La France fait face à un défi majeur : le vieillissement de sa population. Selon l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), 22,3 millions de personnes seront âgées de 60 ans ou plus en 2050, contre 12,6 millions en 2005, soit une hausse de 80 % en 45 ans. Ainsi, à l’horizon 2050, un habitant sur trois en France sera âgé de 60 ans et plus ; contre un habitant sur cinq en 2005. Ce vieillissement de la population aura inexorablement des conséquences sur la société, et plus particulièrement sur la place des personnes âgées dans notre modèle social. Dans un tel contexte, en effet, la part du nombre de personnes âgées dépendantes va nécessairement augmenter. Des besoins importants vont se faire sentir à l’avenir, que ce soit en matière de soins de longue durée, de services aux personnes âgées, de maisons de retraite médicalisées… C’est pourquoi, face à ces enjeux, le département de la Mayenne a décidé d’agir dès à présent. D’autant plus que celui-ci présente une population plus âgée et plus vieillissante que la moyenne. Ainsi, la part des plus de 75 ans dans la population est de 11 %, contre 9,5 % à l’échelle des Pays de la Loire et 9,2 % à l’échelle nationale. De plus, à l’horizon 2040, cette population devrait représenter 16,5 % de la population totale, contre 14,5 % au niveau national. Bref, il y a urgence. D’où l’adoption, le 29 avril dernier, du plan May’Aînés, par le conseil départemental.
Concrètement, ce plan s’articule autour de 12 mesures fortes qui visent avant tout « à permettre aux personnes de mettre en œuvre leur projet de vie en vue de se maintenir, le plus longtemps possible, en autonomie et à domicile ». Département rural de 310 000 habitants, la Mayenne est caractérisée par son importante offre d’Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), comme l’explique Olivier Richefou, le président (UDI) du conseil départemental. « Nous sommes le huitième département de France par le nombre de places en Ehpad ramené à la population des personnes de plus de 75 ans. Malheureusement, nous avons aussi pour culture d’orienter les personnes âgées vers les établissements plutôt que de les maintenir le plus longtemps possible à domicile. Or nous voyons bien qu’aujourd’hui ce n’est pas la solution. Il faut davantage équilibrer les choses. » Ce qui est l’un des objectifs premiers du plan May’aînés.
Fruit d’une large concertation (« il a fallu deux ans pour l’élaborer et le valider » ), ce plan doit en effet soutenir le développement d’offres d’accueil visant à favoriser le maintien à domicile. Par exemple, la mesure 1 consiste « à la mise en place d’une offre de logements adaptés à destination des personnes âgées avec un degré d’autonomie moyen ou des personnes fragiles et/ou isolées à risque de perte d’autonomie ». Pour un budget global de 3 millions d’euros sur trois ans, cette mesure doit permettre de créer 150 logements neufs et d’en rénover 150 autres.
Preuve que le département entend mettre les bouchées doubles sur les problématiques du maintien à domicile, Olivier Richefou souligne que la Mayenne a répondu favorablement à l’appel à candidatures concernant l’expérimentation de la réforme de la tarification des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad)(1). Concrètement, alors que depuis 2013 le tarif de référence est fixé à 19,50 € de l’heure pour les Saad, au 1er janvier 2020, le département va revaloriser ce tarif à 21 € et 24 € les dimanches et jours fériés. « Cette hausse, de l’ordre de 8 %, est celle préconisée par le rapport “Libault”. Elle doit être de nature à permettre une amélioration de la qualité d’intervention pour les professionnels et les personnes accompagnées, estime le président du conseil départemental.In fine, cette revalorisation doit permettre à la fois de diminuer le reste à charge des bénéficiaires et d’améliorer la situation. »
Mais le plan May’Aînés ne concerne pas que le domicile. L’accent va aussi être mis sur les établissements, notamment sur leur modernisation. Le département entend « soutenir les opérations de restructuration, de création, d’extension et de mise aux normes des établissements médico-sociaux avec un plan d’aide à l’investissement » (mesure 8). « Pour cela, nous allons augmenter notre niveau de subventions lorsqu’il y a des travaux structurants dans les Ehpad, assure Olivier Richefou. Habituellement, nous subventionnons à hauteur de 7,5 % les travaux, nous avons décidé de doubler cette enveloppe (15 %, donc), voire de la tripler lorsqu’une partie des locaux sert à accueillir des personnes âgées en situation de handicap. » Concrètement, alors qu’il y a un peu plus de 60 Ehpad dans le département, le plan a pour objectif à la fois de rénover et restructurer les établissements existants et de construire de nouveaux bâtiments lorsque certaines structures sont trop anciennes.
Le plan May’Aînés va aussi permettre de faire évoluer la politique tarifaire des Ehpad (mesure 10). Alors que les tarifs d’hébergement en établissements n’ont pas évolué depuis 2014, des « marges de manœuvre » vont être données aux structures afin qu’elles puissent revaloriser leur prix de journée, mais de manière étroitement surveillée. « Ce dégel va permettre aux Ehpad de faire un peu de réserves pour qu’ils puissent, entre autres, financer les travaux de modernisation, observe Olivier Richefou. Cependant, nous allons faire en sorte qu’ils restent dans des budgets autour de 60 € la journée, soit 1 800 € par mois, alors que la moyenne des retraites en Mayenne est de 1 250 € par mois. »
Ces 12 mesures ont un coût pour le département. Et pas des moindres. Concrètement, sur la période 2019-2021 (jusqu’à la fin du mandat), le département va engager 8 millions d’euros en investissements et 1 million d’euros de fonctionnement (ce montant correspond à la hausse du tarif de référence dans le domicile). « Au final, ramené à la taille de notre département, c’est comme si, en France, nous avions voté un plan de 1,6 milliard d’euros, certifie le président du conseil départemental. Il s’agit donc d’un effort très significatif ramené à la taille de notre population. »
A noter, enfin, qu’un certain nombre de mesures ont déjà commencé à être mises en œuvre. C’est le cas notamment de la mesure 4, qui vise à améliorer la communication entre le département et les Saad. Alors que les échanges se font encore régulièrement par voie postale, le plan May’Aînés prévoit de financer des passerelles informatiques entre les structures afin « d’améliorer la réactivité de chaque partie dans la transmission d’informations permettant d’alléger les démarches des bénéficiaires ». Autre mesure déjà prise en compte par le conseil départemental : le financement d’un véhicule par intercommunalité (mesure 3). « Afin que les personnes ne soient pas totalement isolées, nous avons financé l’acquisition d’un véhicule électrique par communauté de communes. Celui-ci est mis gratuitement à la disposition des acteurs du maintien à domicile. Cela leur permet de mieux organiser les sorties de personnes à domicile », renseigne Olivier Richefou. Autant de mesures qui, comme l’espère le président du conseil départemental, vont permettre à la Mayenne « d’être toujours plus forte face aux défis de demain ».
Ce que doit changer la future loi.
Interrogé en marge de la présentation du plan May’Aînés, Olivier Richefou, président du conseil départemental de la Mayenne, a fait part de ses attentes à l’égard de la future loi « grand âge et autonomie ». « Selon moi, cette loi doit permettre une chose : la simplification dans la gestion des relations entre les ARS [agences régionales de santé] et les départements. Je suis volontaire pour expérimenter le fait, comme l’indique le rapport “Libault, que l’ARS puisse, dans certaines circonstances, déléguer certains crédits pour les Ehpad à un conseil départemental. Cela permettrait d’avoir un pilotage unique. Ce qui n’empêcherait pas l’ARS d’être le garant de la bonne exécution et du bon suivi de la mise en œuvre de la politique publique. La Mayenne se portera donc candidate à une telle expérimentation si la loi reprend cette proposition du rapport “Libault”. »