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« Si on obtient la condamnation de ces sites, ils renaissent de leurs cendres »

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Jean-Marc Droguet, commissaire divisionnaire et patron de l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), revient sur les différents impacts des nouvelles technologies sur la prostitution, notamment sur celle des mineurs.

En France, le « proxénétisme des cités », qui touche en majorité des jeunes filles mineures, s’est aussi développé grâce aux nouvelles applications Internet. Comme le note l’étude de l’observatoire des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis, publiée le 12 novembre, les réseaux sociaux (Snapchat, Instagram, Facebook, Tik Tok) représentent 50 % des lieux d’approche des clients de prostitution. « La moitié des victimes identifiées en 2018 en proxénétisme franco-français dit “de cité” était des mineurs. Il y a urgence avant que ce phénomène ne s’amplifie », alerte Jean-Marc Droguet, commissaire divisionnaire et directeur de l’OCRTEH. Les prostituées sont recrutées sur Internet, les rendez-vous pris via WhatsApp ou par SMS et les passes se déroulent dans des appartements Airbnb ou des chambres d’hôtel. En 2018, la justice a été saisie de plus de 120 affaires de ce type, contre une vingtaine en 2015. Plus de la moitié des jeunes filles concernées étaient mineures, tout comme 15 % des proxénètes. « Ce phénomène est particulièrement inquiétant en France et il est unique en Europe, il n’y a pas de proxénétisme émergent infranational dans les autres pays européens. Une des raisons de ce développement est l’importance des profits générés », explique le commissaire divisionnaire.

Des sites difficiles à mettre en cause

Le patron de l’OCRTEH assiste à une utilisation massive des nouvelles technologies dans toutes les strates de l’organisation de l’exploitation sexuelle. L’utilisation de Snapchat et celle des réseaux sociaux sont autant de vecteurs qui sont aujourd’hui utilisés pour tenter de recruter. « Ce qui est un phénomène que l’on ne connaissait pas il y a deux ans. » Les réseaux chinois ont eux aussi recours à ces applications pour proposer une logistique pour encadrer l’exploitation sexuelle. L’utilisation des nouvelles technologies est également présente dans le cas de l’exploitation à travers les sites faisant état de la publicité et de l’offre prostitutionnelle. Selon Jean-Marc Droguet : « Personne n’est dupe, des sites tels que Vivastreet offrent de la prostitution, et dans le lot il y a potentiellement des victimes mineures. Le souci est que ces annonceurs se cachent derrière des annonces qui ne sont pas explicites. Le parquet de Paris qui a été saisi de la plainte contre le site Vivastreet reconnaît qu’il est alors difficile de mettre en cause ces sites Internet. »

Si la loi est plus explicite, en cas de suspicion, il sera possible de les poursuivre. Mais ces procédures sont relativement longues car ces sites sont basés à l’étranger, il faut obtenir préalablement un certain nombre d’informations. Si on obtient la condamnation de ces sites, ils renaissent de leurs cendres.

« Le système abolitionniste fonctionne »

La lutte contre ce phénomène est compliquée et il faut trouver un angle d’attaque efficace sachant que nos voisins européens n’ont pas de législation permettant de poursuivre ces sites d’offres prostitutionnelles. Jean-Marc Droguet fait état également de l’utilisation de systèmes de plus en plus complexe de communication entre les victimes et les gestionnaires de ces trafics. « Nos enquêtes reposent sur les surveillances techniques pour amasser des preuves d’une exploitation sexuelle. Ces systèmes de messagerie cryptée ou des messageries éphémères du type Snapchat sont donc des obstacles pour matérialiser les formes d’exploitation et mettre ces éléments à la disposition de la justice », reconnaît-il. « Internet et les nouvelles technologies sont également utilisées pour le blanchiment de fonds avec le transfert de compte à compte. Aujourd’hui, le dispositif législatif en France donne toutes les latitudes et il est adapté. Le système abolitionniste fonctionne. Le problème reste celui des moyens face à la multiplication, l’évolution des réseaux par l’utilisation des nouvelles technologies, sa complexité qui accroît le temps d’investigation. Pour être efficace, il faut pouvoir agir sur tous les pans de cette activité criminelle », conclut Jean-Marc Droguet.

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