Recevoir la newsletter

Baluchonnage : « aucune enveloppe budgétaire n’est prévue »

Article réservé aux abonnés

L’Ehpad « Le Villâge des Aubépins » en Seine-Maritime, dirigé par Marie-Pascale Mongaux-Masse, met en œuvre depuis dix ans le baluchonnage. Concept venu du Québec, ce dispositif est en phase d’expérimentation jusqu’en 2021 à l’échelle nationale.
Qu’est-ce que le baluchonnage ?

Le baluchonnage est un dispositif de répit et d’accompagnement aidant-aidé à domicile dans lequel un intervenant professionnel unique, le baluchonneur, spécialement formé et accompagné, vient remplacer l’aidant au domicile de la personne dépendante, plusieurs jours d’affilée (trois au minimum), 24h/24. Cette présence constante permet d’associer à la fonction de répit pour l’aidant et d’accompagnement de la personne aidée, une mission d’accompagnement et de formation de l’aidant, ce qui permet de soutenir sur le long terme la qualité de la relation aidant-aidé et le choix du maintien à domicile. Le baluchonnage est un service qui vient s’inscrire dans la palette des autres services de répit (hébergement temporaire, accueil de jour, plateformes de répit…). C’est du répit de longue durée qui correspond aux personnes ne souhaitant pas mettre leur proche dans un hébergement.

Comment cela se passe en pratique ?

Il y a trois temps dans le baluchonnage. Tout d’abord, une première visite au domicile de l’aidant avec son malade. Par la suite, un premier point est fait avec l’aidant. L’objectif est de connaître quelles sont ses difficultés dans la prise en charge au quotidien. Par exemple, un aidant peut indiquer qu’il a du mal à faire la toilette parce que la personne s’y oppose catégoriquement. Cela permet de mieux cibler les demandes de l’aidant. Une fois ces renseignements obtenus, le baluchonneur décide d’accepter ou non. En effet, il a le libre choix de chacune des missions.

En cas d’acceptation, le baluchonnage débute. Une fois sur place, le baluchonneur, au-delà de permettre à l’aidant de se reposer, va aussi observer la période critique pointée en amont. Il va essayer de trouver des stratégies, des solutions pour que l’aidant ne soit plus en difficulté une fois son départ acté. Par exemple, la difficulté à faire la toilette peut venir du fait que les personnes âgées ont parfois froid pendant la toilette et/ou n’aiment pas se déshabiller. Ce sont des moments inconfortables pour eux et du coup elles s’y opposent sans forcément être capables de l’exprimer. Parfois, il suffit donc de chauffer un peu plus la salle de bains ou de mettre la musique pendant la toilette pour que celle-ci soit mieux appréhendée.

Le baluchonneur peut donc conseiller l’aidant à ce niveau-là. Le but n’est pas de mettre l’aidant en difficulté ou de l’inférioriser mais bien de lui donner des pistes d’amélioration, des conseils. C’est le troisième temps, le post-baluchonnage, période au cours de laquelle le baluchonneur transmet un journal d’accompagnement à l’aidant. Ainsi, quand celui-ci va revenir, reposé, il pourra améliorer les situations qui lui posait problème. C’est un des aspects les plus importants du baluchonnage.

Il semble toutefois difficile d’évaluer l’impact réel du baluchonnage…

Je ne pense pas que ce soit absolument nécessaire d’avoir une étude prouvant le bon fonctionnement de ce dispositif. C’est en effet quasiment infaisable de mettre en place une étude qui prouvera les bienfaits de la prévention. Car celle-ci est toujours très difficile à évaluer après coup. Dans ce cas précis, évaluer simplement la satisfaction des bénéficiaires après coup me semble déjà suffisant. Un aidant qui vous dit qu’il a récupéré, qu’il est ressourcé et qu’il a appris des nouvelles méthodes d’accompagnement, c’est signe que le dispositif est bon. Faut-il en plus faire des études prospectives à dix ans ? Quel est l’intérêt de comparer ceux qui ont été pris en charge par le baluchonnage et ceux qui ne l’ont pas été ? Je n’en vois pas vraiment.

L’un des objectifs est donc de « professionnaliser » les aidants ?

Je ne pense pas que ce soit le bon terme à employer. Un aidant demeure quelqu’un qui a une vie active en parallèle. Toutefois, le baluchonnage permet d’acquérir des compétences spécifiques. L’objectif n’est pas de faire de l’aidant un professionnel mais de faire en sorte qu’il soit plus reposé, qu’il est pris du recul sur son rôle.

Concrètement, en quoi consiste l’expérimentation débutée en mai ?

Lancée par la DGCS, elle doit permettre d’évaluer la dérogation au droit du travail mise en place pour pratiquer cette suppléance des aidants. Cette expérimentation dure trois ans. Cette dérogation va permettre aux professionnels qui le souhaitent de pouvoir travailler deux jours au minimum d’affilée à domicile. L’évaluation portera sur l’impact de cette dérogation au droit du travail. Au bout des trois ans, décision sera prise de maintenir ou non cette dérogation.

Quel est le rôle de Baluchon France ?

Nous promouvons le modèle du baluchonnage venu du Québec. En ce sens, Baluchon France propose aux porteurs de projets qui veulent aller vers le baluchonnage de les former à cette notion. Nous leur donnons tous les outils pour y arriver. Précisément, nous proposons un soutien technique aux expérimentations et aux projets de baluchonnage, des formations spécialisées pour les porteurs de projets, des outils et méthodes inspirés directement du Québec. Nous assurons aussi un partage d’expériences et de bonnes pratiques, afin de renforcer la qualité et la durabilité de l’offre de baluchonnage en France.

Pourquoi ce concept a mis autant de temps à arriver en France ?

Concrètement, deux choses ont empêché de mettre en place le baluchonnage auparavant. Le droit du travail, à savoir l’impossibilité de travailler plusieurs jours de suite. Je comprends les organisations syndicales qui pouvaient être inquiètes que des salariés se sentent obligés de travailler plusieurs jours d’affilée sans avoir nécessairement la possibilité de refuser. C’est pour cela qu’il fallait apporter un certain nombre de garanties, que l’on retrouve dans l’expérimentation. Quand on déroge au droit du travail, il faut mettre en place un certain nombre de garde-fous pour que la santé des salariés soit garantie.

Il devait y avoir aussi une problématique de financements ?

Effectivement, et c’est le second point, cela a un coût. Or, cette question est rarement soulevée. La preuve, même l’expérimentation lancée par la DGCS ne prévoit pas de financement. C’est-à-dire que chaque structure souhaitant expérimenter le baluchonnage doit se débrouiller pour trouver les financements. Nous espérions tous que des subventions, des aides ponctuelles soient distribuées. Ce n’est pas le cas. Dès lors, les services intéressés doivent essayer de faire entrer cette expérimentation dans les dispositifs de droit commun. Ce qui n’est pas si facile et ce qui peut avoir pour conséquence d’empêcher la mise en place de l’expérimentation.

Concrètement, cela veut dire que les 51 structures qui se sont déjà portées candidates vont pouvoir mener l’expérimentation mais aucun moyen financier ne leur sera alloué. C’est à eux de trouver ce financement. Aucune enveloppe budgétaire n’est prévue, c’est à chacun de construire son modèle financier. Le financement est bien le nerf de la guerre. En effet, si nous n’avons pas des crédits pérennes et que tous les ans il faut aller chercher un financement à droite, à gauche, l’expérimentation, l’innovation s’essoufflent.

Qu’espérez-vous à la fin de l’expérimentation ?

Il faut espérer que les expérimentations, même si elles peinent un peu sur les modalités de financement, vont permettre de faciliter la dérogation au droit du travail tout en garantissant la sécurité des professionnels. La seconde phase sera de savoir comment financer ces formes de répit de longue durée. Et sur ce sujet nous allons continuer à faire du lobbying. Ces formes de répit de longue durée doivent être financées de façon à ce que ce soit accessible à toutes les personnes.

Enfin, que pensez-vous du plan pour les aidants, récemment dévoilé par le gouvernement ?

Quand on prend les grandes lignes de ce projet, nous avons l’impression que le baluchonnage est en phase avec quasiment tous les axes, qu’il peut s’intégrer à la grande majorité des propositions faites. Toute la question est de savoir quels moyens vont être mis derrière pour porter ce plain aidants.

51 candidats sélectionnés

Dans un communiqué du 29 mai, le ministère des Solidarités et de la Santé a annoncé que « 51 candidats ont été sélectionnés pour expérimenter des dérogations au droit du travail dans le cadre de la mise en œuvre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant (baluchonnage) et de séjours de répit aidants-aidés ». Et ce jusqu’au 30 décembre 2021. L’expérimentation fera ensuite l’objet d’une évaluation appréciant notamment l’impact sur les aidants, sur les personnes aidées, mais aussi sur les professionnels concernés par les dérogations au droit du travail, en vue d’une éventuelle pérennisation du dispositif.

Focus interview

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur