« Il faut savoir que les droits de l’enfant commencent dès leur premier souffle, et pas seulement à l’adolescence, et qu’ils doivent être mis en œuvre », a rappelé le défenseur des droits, Jacques Toubon, lors de la remise de son rapport intitulé « Enfance et violence : la part des institutions publiques ». Présenté le 18 novembre, deux jours avant le 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide), celui-ci s’appuie sur les 3 000 réclamations reçues chaque année par le défenseur des droits. Des réclamations qui arrivent quand tous les autres recours sont épuisés et qui portent sur des actes visibles (brimades verbales ou physiques à l’école, contention des enfants en situation de handicap, maltraitance institutionnelle…) commis par des adultes ou entre enfants, mais également sur des agressions plus invisibles ou indirectes, telles que le harcèlement scolaire, qui touche un enfant sur dix, le cyberharcèlement, ou encore l’absence d’attention et de soins, le rejet, la souffrance.
Quelques chiffres illustrent le phénomène : 50 % des mineurs en établissement médico-social n’ont pas reçu de visite depuis plus de trois mois, 6 % des collégiens ne se sont pas rendus à l’école au moins une fois dans l’année par peur de la violence, 25 % ont eu des atteintes en ligne, un enfant handicapé a quatre fois plus de risques que les autres d’être agressé sexuellement, 70 % des enfants de l’aide sociale à l’enfance n’obtiennent aucun diplôme… Pour le défenseur des droits, la réalité de ces violences est trop souvent banalisée ou justifiée par un objectif éducatif et insuffisamment prise en compte, « malgré une progressive prise de conscience et un investissement important de professionnels ». De plus, le fonctionnement des institutions publiques (structures sociales, médico-sociales, écoles, centres éducatifs fermés, hôpitaux) « est susceptible d’induire ou d’amplifier les violences faites aux enfants dont elles ont la charge ». Le rapport indique, en outre, que les enfants ne sont pas suffisamment consultés pour les décisions les concernant, qui ne leur sont pas davantage expliquées.
Ces situations peuvent avoir des conséquences sur le développement de l’enfant et être source de discriminations et de réponses inadaptées à ses besoins spécifiques, estime le défenseur des droits. En vertu de l’article 19 de la Cide, il formule 22 recommandations. Parmi les points phares : l’élaboration d’une base de données nationale recensant tous les cas de violence à l’égard des enfants et l’obligation de consulter le bulletin n° 2 du casier judiciaire national et le fichier judiciaire automatisé d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) avant de recruter un professionnel ou un bénévole. L’organisation de temps d’analyse des pratiques est également vivement conseillée. « Nous ne remettons pas en cause tel ou tel professionnel, assure Jacques Toubon. Ce que nous proposons s’adresse à la logique du système. Le turn-over, l’instabilité chronique des équipes, notamment dans les structures d’hébergement, accentuent les risques de recours à la violence. Cela renvoie à la responsabilité des institutions et des pouvoirs publics de se doter de moyens suffisants. » Dont acte.
– L’invitation de l’Etat à s’assurer que l’ensemble des droits et besoins fondamentaux sont assurés à chaque enfant accueilli en protection de l’enfance.
– La mise en place par chaque institution d’un dispositif de recueil de la parole et de l’opinion des enfants, dans un cadre individuel ou privé.
– La formation de tous les professionnels intervenant auprès d’enfants sur la gestion des situations critiques, l’exclusion ne devant intervenir qu’en dernier recours.
– L’octroi de moyens au 119 et à toutes les plateformes téléphoniques dédiées à la lutte contre les violences faites aux enfants.
– Le déploiement d’unités médico-pédiatriques judiciaires sur l’ensemble du territoire.