Le rapport a entendu un certain nombre de points, et je le souligne, mais il est nécessaire qu’elles sachent que, pour moi, leur rapport est incomplet, parce qu’il masque une certaine partie de la vérité effective du terrain. La tentative est intéressante, j’y ai apporté quelques corrections, sachant que la plus rude pour moi est évidemment celle de l’accès aux origines personnelles, parce qu’on est là dans la discrimination, dans la volonté de cacher, de mentir par omission. C’est le montage habituel : on ne dit pas ou on fait croire qu’on ne sait pas et, dans ce cadre-là, ça passe au travers. Dès mardi, j’envoie la totalité du travail que j’ai fait à Mmes Imbert et Limon. Elles vont voir ce qui me paraît intéressant ou… problématique. Le secrétaire d’Etat paraît intéressé aussi. Pour moi, c’est un complément d’audition. Je demande une réponse, c’est d’abord une question de politesse. J’attends qu’on me dise en retour : « On fait quoi ? ».
C’est simple. Vous rencontrez quelqu’un dans le cadre que vous avez et dans les prérogatives qui sont les vôtres – prenons l’exemple de la présidente du Cnaop [Conseil national pour l’accès aux origines personnelles] –, et vous dites : « Il n’y a pas de problème, tout va bien au niveau du Conseil. » La personne qui est en face de vous n’a pas lu de manière pointue les rapports 2017 et 2018 du Cnaop et ne vérifie pas, puisque vous êtes la présidente d’un Conseil national, et on a quand même plus ou moins tendance à vous croire. De votre côté, vous avez oublié de dire que plusieurs personnes du Conseil ont voté contre le rapport parce que la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 ne leur convient pas et ne convient pas aux enfants qui sont nés sous le sceau du secret.
Il aurait fallu un peu d’honnêteté intellectuelle et dire à Mmes Limon et Imbert que le Conseil, dans son entreprise d’accès aux origines personnelles, n’avait réussi qu’à hauteur de 10 % et que 90 % des demandeurs se sont retrouvés « repliés ». J’en viens à me demander pourquoi le législateur refuse que les enfants qui naissent sous le sceau du secret puissent connaître leur géniteur ou leur génitrice… D’autant qu’il y a toute facilité pour ce législateur de dire : « OK, on vous dit les noms, mais ça ne vous apportera aucune possibilité de recours envers ces personnes. »
Bien sûr. Quand on relit Françoise Dolto et qu’on écoute Boris Cyrulnik, on sait pertinemment qu’il est nécessaire de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. A partir du moment où l’on ne sait pas d’où l’on vient, on risque de se marier avec sa sœur, on risquerait même de se marier avec sa mère !
A partir du moment où vous vous trouvez dans une situation où le législateur vous empêche d’accéder à vos droits fondamentaux, comment voulez-vous pouvoir prétendre être comme les autres ? Il y a le sceau du secret et, après, le seau qui lui couvre la tête : il ne sait rien, il ne voit rien, on ne lui dit rien. C’est quand même le comité des droits de l’enfant des Nations unies qui dit à la France depuis douze ans : « Revenez dans le giron normal et faites disparaître cette législation qui empêche les enfants de connaître leur génitrice et leur géniteur ! »
On est sur un problème très particulier car, quelque part, ce que recherchent les futurs adoptants, c’est le besoin d’enfant, soit par incapacité, soit parce que dans leur tête il faut « faire famille ». S’ils ne peuvent pas physiquement en avoir, ils se tournent vers l’adoption. Mais le gamin n’est pas un meuble, il va falloir qu’on s’occupe de lui : c’est un boulot de parents. Le besoin que l’on peut avoir, parce qu’on est passé par là, est de dire : « Attention, l’agrément doit être quelque chose de relativement pointu parce que nous sommes là, représentants des enfants, pour faire en sorte de trouver une famille pour un enfant, et pas le contraire. » Il faut que les futurs adoptants le comprennent. Après, on va nous mettre en avant qu’on discrimine, mais quand on nous propose trois ou quatre familles pour un enfant, si on choisit, forcément, on discrimine. On sait surtout que, depuis 2007, l’intérêt de l’enfant est entré dans la loi (via le code de l’action sociale et des familles).
J’attends d’abord que l’association, comme beaucoup d’Adepape [associations départementales d’entraide des personnes accueillies a la protection de l’enfance] en France, soit reconnue comme un vrai partenaire, car le législateur a fait en sorte qu’on le devienne. Nous avons un certain nombre d’obligations légales, on rentre dans l’Observatoire du code de la protection de l’enfance, on rentre dans la Commission de suivi des statuts des enfants pris en charge. Et on voit bien que, dans ce cadre-là, notre position d’ancien pose problème aux professionnels. Parce qu’on est en train de mettre devant les professionnels ceux-là mêmes qu’ils ont pris en charge.
Les financements dépendent de ce qui va être mis en place. Si c’est à partir de fonctionnements proposés et qu’on va jusqu’au bout des propositions, cela va être suffisant. Mais si certaines choses ne passent pas, les financements vont devenir insuffisants.
Intitulé « Vers une éthique de l’adoption. Donner une famille à un enfant », ce rapport de 70 pages remis à Edouard Philippe et Adrien Taquet contient 24 recommandations.
Pour mieux préparer les familles à l’adoption, le document entend d’abord donner une base juridique à la procédure d’agrément (recommandation n° 2), et pour l’apparentement à partir d’un avis du Comité consultatif national d’éthique (recommandation n° 8).
La loi est aussi déclinée selon plusieurs objectifs : de révision de l’articulation des dispositifs d’adoption et de la place du parrainage par la refonte de la partie du code civil consacrée à l’adoption (recommandation n° 11) ; d’intégration de l’adoption comme une des modalités de protection de l’enfance dans le code de l’action sociale et des familles (recommandation n° 12) ; de redéfinition du concept juridique de non-discrimination entre les familles candidates à l’adoption pour permettre aux couples non mariés d’être candidats (recommandation n° 16).
Pour faciliter l’adoption des enfants qui peuvent l’être, l’accent est mis sur le rôle important des départements, notamment dans le gain d’efficacité que pourrait représenter la mutualisation des services (recommandation n° 4).
Le rapport insiste également sur le développement de la formation des professionnels aux aspects spécifiques de l’adoption (recommandation n° 9) mais aussi, en compagnie des juges, aux volets fondamentaux du délaissement (recommandation n° 5) ; pour les acteurs de l’adoption, une formation serait même obligatoire (recommandation n° 10). Le rapport n’oublie pas non plus d’établir un écart d’âge maximal entre adoptant et adopté (recommandation n° 13), ni de prôner la création d’une commission d’étude afin de coordonner les adoptions nationales et internationales (recommandation n° 15).
Enfin, le rapport de la députée (LREM) de l’Isère et de la sénatrice (LR) de Charente-Maritime est destiné à mieux accompagner les adoptés dans l’accès aux origines (recommandation n° 18), à créer une agence de protection de l’enfance (recommandation n° 19), à mettre en place des fichiers nationaux sécurisés (recommandation n° 21), à améliorer les droits des adoptants (recommandation n° 22) et le suivi médical des enfants et des parents (recommandation n° 23).