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Un « chantier-école » pour former des professionnels dans la Creuse

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Alors que le secteur de l’aide à domicile a des besoins grandissants en personnel, il est confronté à une pénurie de candidats. Face à ces difficultés de recrutement, le conseil départemental de la Creuse expérimente un « chantier-école » qui a pour objectif de former des aides à domicile.
Quelle est la situation des personnes âgées en Creuse ?

David Sertillange : Notre département est le plus âgé de France. Les plus de 60 ans représentent 35 % de la population et les plus de 80 ans, 10,5 % (soit le double de la moyenne nationale). Et, comme partout, cette population est vieillissante. Donc les besoins sont grandissants. Il y a notamment des enjeux particuliers autour des services d’aide à domicile en raison de la pénurie de personnels. Si cette pénurie n’est malheureusement pas spécifique à la Creuse, elle a des conséquences assez importantes pour le département. A tel point que, à terme, certains maintiens à domicile pourraient être remis en cause. Il faut donc que, collectivement, nous arrivions à trouver des solutions pour faire en sorte que ces services puissent suffisamment recruter et mettre en place les plans d’aide qui leur sont prescrits.

Autre élément d’inquiétude : ces services d’aide à domicile vont prochainement devoir faire face à de nombreux départs à la retraite. A cela s’ajoute l’absentéisme croissant en raison de la sinistralité de ce secteur d’activité (le double de la moyenne de tous les secteurs et 30 % de plus que le BTP). Il y a donc un vrai enjeu. In fine, chaque année, il nous faut renouveler 10 % des effectifs des aides à domicile. Et ce uniquement pour maintenir l’existant. Si on ajoute à cela l’augmentation des besoins…

Et quelle est la situation des services ?

D. S. : En Creuse, il y a 38 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et sept services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) associatifs sectorisés pour assurer un maillage du territoire sans zone blanche. Concrètement, nous avons mis en place un accès égalitaire à l’ensemble des usagers sur le territoire. Le but était d’éviter, comme cela peut être le cas dans certains départements, d’avoir des agglomérations en hyper concurrence et, à côté, des secteurs plus ruraux sans aucun prestataire. Etant donné que la Creuse est un département hyper rural, nous nous devions d’organiser cette couverture géographique. Nous avons donc mis en place des partenariats avec ces sept services, qui ont chacun un secteur d’activité et doivent répondre à toutes les demandes formulées sur le territoire.

Pour lutter contre la pénurie du personnel, vous avez récemment lancé une expérimentation chantier-école. En quoi consiste-t-elle ?

D. S. : L’idée était de renforcer l’offre de services déjà existante. Nous voulions cependant davantage travailler sur la notion de « parcours ». Avec ce chantier-école, le département entend assurer le maintien à domicile sur le territoire de façon durable. Mais aussi augmenter la qualité des services et réduire le turn-over des personnels en garantissant une continuité des services.

Maële Tijeras : Concrètement, le conseil départemental de la Creuse, dans le cadre de la transversalité de ses politiques (insertion – pacte territorial d’insertion et de modernisation du secteur de l’aide à domicile), a souhaité mettre en place un chantier-école dans le secteur de l’aide à domicile afin de répondre aux besoins de recrutement. L’appel à projets insistait beaucoup sur ce triptyque emploi-formation-accompagnement. C’est vraiment du sur-mesure pour que les personnes ne se perdent pas en route.

L’objectif de cette démarche expérimentale est de favoriser le rapprochement entre des employeurs recruteurs et des publics rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi et à la formation. L’action va leur permettre de mieux connaître le métier d’aide à domicile, de résoudre des difficultés éloignant de l’emploi (comme la mobilité, la garde d’enfants…), mais aussi accéder à un parcours de formation adapté, tenant compte de leurs besoins spécifiques pour faciliter l’intégration dans l’emploi. Le chantier-école s’adresse donc à des personnes qui n’ont aucune qualification dans le secteur de l’aide à la personne, qui ne sont pas en poste et qui ne peuvent pas intégrer le droit commun. Il s’agit donc de publics qui ont besoin d’une façon alternative d’être préparés à l’emploi.

La formation dure six mois. Au cours de celle-ci, les candidats vont à la fois avoir une aide à l’obtention du permis de conduire, une aide à l’acquisition d’un véhicule pour ceux qui n’en ont pas, une période d’apprentissage théorique et une période d’apprentissage pratique du métier d’assistant de vie. L’idée est que tous les candidats sortent avec au moins la validation d’une partie du diplôme. Les Saad s’engagent ensuite à continuer la formation – en cours d’emploi donc – pour l’obtention du titre.

La démarche commence par une mise en relation service d’aide à domicile-candidat. Les personnes qui intègrent le chantier-école ont été retenues au préalable par une association, qui s’engage d’ailleurs à leur proposer ensuite un contrat à la fin du chantier-école. Ensuite, le centre Afpa de Guéret, en collaboration avec Form’Adapt, dispense la formation théorique.

Quel est l’agenda de cette expérimentation ?

M. T. : La première formation s’est déroulée de mai à novembre. Elle vient donc tout juste de se terminer. Sur les dix stagiaires, neuf sont allés au bout. La dixième a en effet été victime d’un accident de la route et a été immobilisée quelques semaines, ce qui l’a empêchée de terminer sa formation. Mais elle va faire partie de la prochaine session et devrait donc valider le parcours. Nous allons leur remettre officiellement une attestation de compétences. Nous sommes en train de faire les tests de sélection pour la deuxième promo qui devrait débuter dans les prochains jours. Et il y aura une troisième et dernière session courant 2020.

D. S. : Tout commence avec une journée de tests avec l’ensemble des prescripteurs, des partenaires de l’emploi et de la formation. Cela permet d’associer tout le monde à l’expérimentation. Durant la journée, les candidats passent une série de tests, dont certains de mise en situation pratique du métier d’aide à domicile. Ceux-ci se déroulent d’ailleurs dans un appartement pédagogique prévu à cet effet, avec toute une série de situations/difficultés qu’un professionnel peut rencontrer. Il y a également des tests numériques puisque les services d’aide à domicile utilisent des applications pour gérer les plannings notamment. Il y a des tests de langue pour apprécier le niveau et voir s’il y a des problèmes d’illettrisme par exemple. Et enfin il y a un entretien avec l’aide à domicile qui sera potentiellement amené à être le tuteur du candidat.

Cette journée de tests permet de faire un bilan des candidats, de juger de leur qualité et, dans certains cas, d’en orienter directement vers des dispositifs de droit commun. Ce qui permet d’alimenter l’ensemble des dispositifs existants.

Après cette journée, pour valider le projet, il y a une période d’immersion dans les services à domicile. Ce qui permet de conforter les projets professionnels. Cette période dure une à deux semaines pour que les candidats se rendent bien compte, sur le terrain, de la réalité du métier et puissent, éventuellement, se désister si cela ne leur convient pas. Et inversement, cela permet aux employeurs qui se sont engagés de conforter leur souhait de les recruter ou non. En effet, un emploi en contrat à durée indéterminée dans l’une des structures est à la clef de ce chantier-école.

Quels sont les retours de cette première promotion ? Avez-vous rencontré des difficultés ?

M. T. : Les difficultés sont en réalité à tous les niveaux. La première a été de savoir comment monter l’ingénierie du projet, notamment financièrement. Il a fallu aller convaincre chaque financeur. Il faut d’ailleurs préciser que, en plus du conseil départemental de la Creuse, cette expérimentation est cofinancée par le Fonds social européen, le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et Form’Adpat. Il y a donc eu une phase de dimensionnement en amont nécessaire. Dans la mise en œuvre, il faut ensuite continuer de convaincre et de mobiliser tout le monde.

D. S. : Pour les futurs employeurs, il a fallu acquérir une nouvelle culture. De façon traditionnelle, les employeurs, quand ils intègrent quelqu’un, ont tendance à très rapidement mesurer l’écart entre ce que la personne fournit comme travail et ce qu’ils attendent. Ils sont plutôt dans une logique de « recadrage ». Alors que la démarche du chantier-école est différente. Il y a régulièrement des évaluations pour valoriser les acquis. Cela, il a fallu un petit peu de temps pour que les employeurs l’acceptent.

M. T. : Une autre difficulté est de capter du public. Ainsi, pour la deuxième session, on peine à atteindre le chiffre fatidique de 12 candidats. Il a fallu convaincre l’opérateur de débuter avec moins. A la fin de l’expérimentation, nous avons quand même pour objectif d’avoir au minimum 36 personnes formées.

David Sertillange, chargé de mission « modernisation aide à domicile » à la direction des personnes en perte d’autonomie. et Maële Tijeras, directrice de l’insertion et du logement au conseil départemental de la Creuse.

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