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Quand le travail devient la voie du rétablissement

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Lors d’une journée nationale intitulée « 2050, ensemble dans une société inclusive », qui s’est tenue le 7 novembre, à Paris, l’association lyonnaise Messidor a mis à l’honneur des dispositifs innovants pour faciliter l’inclusion par le travail des personnes handicapées psychiques.
L’Esat de transition, un modèle à répliquer

Les établissements et services par le travail (Esat) de transition sont trop peu nombreux en France. L’association Messidor a développé un concept de franchise sociale pour essaimer ce modèle de dispositif d’aide à la réinsertion professionnelle des personnes souffrant de troubles psychiques.

Inès de Pierrefeu, docteure en psychologie clinique a consacré sa thèse aux Esat de transition comme voie de rétablissement pour les personnes en situation de handicap psychique. « L’emploi accompagné dans le cadre des Esat de transition est une pratique hybride, puisqu’il s’agit d’un contrat de travail en milieu protégé mais qui vise le milieu ordinaire avec des encadrants et des conditions de travail volontairement proches du milieu ordinaire. On sait d’après la littérature scientifique que deux dimensions sont importantes pour favoriser l’insertion en milieu ordinaire : le fait de développer chez la personne un sentiment d’efficacité personnelle et développer de l’estime de soi », explique-t-elle.

Valoriser la personne

La psychologue clinique indique qu’en confrontant les personnes à des contextes de travail parfois difficiles cela peut générer des prises de conscience de leurs capacités. « Un processus de rétablissement commence par quitter l’identité de malade pour investir une identité plus valorisante », ajoute-t-elle. Il faut toutefois qu’elles disposent d’un soutien resserré. C’est le cas dans les Esat de transition où l’accompagnement est fait en binôme avec un responsable de production et un conseiller d’insertion.

« Depuis cinq ans, aucune place n’est créée en Esat. Sur les 1 400 existants, très peu sont consacrés au handicap psychique, et pourtant reconnus par la loi “handicap” de 2005, et encore moins sont orientés vers le milieu ordinaire. Pourtant, 60 % des nouvelles demandes vers les maisons départementales des personnes handicapées [MDPH] concernent le handicap psychique, parmi lesquelles un certain nombre peuvent prétendre à travailler. Les Esat dédiés au handicap mental créés dans les années 1975-1980 vont se vider du fait du vieillissement de la population. Pour remplir ces places, les gestionnaires s’interrogent sur une offre pour personnes handicapées plurielles : psychiques, dys, atteintes d’autisme… Parallèlement, les effets de la loi sur la scolarisation des enfants handicapés commencent à avoir un impact sur le mode d’emploi de ces jeunes qui préfèrent le milieu ordinaire à la filière IME/Impro, incitant les gestionnaires à adapter leur offre », Thierry Brun, directeur général de Messidor. « L’intégration sociale des personnes handicapées psychiques par le travail a fait la preuve de son efficacité. Aujourd’hui, il est temps de changer d’échelle et de multiplier ce modèle vertueux en favorisant la création d’Esat de transition sur le territoire », estime-t-il.

L’association Messidor a décidé d’essaimer la méthodologie en proposant de transmettre son savoir-faire aux associations gestionnaires d’Esat qui le souhaitent. L’objectif à long terme est que sur chaque département français il soit redéployé 50 places d’Esat, et créé un « Esat de transition modèle Messidor » pour les personnes handicapées psychiques. Aujourd’hui, quatre structures sont inscrites dans la démarche de « franchise sociale » : la fondation Delta Plus à Limoges, l’Adapei 79 à Niort, l’Adapei Corrèze à Malemort et Espoir 73-Satrec à la Ravoire. En 2018, la démarche de franchise sociale de l’association a été lauréate du concours Pionnier French Impact, un programme porté par le ministère de la Transition écologique et solidaire pour soutenir des initiatives intéressantes pour la société et reproductibles.

L’emploi accompagné : d’une logique d’assistanat à une logique de partenariat

L’article 52 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels entend donner une impulsion à l’emploi accompagné. Bernard Pachoud, psychiatre, professeur de psychopathologie à l’université Paris-Diderot détaille le changement de logique induit par cette pratique : « Le job coaching – ou emploi accompagné – s’appuie sur le modèle IPS (Individual Placement Support), programme “d’insertion dans l’emploi et de soutien individualisé” qui s’est imposé comme modèle de référence pour le champ de la santé mentale. Ce dispositif a été longtemps mécompris car considéré comme une offre de service supplémentaire qui s’ajoute à ce qui existe déjà. Cette pratique est l’expression d’un renversement radical de stratégie dans le mode d’accompagnement vers l’emploi, elle est l’expression d’un changement de philosophie dans les pratiques sociales comme on l’observe dans d’autres pratiques telles que le “housing first”, le “le chez-soi d’abord” ou les pratiques orientées vers le rétablissement. Ce changement de philosophie est indissociable du changement de regard sur les personnes en situation de handicap et surtout sur leurs potentiels ».

Un accompagnement sur-mesure

Traditionnellement, les ressources de soutien étaient allouées en amont de l’insertion pour préparer la personne. Désormais, ces ressources sont concentrées sur un accès rapide à l’emploi et déployées ensuite en aval pour s’attacher au maintien dans l’emploi. Traditionnellement, les interventions avaient lieu hors de l’entreprise dans des structures médico-sociales de formation. Désormais, les interventions ont lieu au sein même de l’entreprise pour veiller à la bonne insertion de la personne, faire des ajustements pour le maintien dans l’emploi et pour trouver des postes voire les concevoir répondant aux besoins de l’entreprise et aux capacités de la personne.

Traditionnellement une série d’experts procédaient à une évaluation de l’employabilité puis à l’orientation de la personne, à sa mise à niveau, à sa formation, à son adaptation, ce qui pouvait poser des difficultés de coordination entre l’ensemble de ces experts. Désormais, un petit nombre de personnes se consacre à un accompagnement sur-mesure, personnalisé, ajusté au projet de la personne et à ses besoins en garantissant la continuité et la réactivité de l’aide quand elle est nécessaire. Traditionnellement, les logiques de soutien étaient guidées par une logique descendante, top down, allant du savoir des experts, des décisions des prescripteurs, vers les personnes concernées. Désormais, il s’agit de respecter une logique ascendante, bottom up, qui part du projet singulier de chaque personne, de ses attentes, de ses capacités vers sa mise en œuvre. On passe donc d’une logique d’assistance et de réadaptation à une logique de partenariat avec la personne.

Traditionnellement, les interventions inscrivaient une logique de soins et de réadaptation et reposaient sur un savoir clinique, médical concernant le handicap psychique. Désormais, les interventions reposent moins sur un savoir que sur des valeurs au premier desquelles celles de la personne : ce qui lui importe, ses priorités, qui vont orienter ses choix, soutenir sa motivation, et garantir le sens de toutes les démarches entreprises. Traditionnellement, l’accent était mis sur la rémission, la stabilisation symptomatique comme conditions de l’accès à l’emploi. Désormais l’accent est mis sur le fait que l’engagement dans une activité de travail, une intégration dans l’entreprise sont des facteurs de stabilisation et de rétablissement et sont possibles si l’accompagnement et la coordination du soutien sont de qualité. L’accès à l’emploi n’est donc plus une option réservée à la minorité de personnes en situation de rémission clinique complexe, mais il est désormais une priorité pour toutes les personnes qui souhaitent travailler en tant que moyen privilégié de rétablissement.

Traditionnellement, le but était de réadapter la personne aux exigences de la société, en l’occurrence de l’entreprise et de l’aider à trouver parmi des places prédéfinies, celles qui pourraient lui convenir. Désormais, le but est d’accompagner et de soutenir la personne dans l’intention de formes de vie qui lui conviennent et d’aider la société, l’entreprise à accueillir cette différence et à s’enrichir de cette diversité.

De très nombreuses recherches internationales montrent que ces nouvelles pratiques sont efficaces puisque le taux de retour à l’emploi est de l’ordre de 50 % au bout de 6 à 12 mois. Messidor a été l’une des premières associations à mettre en œuvre l’emploi accompagné, en 2012-2013 en Haute-Savoie. Aujourd’hui, elle déploie dans tous les départements des dispositifs d’emploi accompagné avec des résultats conformes aux standards internationaux en termes d’accès à l’emploi.

Les chiffres Messidor 2018

En 2018, 2 990 entreprises ont travaillé avec Messidor. Parmi elles, nombreuses sont celles qui ont accueilli des personnes handicapées psychiques en mise à disposition.

• 238 contrats de travail ont été signés avec des entreprises.

• 17 personnes ont été insérées sur le marché de l’emploi via l’emploi accompagné et 125 personnes ont obtenu un contrat (CDD ou CDI) par le biais du job coaching.

• 1 277 personnes ont été accompagnées dont 750 en ESAT et 230 en entreprise adaptée et 297 via l’emploi accompagné/job coaching. Parmi elles, 586 personnes ont été formées, ce qui représente plus de 11 749 heures de formation dispensées.

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