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Les mères isolées en première ligne

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A quelques jours de l’annonce de la stratégie nationale contre les violences conjugales, un rapport des centres d’information des droits des femmes et des familles met l’accent sur les nombreuses difficultés d’accès aux droits, au logement, au travail… auxquelles doivent faire face les mères isolées.

« Les difficultés ne s’additionnent pas, elles se potentialisent », alerte Annie Guilberteau, directrice générale de la Fédération nationale des centres d’information des droits des femmes et des familles (FNCIDFF), lors de la présentation, le 14 novembre, du rapport sur la situation des femmes ayant recours au service de ce dispositif. Reconnus d’intérêt général, les CIDFF ont pour mission d’informer, d’orienter et d’accompagner. Ils sont donc en première ligne pour recueillir la parole des femmes. Le rapport s’appuie sur un panel de 142 146 femmes reçues pour une première demande en 2018 dont 23 % sont en situation de monoparentalité. « C’est une mine de données sur la société et sur les inégalités, pointe la directrice générale. Car derrière les chiffres, il y a des personnes. » L’accès aux droits est la principale requête des femmes venant dans un CIDFF qui se plaignent, par ailleurs, des difficultés croissantes d’accès à l’information dans les institutions. « “On parle à un robot au téléphone, on n’a plus d’interlocuteur direct” ou “On nous demande un papier, on le fournit, on nous le redemande”, nous racontent les femmes », pointe Christine Passagne, conseillère technique. Selon elle, la situation des femmes seules est la plus préoccupante car la plus précaire. Leur niveau de vie chute de 20 % quand le couple se sépare contre 3 % pour les hommes. Sans compter qu’elles se retrouvent souvent contraintes à devoir payer les dettes du ménage. « Le compte courant commun est fermé parfois six mois après la rupture », souligne la spécialiste.

Les demandes des mères isolées concernent majoritairement la coparentalité, notamment le droit de visite et d’hébergement des enfants qui n’est pas respecté par les pères, ce qui sur-responsabilisent les mamans. « Les difficultés financières des femmes est parfois le signe du désinvestissement du père dans l’éducation des enfants », précise Léa Guichard, autre conseillère technique. Même problème avec les pensions alimentaires irrégulièrement versées ou pas du tout. Un phénomène évalué à 13 % des cas de divorces par consentement mutuel et à 23 % en cas de contentieux. Selon une enquête de Terra Nova, 315 000 parents sont victimes d’impayés chaque mois, soit 500 000 enfants. De plus, les pensions alimentaires sont considérées comme un revenu et sont non cumulables avec le revenu de solidarité active (RSA). « Elles devraient être prises comme une contribution directe d’un parent à l’entretien et l’éducation de son enfant comme il le ferait s’il était encore en couple », préconise Christine Passagne. Une situation d’autant plus injuste que la monoparentalité des femmes est très souvent consécutive à des violences conjugales. Or, rappelle le CIDF, la séparation ne signifie pas l’arrêt des violences : 30 % des féminicides ont lieu lors de la rupture et 20 % des auteurs sont des « ex ». Parmi les femmes victimes de violences au sein du couple accueillies au CIDFF, à peine la moitié a une activité professionnelle et donc un salaire, 10 % n’ont aucune ressource. Dans ce contexte, il est encore plus difficile de fuir son domicile et son conjoint brutal.

Accès au logement difficile

Le problème du logement est, du reste, crucial pour les mères isolées. Il est fréquent qu’elles doivent le quitter, soit faute de moyens suffisants, et ce même en incluant les prestations sociales auxquelles elles ont droit, soit qu’elles veuillent changer de lieu pour s’éloigner d’un « ex » violent, soit que son ancien compagnon est le propriétaire ou seul signataire du bail de location. Résultat : 10 % des mamans seules n’ont pas d’habitat personnel. Pour couronner le tout, selon un précédent rapport du défenseur des droits, il y a deux fois plus de discriminations dans l’accès au logement à l’égard des familles monoparentales que pour les autres. En cause : une fragilité économique présumée. « Si on ne travaille pas et qu’on a des enfants, les propriétaires ont peur et refusent de louer », assure Christine Passagne, qui relève cette stigmatisation même dans le secteur locatif social. Les femmes reçues par le CIDFF sont également confrontées à des obstacles sur le plan professionnel, elles ont des emplois peu qualifiés ou à temps partiel, ce qui a une incidence sur leur salaire mais aussi sur leur retraite. « Trouver du travail lorsqu’on a des enfants est un vrai handicap. Quand on le dit, c’est un frein, on est catalogué. Alors, souvent, je fais le choix de ne pas le dire », expose une maman. Quand elles peuvent travailler, elles choisissent des emplois à proximité de leur domicile et compatibles avec les horaires des écoles et des modes de garde utilisés. Globalement, les Françaises ont encore à charge 71 % des tâches domestiques et 65 % des tâches parentales, elles n’ont donc pas le même temps à consacrer à leur profession que les hommes. C’est encore pire pour les mères isolées chez qui cette inégalité s’accroît.

Le public des CIDFF

En 2018, plus de 220 000 femmes ont été reçues dans les 1 794 permanences des CIDFF. Elles ont en moyenne 41 ans et sont à 82,4 % de nationalité française. Elles habitent, plus souvent, en zone rurale et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Les femmes seules représentent 63,6 % du public (14 % sont en cours de séparation), 81,6 % ont un ou plusieurs enfants. Elles sont globalement moins diplômées que la moyenne : 25 % d’entre elles ont un diplôme supérieur au bac contre 40 % des Françaises. Sur les 48 % de femmes accueillies exerçant une activité professionnelle, 85 % sont employées ou ouvrières et 5 % sont cadres. Une sur trois est en situation de précarité : 10,8 % touchent le RSA, 10,5 % perçoivent plusieurs aides et 7 % sont sans ressources.

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