnes agréées par l’administrateur du groupe.
Au-delà de ce premier critère, la Haute Juridiction recherche si le groupe a réellement un caractère privé. En effet, les réseaux sociaux peuvent, sous couvert de groupes privés, être en réalité composés de centaines de personnes, ce qui exclurait que les propos aient réellement un caractère privé.
Dans l’affaire citée ici, le groupe n’était accessible qu’aux personnes choisies par l’administrateur et répondait bien à la définition « privée ». Quant au second critère, le groupe était composé de 14 personnes ce qui a conduit la Cour de cassation à retenir que le nombre d’utilisateurs était restreint, répondant également à la notion d’une conversation à caractère privé.
Le licenciement prononcé par l’employeur ne reposait en conséquence pas sur une cause réelle et sérieuse : « […] Mais attendu qu’après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur le compte ouvert par la salariée sur le site Facebook et qu’ils n’avaient été accessibles qu’à des personnes agréées par cette dernière et peu nombreuses, à savoir un groupe fermé composé de 14 personnes, de sorte qu’ils relevaient d’une conversation de nature privée, la cour d’appel a pu retenir que ces propos ne caractérisaient pas une faute grave […] » (Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 16-11690).
En pratique, on peut s’interroger sur le caractère réellement privé d’une discussion entre 14 personnes…
A noter : L’employeur qui envisage d’exercer son pouvoir de direction et de prononcer le licenciement pour motif disciplinaire du salarié pour les faits précités devra vérifier, d’une part, le caractère public ou non des publications sur le réseau social considéré et, si le réseau ou groupe est considéré comme privé, rechercher, d’autre part, si le nombre de participants peut faire tomber le caractère privé.
(1) Pour plus de précisions, voir notamment : https://www.cnil.fr/fr/videosurveillance-videoprotection.
(2) Délibération n° 2015-165 du 4 juin 2015 portant adoption d’une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel mis en œuvre par les organismes publics ou privés destinés à géolocaliser les véhicules utilisés par leurs employés (norme simplifiée n° 51).