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Le monde judiciaire face aux violences conjugales

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A l’occasion d’un colloque organisé le 15 novembre dernier à la Cour de cassation, juges, parquetiers et avocats ont interrogé leurs pratiques professionnelles. Un rapport de l’inspection générale de la justice, rendu public dès le lendemain, met en lumière des pistes d’amélioration.

Récemment nommé procureur général près la Cour de cassation, François Molins marque déjà son passage à la plus Haute Juridiction de l’ordre judiciaire français en organisant le colloque intitulé « La lutte contre les violences au sein du couple : les défis de la justice ». Comme un constat d’une certaine impuissance contre ce fléau qui a tué 1 500 femmes en dix ans, le haut magistrat a décidé de réunir parquet, siège et avocats. Dans son propos introductif, il a insisté sur l’exigence de formation de tous les acteurs de la lutte contre les violences conjugales : magistrats mais aussi policiers et gendarmes. « La victime ne doit pas vivre dans la terreur de ce qu’il adviendra lorsque son conjoint sortira de prison », a ajouté François Molins, qui estime que ce sont bien les « pratiques » qu’il faut changer, au-delà des textes de lois, moyens et contraintes.

C’est pour ces raisons que la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a demandé à l’inspection générale de la justice (IGJ) de procéder à un état des lieux portant sur les dossiers jugés définitivement concernant des faits d’homicides liés à des violences conjugales. Le rapport a été rendu public dès le lendemain du colloque(1). En tout, 88 dossiers ont été examinés. Il en ressort que 85 % des auteurs sont des hommes. Toutes les générations sont concernées et tous les milieux, urbains ou ruraux, sont impactés. La mission de l’IGJ a également retenu les dossiers de tentative d’homicide, dans lesquels l’intention de tuer est caractérisée : ils représentent 32 % des affaires. Par ailleurs, deux tiers des victimes d’homicide avaient déjà subi des violences conjugales. Dans deux autres tiers de ces cas, les violences avaient déjà été dénoncées auprès des forces de police, ce qui laisse apparaître des faiblesses dans le traitement de ces dossiers. L’IGJ ne formule pas moins de 24 recommandations pour le ministère : « La protection des victimes doit être renforcée et un effort important doit être porté sur la prévention de la réitération », note-t-elle.

Motiver les troupes

Mais cela ne suffira probablement pas. Pendant le colloque, de nombreux intervenants, qu’ils soient du siège ou du parquet, et même une élue locale, ont insisté sur le fait qu’il fallait motiver toutes les troupes, au-delà de la sphère judiciaire : forces de l’ordre, bien sûr, mais aussi professionnels de santé et associations. L’enjeu se situe notamment du côté des médecins, dont les certificats médicaux de constatation de lésions ne sont pas toujours suffisamment précis pour permettre à un juge de prendre une ordonnance de protection. Pendant le colloque, la garde des Sceaux a indiqué avoir saisi la ministre de la Santé à ce sujet. Il reste encore beaucoup à faire, mais vu l’intérêt qu’a suscité cet événement, les magistrats semblent pleinement mobilisés.

L’Espagne, un modèle de lutte

En 2004, le législateur espagnol vote une loi de protection intégrale contre les violences faites aux femmes, qu’il nomme expressément « violences de genre ». « La loi considère ces violences comme une expression de la domination de l’homme vers la femme, c’est de là que découlent les mesures de protection », explique Maria del Mar Ramos Lopez-Herrero, procureure en charge de la coopération juridique internationale à Malaga.

La principale originalité de cette loi est qu’elle crée des magistrats spécialistes des violences faites aux femmes. Le juge spécialiste a des compétences aussi bien au pénal qu’au civil. Des procureurs généraux spécialisés complètent ce maillage côté parquet. Les femmes victimes de violences ont donc un interlocuteur judiciaire unique qui peut prendre des actes adaptés à sa situation.

Mais la spécialisation des magistrats n’est pas tout. L’Espagne a aussi lancé une vaste campagne de sensibilisation avec des spots publicitaires pour rendre visibles les violences faites aux femmes. En parallèle, une autre campagne s’adresse directement aux femmes victimes pour les inciter à déposer plainte. A l’école aussi, les enfants sont sensibilisés afin de mettre fin aux préjugés et stéréotypes. L’idée : les éduquer sur la tolérance et le respect des autres.

Notes

(1) Disponible sur www.justice.gouv.fr.

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