En France, 8,3 millions de personnes de 16 ans ou plus aident à domicile de façon régulière une ou plusieurs personnes de leur entourage pour des raisons de santé, en perte d’autonomie ou en situation de handicap (soit près d’une personne sur six de cette classe d’âge). Et ils ne sont pas les seuls. Ce schéma se répète partout dans le monde. Ainsi, 15,6 % des citoyens de l’Union européenne sont des aidants, tout comme près d’un Canadien sur quatre et d’un Américain sur cinq. Au total, 647 millions de personnes en âge de travailler, dont 606 millions de femmes, sont, comme les appelle l’Organisation mondiale du travail, « des prestataires de soins à autrui non rémunérés ». Mais comment les autres pays appréhendent-ils cette question des aidants, et y a-t-il de quoi s’inspirer chez nos voisins ?
« La situation des aidants à l’étranger est assez superposable à la nôtre, assure la docteure Hélène Rossinot, auteure de Aidants, ces invisibles, lors de la conférence de clôture du Salon des services à la personne et de l’emploi à domicile, le 27 novembre à Paris. La preuve, pour écrire mon livre, j’ai recueilli des témoignages aux quatre coins du monde. A la fin, ils étaient tellement proches les uns des autres que je n’étais plus certaine du pays d’origine des témoignages. Entre celui de l’association des aidants sénégalais, de ceux venus des Etats-Unis, de Taïwan ou d’Australie, c’était quasiment mot pour mot les mêmes. » Et de prendre l’exemple particulier de Taïwan, où il existe des centres de ressources pour aidants. A l’heure actuelle, il y en a 83 pour 23 millions d’habitants. « Il s’agit d’une sorte de guichet unique vers lequel tous les aidants vont être redirigés par les professionnels de santé ou par les professionnels du social, sans distinction de mal-être ou non », explique Hélène Rossinot.
Concrètement, au sein de ces sites spécifiquement dédiés aux aidants, huit différents types de services sont mis en place par l’Etat en partenariat avec l’Association taïwanaise des aidants familiaux. Dès qu’un aidant se rend sur place, il rencontre un case manager, qui évalue ses besoins et lui fournit un plan personnalisé de prise en charge. « Selon la situation, ce plan peut être constitué de soutien psychologique, d’éducation thérapeutique, de formation théorique et/ou pratique, de médiation familiale… », renseigne encore cette spécialiste de santé publique. Et d’ajouter : « En France, avoir un point de référence comme ces centres de ressources aurait une certaine utilité. En effet, un aidant, qu’il soit à Paris, Nice, Lille ou Nancy, ou selon son âge et sa pathologie, n’a pas le même interlocuteur. C’est extrêmement compliqué. L’idée d’avoir un seul centre qui coordonne tout et redirige vers tous les autres acteurs est donc particulièrement intéressante. »
Lors de cette même conférence de clôture, Christophe Capuano, maître de conférences habilité en histoire contemporaine et auteur de Que faire de nos vieux ? Une histoire de la protection sociale de 1880 à nos jours, a pour sa part pris en exemple les pays scandinaves, et plus particulièrement la Suède, où les aidants sont officiellement reconnus et bénéficient d’un congé rémunéré. « Là-bas, les aidants sont considérés comme des pivots générationnels, à savoir des personnes qui prennent en charge à la fois leurs enfants et leurs parents, affirme-t-il. Concrètement, on est sur un autre modèle de famille. Celle-ci est envisagée dans tout son spectre générationnel, vis-à-vis des descendants comme des ascendants. L’accompagnement est complet : l’aide aux aidants est autant destinée à celui qui s’occupe de son enfant que de son parent vieillissant. » Et cela consiste en la mise en place de dispositifs de soutien, de prestations, d’allocations ayant pour but d’aider à articuler au mieux l’activité d’aidant et le travail professionnel. Les aidants sont par ailleurs incités à recourir à des consultations médicales pour surveiller leur état de santé. « L’accent est mis sur la qualité des services proposés, sur leur professionnalisme. On ne peut pas parler des aidants familiaux sans parler des services professionnels, estime Christophe Capunao. C’est la clé pour soulager les aidants familiaux. » Et d’assurer : « Je pense que la voie proposée par les pays scandinaves est la voie à suivre. »