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Quel rôle pour l’entreprise ?

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Pionnière en la matière, l’étude réalisée par le réseau européen « OneInThreeWomen », présentée le 14 novembre dernier, montre que les violences conjugales touchent les victimes jusque dans leur travail. L’occasion de rappeler le rôle proactif que les employeurs ont à jouer.

« Comment les violences conjugales impactent-elles le monde du travail ? » C’est la question que pose une étude réalisée par le réseau « OneInThreeWomen », dont les résultats ont été dévoilés le 14 novembre 2019. L’enquête, menée par quatre chercheuses auprès de six multinationales de six pays différents (France, Belgique, Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni), avait pour objectif de mesurer sur les salariés victimes et leurs collègues les effets en milieu professionnel des violences conjugales, afin, d’une part, de les associer aux coûts supportés par les entreprises et, d’autre part, de formuler des recommandations destinées à les limiter. Avec une difficulté supplémentaire, celle de surmonter cette logique de silence et de honte qui entretient une frontière tenace entre l’univers professionnel et les questions d’ordre privé. Un postulat balayé d’emblée par les auteures du rapport : « Au terme de l’enquête, deux salariés sur dix ont déclaré subir ou avoir subi des violences conjugales, avec des conséquences sur leur vie professionnelle. L’étude a ainsi permis de démontrer que les violences conjugales ne s’arrêtent pas aux portes du domicile. » Pour en arriver à de telles conclusions, les auteures se sont appuyées sur une analyse globale et anonymisée de 6 639 salariés. Si le nombre de cas déclarés s’est révélé considérablement inférieur aux résultats obtenus dans le cadre d’autres études, l’échantillon a tout de même permis de recueillir des informations précieuses sur les conséquences directes ou indirectes des violences conjugales, qui ont une résonance sourde dans le quotidien d’une entreprise.

Absentéisme, perte d’emploi…

Plus de la moitié (55 %) des répondants déclarent ainsi avoir été affectés dans leur travail d’au moins une des manières suivantes : retards, absentéisme, présentéisme (baisse de la productivité). Pour un quart des répondants, les retards ou les absences étaient dus au contrôle psychologique exercé par leur (ex-)partenaire, les menaces ou encore la confiscation des clés ou d’autres ressources nécessaires au travail, quelque 16 % des salariés avouant même avoir été victimes de violences conjugales jusque sur leur lieu de travail. En termes de santé, les conséquences peuvent également être dévastatrices. Parmi les signes évocateurs, les répondants citent des troubles émotionnels (11 %), des blessures physiques (9,5 %), mais aussi des changements au niveau de la performance et de la productivité (9,5 %), de l’isolement (8,1 %) et jusqu’à la perte d’un emploi (5 %).

Autre fait marquant : les effets de ces violences sur les collègues de travail. L’enquête révèle ainsi que deux répondants sur dix (environ 20 %) ont déclaré connaître un ou une collègue ayant subi des violences conjugales et que leur travail en est affecté indirectement. Entre autres formes de nuisances évoquées, les répondants citent l’inquiétude pour la victime, la réception d’appels provenant du conjoint violent ou l’apparition de tensions avec le ou la collègue. Des manifestations qui, comme le souligne le rapport, sont rarement prises en considération par leurs employeurs.

Des pistes pour soutenir les salariées

La prise de conscience du rôle que joue le travail pour prévenir les violences conjugales et pour soutenir les salariés qui en sont victimes est pourtant croissante en Europe. En témoigne l’adoption, en juin 2019, d’une nouvelle convention 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour éliminer la violence et le harcèlement au travail, dans laquelle une recommandation confie aux employeurs et aux gouvernements la responsabilité de prévenir et combattre toutes les formes de violence ou de harcèlement. Une poignée de multinationales participent déjà à des actions de sensibilisation au travail et à la mise en place d’outils de prévention à destination de leurs salariés. C’est notamment le cas de celles du réseau « OneInThreeWomen » au travers du projet CEASE, piloté en France par la Fondation agir contre l’exclusion (Face). Problème : déployer ces bonnes pratiques à plus grande échelle coûte cher. L’enjeu est pourtant de taille. Le coût économique estimé de ces violences sur les entreprises représenterait 228 milliards chaque année en Europe, soit 1,8 % du PIB – selon l’évaluation de la valeur ajoutée européenne (EVAE) de 2011 –, notamment en raison de la baisse de productivité et des coûts de rotation ou de substitution du personnel. Or, selon l’organisme européen contre les violences conjugales Wave en 2016, investir 10 % de ce total dans la prévention des violences suffirait à réduire de façon significative leur impact financier sur les entreprises. Sans compter les bénéfices réels pour les victimes.

Inverser cette tendance, certes, mais comment ? Le rapport liste à cet effet une série de recommandations, allant de la conception d’un guide pratique pour les actions de sensibilisation à la création d’un réseau de porte-parole au sein de chaque société, en passant par l’organisation de formations spécifiques ou encore par l’élaboration de programmes de soutien aux salariés concernés (assistance sociale, horaires de travail flexibles, plans de sécurité et de signalement aux services spécialisés). Le but : donner aux employeurs des pistes afin de leur permettre de jouer un rôle proactif dans la prévention des violences conjugales. Encore faut-il que ces derniers aient la volonté de s’en emparer pour faire bouger les lignes.

Notes

(1) Réseau cofondé par la Fondation agir contre l’exclusion (Face) et par Kering Foundation en 2018, qui réunit cinq entreprises partenaires (L’Oréal, Korian, BNP Paribas, Carrefour, Ouicare).

(2) Plus de 40 000 salariés ont participé au questionnaire en ligne sur la plateforme d’études Qualtrics de la Western University entre le 13 mai et le 22 juillet 2019. Parallèlement, un questionnaire en ligne a également été adressé aux responsables des ressources humaines, suivi d’entretiens.

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