Il est tout en rondeurs rassurantes, avec un faux air de Barbapapa, le dessin animé des années 1970. Lui, c’est Meyko, un objet compagnon connecté et ludique, conçu par deux jeunes Nantaises afin d’aider les enfants à prendre quotidiennement leurs traitements médicamenteux. En 2015, étudiantes, Alizée Gottardo et Sandrine Bender se rencontrent lors d’une formation commune sur les objets connectés. « Une rencontre heureuse », résume aujourd’hui Alizée Gottardo, ingénieure en télécommunications, cofondatrice et directrice technique de Hello Meyko. Sandrine Bender, elle, est titulaire d’un master en design et souffre d’asthme depuis son enfance, avec traitement de fond à la clé. « Notre questionnement est né de cette problématique que connaissait bien Sandrine : comment accompagne-t-on un enfant pour l’aider à mieux prendre son traitement quotidien ? » Chiffres de l’observance thérapeutique à l’appui, les deux jeunes femmes se lancent dans la réflexion. « L’observance est le nombre de traitements pris sur le nombre de prises prévues. L’Organisation mondiale de la santé estime que 50 % des prises… ne sont pas prises », explique Alizée Gottardo. Concernant l’asthme, le chiffre est bien en deçà, avec seulement… 13 % d’observance. De quoi donner du grain à moudre à la réflexion. « On sentait une vraie demande. Entre deux consultations, les médecins eux-mêmes ne savent pas comment faire. Et les enfants sont parfois en rejet de traitement. »
Entre conflits avec les parents ou problèmes d’organisation et d’oublis, le suivi d’un traitement s’avère complexe. Et en faire un compte rendu détaillé à son médecin, encore davantage. « Il y a un fossé entre l’observance perçue par la famille et l’observance réelle. Les carnets, les notes s’égarent. Beaucoup d’informations sont perdues », remarque Alizée Gottardo. Alors les deux créatrices, fortes de leur postulat de départ, vont aller fouiller dans la littérature scientifique. Comment faire en sorte de rendre cette prise plus simple pour l’enfant, plus fluide ? « Nous sommes allées observer ce qui se fait actuellement dans l’accompagnement des enfants malades. » Sandrine Bender et Alizée Gottardo découvrent alors que les interfaces « tangibles », c’est-à-dire ce qui est physique, manipulable, obtiennent de bien meilleurs résultats qu’une interface digitale. Pour ce qui les préoccupe, l’écran ne suffit plus. Pour qu’il y ait adhésion au traitement, il faut une adhésion de l’enfant au dispositif. C’est là qu’intervient Meyko et ses courbes enfantines.
« Il nous fallait quelque chose de tangible, qui ne soit pas simplement quelque chose de technique. On va venir jouer sur la relation affective de l’enfant avec son compagnon. » Un compagnon « vivant » donc, simple dans l’interaction. Meyko est à la fois le prénom du drôle de petit bonhomme rond et accueillant, avec ses bras ouverts, et le nom de l’application mobile qui lui est associée. Ainsi, chacun, parents et enfant, a son interface. Pour créer ce sympathique personnage qui occupe la chambre de l’enfant, Sandrine Bender et Alizée Gottardo sont allées chercher l’inspiration chez les experts de l’empathie animée : les studios Pixar. « Les études montrent l’affection de l’enfant pour ces objets ronds. C’est en partie la proportionnalité des formes qui crée l’empathie chez l’enfant. Il va venir dédramatiser la maladie avec de l’affectif. » Sandrine dessine le premier prototype en 2015. Un Meyko voit le jour, « dans notre atelier, avec une imprimante 3D et un fer à souder », se rappelle Alizée Gottardo.
Les deux jeunes femmes sont alors sur leurs fonds propres. Depuis, des aides régionales, nationales et même européennes sont venues se rajouter et affermir le projet. De ce prototype sont nés une dizaine d’autres. Il faut tout valider : forme, utilisation, qualité des interactions. « Nous avons essayé de faire le meilleur produit pour les enfants. Au final, Meyko n’a pas beaucoup changé depuis ses débuts. » En juin dernier, Meyko est enfin commercialisé. Entièrement fabriqué en France, plasturgie, électronique et développement de l’application se font par des sociétés de la région nantaise. Meyko est disponible pour les établissements tout autant que pour les particuliers.
Le petit bonhomme bleu est utile à tous les enfants de 3 à 10 ans qui doivent cohabiter avec une maladie grave au traitement long, de type cancer, ou une maladie chronique telle que l’asthme. Epilepsie, mucoviscidose, suivi de greffe… Meyko est un compagnon idéal. A l’heure programmée de la prise de médicament, il change d’humeur, devient triste, cela se voit sur sa bouille ronde. Un « tag », autocollant rond d’un centimètre, a été préalablement posé sur chaque comprimé. L’enfant va alors montrer son médicament à Meyko, qui va reconnaître le tag. Cela crée une séquence de validation de la prise de médicament, qui s’affichera… dans l’application. Même à distance, les parents peuvent donc savoir que la prise a été effectuée. D’autant que, une fois la prise effectuée, l’enfant doit la valider en serrant les petites mains de Meyko. « Un geste qui se transforme la plupart du temps en câlin », confie Alizée Gottardo. Meyko change alors à nouveau d’humeur, et retrouve le sourire. Les parents, de leur côté, voient l’heure et la validation du traitement. « C’est une nouvelle manière de faire de l’éducation thérapeutique, souligne la cofondatrice. Des services de pédiatrie sont intéressés, et ont déjà commandé Meyko. Il fait le relais entre deux consultations. » L’application comprend une sorte de carnet de santé numérique. Les parents peuvent y renseigner les complications, les relevés médicaux, les rendez-vous à venir… Le suivi de la maladie est simplifié et davantage serein.
Les premiers retours des médecins sont excellents. « Certains ont vu des enfants presque enthousiastes à l’idée de prendre leur traitement alors qu’auparavant ils étaient dans le rejet », explique Alizée Gottardo. Quant aux familles, soulagées, elles constatent une meilleure implication grâce à Meyko. Et la prise régulière d’un traitement permet parfois d’en baisser les dosages par la suite. Meyko, le petit bonhomme bleu, est une innovation destinée à un public infantile, là où la pédiatrie manquait, étonnamment, cruellement, de soutiens et d’objets ludiques similaires. « Il existe des piluliers connectés pour les seniors, ce genre de choses, mais il n’y avait quasiment rien pour les enfants. » Aujourd’hui, Hello Meyko, ce sont trois équivalents temps plein (dont les deux fondatrices et un associé pharmacien à temps partiel). Une équipe qui met toute leur énergie à la commercialisation de Meyko. Le petit bonhomme, lui, continue à sourire à chaque traitement pris.
Témoignages de parents
« Nous sortons de notre visite chez le pneumologue pour mon fils avec une très bonne nouvelle. Il va super bien et ses poumons aussi grâce à Meyko. Il a presque des poumons normaux avec la prise de traitement. Depuis qu’il est chez nous, il prend tous ses traitements ! Merci d’avoir créé ce petit bonhomme. »
« Depuis que Meyko est venu s’installer chez nous, la prise de médicaments se passe dans un calme et un apaisement à peine croyable. Grâce à l’application sur mon téléphone, je sais que ma fille a pris son traitement… Je la félicite à chaque fois. Elle est fière, plus de stress, le traitement est toujours fait. Meyko est notre compagnon et fait partie de notre vie de famille ! »
« Lilou se porte mieux grâce à la prise de médicament quotidienne, et ce grâce à vous.. Je disais encore il y a peu à ma famille que Meyko devrait être remboursé par la sécurité sociale. Grâce à lui, les enfants ont moins de risque d’avoir des conséquences de la non-prise de médicaments… Alors encore merci à vous. »