Il est des sujets précis qui peuvent révéler des difficultés plus globales. C’est exactement le cas avec la lutte contre l’obésité. Le 11 décembre, la Cour des comptes a rendu public un rapport sur « la prévention et la prise en charge de l’obésité »(1) destiné à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Dès le chapitre premier de son rapport, la cour constate de « fortes disparités sociales ».
Les premières politiques publiques relatives à la lutte contre l’obésité ont été lancées au début des années 2000. Elles ont rapidement porté leurs fruits. En effet, alors que, entre les années 1990 et 2000, la prévalence de l’obésité a doublé en France, celle-ci s’est globalement stabilisée à partir de 2005, pour attendre 17,2 %. « Globalement » est important, puisque dans le détail, il apparaît que « la situation s’est aggravée en ce qui concerne les inégalités socio-économiques et territoriales », relève la Cour des comptes. Déjà, même si les taux de surpoids et d’obésité sont stabilisés, ils restent importants : 49 % de la population est en surpoids. La Cour des comptes insiste : « La stabilité des taux globaux de surpoids et d’obésité en France vient masquer des différences entre sous-populations qui se sont accrues en dix ans. »
Les inégalités sur l’obésité sont d’abord sociales. La Cour des comptes relève que les dernières données connues montrent une prévalence du surpoids plus élevée chez les personnes les moins diplômées. 60,8 % des hommes et 53,4 % des femmes sans diplôme ou ayant un diplôme inférieur au baccalauréat étaient en surpoids en 2015, contre respectivement 42 % et 30 % pour les Bac + 3. Et c’est la même chose pour les enfants : les enfants d’ouvriers présentent une prévalence de l’obésité bien plus élevée que ceux de cadres. De surcroît, les personnes les moins diplômées subissent une obésité plus sévère. Ces chiffres ont été confirmés par deux études réalisées par des associations d’aide alimentaire : la prévalence de leurs usagers est particulièrement élevée : 28,8 % en 2013.
L’inégalité territoriale s’ajoute à cette inégalité sociale. Si, comme le relève la Cour des comptes, les études sur le sujet sont assez anciennes, elles n’en sont pas moins intéressantes. « En regroupant les sources de données disponibles, les régions présentant les indicateurs les plus défavorables sont, sans surprise, celles qui présentent les indices de précarité les plus élevés : les Hauts-de-France, le Grand Est et les DOM », constate la cour.
Les territoires d’outre-mer sont particulièrement concernés. En 2014, la Cour des comptes soulignait déjà « l’important retard de ces territoires par rapport à la métropole, à la fois en termes d’indicateurs de développement, d’état de santé et d’offre de soins ». Sur le sujet spécifique de l’obésité, les études scientifiques manquent. Seules des données déclaratives de 2014 permettent de constater que les taux de surpoids et d’obésité dans les DOM chez les jeunes sont plus élevés qu’en métropole. Cette différence semble s’effacer avec l’âge.
La principale conclusion de la Cour des comptes sur ces sujets est que « les disparités s’accroissent et sont mal prises en compte par les politiques actuelles ». La cour recommande à l’Etat de se doter d’un meilleur outil épidémiologique : mieux connaître ces disparités permettra d’adapter les interventions et de mieux les cibler sur les groupes à risque.
L’Etat a souvent préféré l’incitatif au coercitif pour changer les pratiques du secteur privé. La lutte contre l’obésité n’a pas dérogé à la règle : les pouvoirs publics ont mis au point les chartes d’engagement volontaire de progrès nutritionnel et les accords adoptés dans le cadre du programme national de l’alimentation. Pour la Cour des comptes, ces outils « ont rapidement montré leurs limites et devraient faire place à des mesures plus directives », ciblées notamment sur le marketing particulièrement agressif des grandes marques de produits trop gras, trop sucrés ou trop salés.
(1) Consultable sur le site www.ccomptes.fr.