Le monde de l’entreprise bouge. Et la qualité de vie au travail (QVT) ne cesse de démontrer son caractère indispensable pour qu’un salarié puisse travailler dans les meilleures conditions. « Il ne s’agit pas d’une approche cosmétique, mais d’une démarche systémique qui renvoie essentiellement à la question de l’organisation du travail et du management », annonce Marion Brancourt, conseillère technique du Creai de Bretagne, lors de l’ouverture de la journée d’étude consacrée à ce sujet le 3 décembre dernier. Si la prise de conscience des pouvoirs publics en matière de QVT est encore fraîche, elle constitue, selon Marion Brancourt, « un peu [l’]ADN » des Esat. Leur vocation ? Offrir des conditions de travail qui conjuguent qualité du travail, qualité de la production et qualité de l’accompagnement des travailleurs. Malgré cela, « il arrive qu’ils reproduisent des modalités de construction qui sont singulièrement pyramidales et écrasantes », constate Alice Casagrande, présidente de la Commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables. « Avant même de vous demander si vos collaborateurs trouvent un sens à ce qu’ils font, commencez par vous interroger sur votre perception du travail, recommande-t-elle en alpaguant le public. Il y a une solidarité complète entre le sentiment de fierté professionnelle et la qualité de vie au travail. »
En milieu protégé, comme hors de l’Esat, des questions – telles que « Ai-je le pouvoir d’agir en termes de rythme ? », « Ai-je les bons outils pour travailler ? », « Mon travail a-t-il une utilité ? », « Ai-je des objectifs clairs ? » – sont centrales pour permettre une insertion professionnelle réussie. Ce sont, en effet, 30 % et 40 % des personnes accueillies en Esat qui sont en contact quotidien avec le monde ordinaire. D’où l’importancte que le projet professionnel soit coconstruit et coporté par l’entreprise et le travailleur. « Pour ce que cela dure dans le temps, il faut que l’ouvrier soit motivé et qu’il ait l’occasion d’exprimer ses souhaits. De son côté, l’entreprise doit se montrer volontaire pour accompagner le salarié dans sa formation et la prise en compte de ses besoins. Ce qui suppose toute une série d’ajustements de la part de l’employeur », témoigne Nathalie Gouzien, encadrante soutien professionnel à l’Esatco de Guingamp (22).
Autre levier essentiel pour garantir la qualité de vie au travail : la capacité d’apprendre. « Il n’y a rien de mieux que d’encourager les changements de postes, de missions, voire d’établissements pour développer la richesse professionnelle. Et celle-ci passe par la désignation d’ambassadeurs “métier” », suggère Alice Casagrande. Une logique d’apprentissage qui ne se limite cependant pas aux seuls travailleurs. « Tout moniteur ou dirigeant d’Esat devrait régulièrement se poser la question de ce qu’il a appris par ses collaborateurs, poursuit-elle. On ne laisse pas les gens avoir des talents particuliers sans leur permettre de les exprimer. »
Dresser un état des lieux du secteur protégé et de ses enjeux. C’est l’objectif que s’est donné la mission conjointe de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’inspection générale de l’Education nationale (Igen), dont les résultats ont été rendus en octobre 2019. « Il faut le voir comme un rapport qui entend défendre le milieu protégé et une pérennisation de ce système et qui propose des solutions pour le maintenir », indiquait Quentin Jagorel, inspecteur des finances, lors de son intervention le 3 décembre à Pontivy. Cette mission a permis de lister une série de recommandations, « un point de départ à une concertation élargie », selon l’auteur, visant notamment à renforcer les droits des travailleurs, sécuriser les travailleurs handicapés sortant en milieu ordinaire ou encore soutenir les entreprises qui s’engagent dans une démarche inclusive et envisager une remise à plat de la tarification des Esat afin de corréler les financements et l’intensité de l’accompagnement mis en œuvre.
Rapport consultable sur https://bit.ly/347X9dy.