Pour lutter contre les violences conjugales, trente nouvelles mesures ont été annoncées le 25 novembre dernier par le Premier ministre alors que, depuis le début de l’année, 138 féminicides ont été perpétrés. Ce plan, présenté à l’occasion de la clôture du Grenelle sur les violences conjugales, s’articule autour de trois axes : la prévention des violences, la protection des victimes et le suivi et la prise en charge des auteurs de violences.
Le Premier ministre n’y est pas allé par quatre chemins en indiquant vouloir supprimer les « absurdités juridiques ». Edouard Philippe a ainsi annoncé la fin de l’obligation alimentaire figurant dans le code civil, qui contraint les enfants à subvenir aux besoins de leurs parents, donc de leur père, y compris quand celui-ci a assassiné leur mère. La médiation familiale, proposée comme alternative à des poursuites dans le pénal ou à une décision du juge des affaires familiales en cas de séparation, va être interdite dans le cas de violences conjugales. Parallèlement à cela, une nouvelle circonstance aggravante va être créer pour les auteurs de violences dans le cas de harcèlement ayant conduit au suicide ou à une tentative de suicide. La peine encourue sera de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende. Par ailleurs, la notion « d’emprise » va être inscrite dans le code civil et le code pénal. Pour le Premier ministre, le fait de l’intégrer dans la loi est un signe pour dire aux femmes : « Vous n’êtes pas à l’origine de ce qui vous arrive. Vous en êtes les victimes. » Des avancées sur le volet juridique qui n’appelle aucune contestation.
La plainte est un moment difficile pour les victimes, cela leur prend souvent plusieurs années avant qu’elles puissent pousser la porte d’un commissariat, la peur ou encore le phénomène d’emprise de leur agresseur l’expliquent en partie. Il est donc important de bien les accueillir le moment venu alors que de nombreux témoignages font état de refus de prise de plainte. 80 postes supplémentaires d’intervenants sociaux vont ainsi être créer d’ici 2021 dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Ils ne sont que 271 à l’heure actuelle alors qu’ils sont un maillon essentiel. Les agents des forces de l’ordre vont également être formés durant le premier semestre 2020 à un nouvel outil. Il s’agit d’une grille d’évaluation du danger, élaborée afin qu’ils puissent appréhender avec précision les risques encourus et proposer une protection et un accompagnement adapté.
Concernant la prise en charge médico-sociale renforcée, des structures dédiées à la prise en charge sanitaire, psychologique et sociale des victimes vont être financées. Pour se faire, une enquête auprès des agences régionales de santé a été lancée au second semestre 2019 pour recenser les structures existantes, elles seront pérennisées et d’autres seront créer.
Un volet souvent oublié et pourtant important, ce plan de lutte contre les violences conjugales s’intéresse au suivi et à la prise en charge des auteurs de violence pour lutter contre la récidive. Un appel à projet va notamment être lancé en 2020 afin de mettre en place deux centres de suivi et de prise en charge des auteurs par région. Ces centres permettront d’assurer un suivi psychologique et psychiatrique. Des structures de ce type existent déjà et leurs résultats en termes de prévention de la récidive sont significatifs.
La question des moyens a été abordée par le Premier ministre, qui a annoncé qu’un milliard d’euros serait consacré à l’égalité entre les hommes et les femmes en 2020, mais seulement 360 millions seront dédiés à la lutte contre les violences conjugales. A la déclaration d’Edouard Philippe « les financements sont là. Ils sont massifs […] il ne manque pas d’argent », les associations répondent que le compte n’y est pas. Pour la Fédération des acteurs solidaires (voir interview), ce plan ne prend pas assez en compte le volet accompagnement des victimes alors qu’il est essentiel dans leur prise en charge pour se reconstruire.