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Une fille sérieuse

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J’étais en vadrouille la semaine dernière. Quelques jours à Paris, et un programme bien chargé : salon, conférence, colloque… Tout était soigneusement noté dans mon petit agenda violet.

J’avais chaussé mes plus belles chaussures dorées et je courais partout… (Oui, j’ai des chaussures dorées et un sac fleuri avec des badges féministes, et alors ?)

Un train, un métro, un peu de marche à pied, une formation, un tramway, un salon, un métro, un dîner improvisé, un métro, un dodo, et c’est reparti !

J’en ai pris plein les yeux.

La Silverexpo. Plein de stands, plein de conférences, plein de livres. Plein d’idées pour faire bien et mieux. Alimentation, habitat, services, loisirs… Tout, tout, tout pour une vieillesse heureuse et épanouie ! Des sourires partout, on est tous tellement contents d’être là, entre gens du secteur, entre nous… Je rencontre des gens, j’écoute une conférence, je me fais dédicacer un livre… Et puis, soudain, ma pensée s’échappe, loin de ce salon parisien. L’accompagnement des plus âgés, l’aide aux aidants, ce ne sont pas que des jolies brochures. Ce sont des amis, des proches, des histoires, des vies. Ce sont des corps, des rides, des fluides, des larmes, des deuils, des selles… (Oui, des selles. C’était la minute glamour, ne me remerciez pas.)

Moi, je pense à tout ça, et mon esprit divague, loin de Paris, loin de ce salon, loin de ces jolis stands tenus par des gens souriants qui me vendent du bonheur et du rêve. Et j’ai envie de leur raconter les larmes et le reste…

Mais je suis une fille sérieuse, je sais me tenir…

On enchaîne. Une conférence sur la place des femmes dans les métiers du soin. Rien de nouveau sous le soleil, les femmes sont très largement majoritaires, autant chez les aidants (60 %) que chez les soignants (85 %). Ça discute poliment et posément. Une directrice générale, un sociologue, une manager, une sénatrice… Je suis sagement assise, je prends quelques notes, quand soudain…

« Comment peut-on faire pour mieux valoriser tous ces métiers et pour qu’il y ait plus de mixité ? », demande ingénument le sociologue.

« En les payant bien ! En mettant des salaires qui soient des salaires décents ! », répond la sénatrice du tac au tac.

Et paf ! Ça, c’est dit. Simple. Limpide. Efficace. J’avoue, j’ai envie de bondir de ma chaise en hurlant : « Ouaiiiiis, vas-y Laurence, on est tous avec toi ! »

Mais je suis une fille sérieuse, je sais me tenir…

On enchaîne. Colloque au ministère de la Santé sur la qualité de vie au travail, QVT pour les intimes. Ça parle d’expériences, de projets, d’applications. Ça parle de plein de choses gratifiantes élaborées par plein de gens gratifiés… J’écoute assidûment. Et puis ce témoignage, glaçant. Un directeur d’hôpital, qui nous raconte les résultats d’une enquête QVT, avec un gros pourcentage de satisfaction… Enquête suivie du suicide d’une interne trois semaines plus tard. La vraie réalité. La vraie vie d’une jeune femme qui s’arrête brutalement, parce que la QVT, c’est bien joli sur le papier, mais en vrai ça donne quoi ? En vrai, ce sont des ateliers de sophrologie proposés à des internes qui font déjà 50 heures par semaine… Et on s’étonne qu’ils n’y viennent pas… Onde de choc, envie de pleurer.

Mais je suis une fille sérieuse, je sais me tenir…

Vous savez quoi ? Parfois j’en ai marre d’être une fille sérieuse.

La minute de Flo

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