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Toujours pas de loi mais quelques pistes

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Lors des deuxièmes rencontres nationales entre la Caisse nationale des solidarités pour l’autonomie (CNSA) et les départements, le 3 décembre, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a fait un point sur le futur projet de loi « grand âge et autonomie ».

« A n’en pas douter, les mois à venir seront riches de discussions sur le grand âge et l’autonomie. En tant que ministre en charge de l’accompagnement des personnes âgées, je suis garante d’une ambition nationale. Je suis là aujourd’hui pour vous dire que l’Etat prendra sa part pour orienter l’action, pour appuyer les dynamiques locales, pour construire avec vous l’offre dont nous avons besoin pour demain. […] Comme tous les grands défis collectifs de long terme, il peut paraître écrasant de responsabilité. Mais nous avons une chance. Celle de pouvoir anticiper, de savoir ce qui nous attend. Il nous reste un peu plus de dix ans pour être prêt au grand tournant de 2030. » Présente lors des deuxièmes rencontres nationales de la CNSA et des départements, le 3 décembre dernier, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a donné quelques orientations de ce que devrait être le contenu de la future loi « grand âge et autonomie. Alors que les acteurs du secteur se montrent de plus en plus impatients face à l’absence de communication et d’agenda précis à ce sujet, la ministre a tenté de les rassurer. Estimant que la concertation « grand âge et autonomie » menée en début d’année avait permis « de passer un cap », Agnès Buzyn indique que désormais le gouvernement « sait où il doit aller ».

« Pour répondre aux besoins, il nous faudra doubler très rapidement le nombre d’aides-soignants et d’accompagnants à domicile entrant en formation, alors même que les jeunes se projettent de moins en moins dans ces filières. Il y a là une impasse criante, que nous ne résoudrons qu’en transformant les métiers et les organisations. Il faut donner envie de s’y engager car sans ces professionnels, nous irons ensemble dans le mur », fixe-t-elle comme premier objectif. C’était ainsi le sens du rapport sur l’attractivité des métiers remis récemment par l’ancienne ministre du Travail, Myriam El Khomri(1). Pour rappel, celle-ci préconise, entre autres, de créer 92 300 postes en cinq ans, soit environ 18 500 par an pendant cinq ans, dès 2020. Pour les embaucher (mais aussi mieux les former et mieux les rémunérer), Myriam El Khomri a estimé que les pouvoirs publics devront mobiliser 825 millions d’euros par an dans les années à venir.

Une mission sur les habitats inclusifs

« Ce que nous avons à construire, c’est une société dans laquelle un maintien à domicile serein, en tout cas le plus serein possible, ne sera pas réservé aux plus aisés de nos concitoyens », a ensuite indiqué Agnès Buzyn, toujours lors des rencontres CNSA/départements. Et de poursuivre : « Ce que nous avons à construire, c’est le socle d’un service public du maintien à domicile, avec pour garant le conseil départemental. C’est le projet que je vous propose de porter avec vous : nous avons jusqu’à 2025 pour être au rendez-vous de la démographie. » Car, et cela semble acquis par tous les acteurs, les personnes âgées entendent vieillir le plus longtemps à domicile. Mais si la stratégie est bien de mettre en avant le domicile (et la future loi se devra de prendre en considération cet aspect), tous les seniors ne veulent pas et ne peuvent pas rester à domicile. C’est pourquoi, « nous devons impérativement diversifier les lieux d’accueil, et les initiatives foisonnent aujourd’hui pour créer des lieux qui répondent à la diversité des choix : vivre dans de petites unités de vie avec des services à domicile en permanence ; vivre en colocations intergénérationnelles ; vivre dans une famille accueillante agréée… », a encore souligné la ministre des Solidarités et de la Santé.

Développer ces habitats « inclusifs », tel est le sens de la mission récemment confiée par le Premier ministre, Edouard Philippe, à Denis Piveteau, président de la 5e chambre de la section du contentieux du Conseil d’Etat, et Jacques Wolfrom, directeur général du groupe Arcade-Vyv. Plus précisément, le projet consiste à « développer des solutions d’habitat de manière harmonisée sur l’ensemble du territoire en associant un projet urbain et social et des services adaptés aux besoins des personnes âgées ou en situation de handicap ». A noter que les propositions de cette mission sont attendues pour la fin du premier trimestre 2020. « Etre logé ne suffit plus à habiter. Insuffler de la vie, du lien, de la citoyenneté, telle est l’ambition de ces nouveaux habitats qui, sans disqualifier les offres plus classiques d’hébergement, viennent en démultiplier les variations », observe Sophie Cluzel. Présente aux deuxièmes rencontres de la CNSA et des départements, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées insiste sur le rôle majeur de cette mission : « Je partage avec Agnès Buzyn de fortes attentes quant aux conclusions de cette mission. Trouver son chez-soi au cœur de la société, habiter sa maison quelle qu’elle soit, c’est pouvoir s’y sentir suffisamment en sécurité pour s’ouvrir et habiter le monde. »

Si la future loi devrait donc mettre en avant des formes alternatives d’hébergement, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ne sont pour autant pas voués à disparaître. « Réussir le virage domiciliaire ne veut pas dire que les Ehpad n’auront plus leur place. Mais cela veut très certainement dire qu’ils accueilleront des personnes de moins en moins autonomes », a ainsi assuré la ministre des Solidarités et de la Santé. Une réalité qui ne sera pas sans conséquence. Tout d’abord, cela va nécessiter une augmentation des effectifs en établissements. « L’un de mes objectifs constants est de viser une augmentation de 25 % du taux d’encadrement dans les Ehpad, au bénéfice des résidents comme des professionnels », confirme la ministre. La seconde implication est tarifaire : il va falloir donner plus de souplesse aux gestionnaires. « La distinction qui existe aujourd’hui entre le soin et la dépendance aura de moins en moins de sens, avec l’augmentation des besoins de soins, affirme-t-elle. Elle est déjà largement artificielle aujourd’hui et conduit à des coûts d’administration, tant pour les départements que pour les agences régionales de santé (ARS), dont nous n’avons plus les moyens collectivement. C’est pourquoi je suis favorable à une fusion de ces deux sections dans le cadre de la réforme à venir. » Enfin, il faut repenser les lieux en eux-mêmes. C’est pourquoi un grand plan d’investissement sera lancé dès 2020. Et Agnès Buzyn d’annoncer sa volonté de « créer un laboratoire pour réfléchir aux grandes lignes de ce que doit être l’établissement de demain, parce que c’est une question essentielle, qui en appelle beaucoup d’autres ».

« Un partenariat renouvelé, renforcé avec les conseils départementaux »

Ainsi, « comment faire pour que les personnes se sentent chez elles en établissement ? Comment proposer des petites unités de vie, plus humaines ? Comment faire face au réchauffement climatique, car les établissements construits aujourd’hui devront être adaptés aux conditions environnementales de demain ? Comment penser l’habitat des personnes qui font face à des troubles cognitifs de plus en plus importants ? » Autant de questions auxquelles devra répondre ce « laboratoire de l’établissement de demain ». Il y aura notamment des designers, des architectes, des représentants de conseils départementaux, des soignants ou encore des personnes âgées et des aidants. « L’objectif, pour les acteurs locaux qui investissent au quotidien pour rénover les établissements, c’est de pouvoir accéder à des ressources, à des grandes lignes, à des idées. C’est d’éviter de réinventer dans un territoire ce qui a fait ses preuves dans celui d’à côté », a insisté Agnès Buzyn.

« La condition de réussite absolue de toutes les ambitions que je viens d’évoquer, c’est évidemment un partenariat renouvelé, renforcé, avec les conseils départementaux », a ajouté la ministre. Cela tombe bien, ceux-ci sont demandeurs de plus de liberté d’actions. « Le constat que je peux faire est que la création des ARS a été un véritable recul de la décentralisation et une déconcentration des services de l’Etat », déplore Anne Sattonnet, vice-présidente du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Et de poursuivre : « Que les politiques de mise en place des grandes structures sanitaires, que les grands équipements publics relèvent d’une agence régionale qui déciderait qu’il y a besoin de tel équipement dans tel secteur des Alpes-Maritimes ou des Bouches-du-Rhône, pourquoi pas. Mais que le médico-social soit confié aux ARS est un vrai frein aux avancées que nous pourrions faire. Il faut une clarification des compétences. » « Les départements sont beaucoup plus armés pour aller chercher la dynamique territoriale, la repérer et l’accompagner », juge pour sa part Laurence Alidor, directrice des solidarités départementales du Lot. En guise de conclusion, Olivier Richefou, président du conseil départemental de la Mayenne, s’interroge : « Pensez-vous que cela soit normal que ce soit un maire qui préside le conseil d’administration d’un Ehpad ? Je ne le crois pas. C’est à un conseiller départemental de le présider. Il faut donc que l’on puisse réformer cette façon de fonctionner. Donc, de grâce, donnez-nous de la liberté ! » Reste à savoir si la future loi accordera cette liberté aux départements. Le problème c’est que celle-ci se fait attendre et que rien ne fuite sur ce dossier. Ce qui est loin de rassurer les acteurs du secteur…

Notes

(1) Voir ASH n° 3132 du 01-11-19, p. 22.

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