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« Convaincre que le vieillissement n’est pas une maladie »

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La politique d’action sociale de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) vise la prévention de la perte d’autonomie auprès de l’ensemble des retraités du régime général de la sécurité sociale relevant des GIR 5 et 6, et en particulier ceux en situation de fragilité économique ou sociale. Le point avec Christiane Flouquet, directrice de l’action sociale Ile-de-France.
La CNAV est un acteur majeur de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées. Cette question tend-elle à devenir une vraie priorité de santé publique ?

La prévention de la perte d’autonomie est au cœur de notre action sociale puisque, depuis 2001, les caisses de retraite, dont la CNAV, sont chargées de la prise en charge des personnes âgées autonomes versus les départements qui eux se chargent de la dépendance. Il est donc tout à fait légitime pour nous de creuser notre sillon dans ce cadre-là. La prévention est aujourd’hui étendue à tous les acteurs institutionnels : le conseil départemental, l’agence régionale de santé via les conférences de financeurs de la prévention de la perte d’autonomie. Désormais, il y a une confirmation de faire de la prévention un axe prioritaire à tous les moments de la vie de la personne âgée et des institutions, y compris dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Les personnes âgées autonomes sont-elles sensibles à ces actions ?

Oui, l’intérêt pour nos ateliers de prévention se renforce. Nous avons eu au fil des ans un vrai travail de conviction à porter car le principe même de l’engagement des caisses de retraite sur le champ de la prévention n’était pas forcément connu des seniors. En cinq ans, nous avons touché plus de 60 000 personnes. Cette attractivité repose sur le fait que nous avons davantage accentué notre effort pédagogique sur la démonstration par la preuve de l’intérêt de ces ateliers. Le PRIF (Prévention retraite Ile-de-France) a construit un parcours autour de huit thématiques de santé publique telles que la prévention des chutes, l’activité physique, le bien-vieillir, la mémoire, l’alimentation, l’aménagement du domicile. En 2020, un nouvel atelier sur la fracture numérique et un autre intitulé « bienvenue en résidence autonomie » pour prévenir le choc psychologique des futurs résidents seront mis en place. Un autre point d’entrée dans les ateliers est le passage à la retraite avec un atelier « la retraite, un an après ».

La lutte contre l’illectronisme entre-t-elle dans le périmètre d’action de la caisse ?

La CNAV a une responsabilité publique sur ce champ-là et donc accompagne cette fracture numérique. Dans le cadre de notre action sociale pour les retraités, nous avons déployé une offre d’ateliers pour sensibiliser et aider les personnes les plus réfractaires aux outils numériques. Nous avons expérimenté cette offre pendant 18 mois et nous la transférons, à présent, dans le cadre du PRIF. Pour sensibiliser le public concerné, nous avons axé notre communication non pas sur l’idée de faciliter les démarches administratives mais sur le fait que les outils numériques aident au maintien des relations familiales.

Les innovations numériques et technologiques sont clairement identifiées comme des outils au service de la préservation de l’autonomie.

La CNAV a un partenariat avec Silver Valley pour accompagner l’innovation dans les services avec un regard vigilant pour que ces innovations répondent aux besoins des personnes.

Dans le cadre de la silver économie, nous avons développé un pan d’activité sur les « lab seniors ».

Les proches aidants sortent de l’invisibilité. Quelle politique menez-vous en direction de ce public ?

La CNAV Ile-de-France est sensible à la reconnaissance des aidants depuis longtemps avec un prisme particulier qui est celui des aidants familiaux déjà retraités et autonomes. Ce peut être le conjoint, le fils ou la fille de la personne aidée. Nous ne sommes pas sur la problématique de l’aidant en activité professionnelle. Notre premier travail consiste à œuvrer sur le déni de l’aidant, ce proche qui n’accepte pas cette reconnaissance du rôle d’aidant. Le point d’entrée pour repérer les aidants à domicile est notre action sociale historique. Il faut être dans l’« aller vers » et donc utiliser tous les biais pour sensibiliser les personnes qui sont dans le déni.

Nous avons un appel à projets avec l’agence régionale de santé qui se renouvelle pour la troisième année pour identifier des services qui vont toucher directement les aidants au domicile ou vont les faire aller vers l’extérieur. Notre offre de services est axée soit sur des conciergeries, des plateformes de répit du territoire, voire le droit commun. L’objectif est de permettre à l’aidant de s’occuper de lui, de faire autre chose pendant que le proche aidé est pris en charge.

La loi d’adaptation de la société au vieillissement a eu pour objectif de donner une véritable place aux résidences autonomie (ex logements-foyers) dans le parcours résidentiel des personnes âgées. Quel soutien la CNAV apporte-t-elle à cette l’offre d’habitat intermédiaire ?

Nous sommes convaincus de l’intérêt du logement intermédiaire qui n’est plus le domicile privé mais qui n’est pas encore un Ehpad. Pour favoriser le développement de l’offre, nous avons une politique d’aide à la pierre. Certaines résidences autonomie sont souvent dans un état vétuste tant au niveau de la performance énergétique que de la qualité des équipements tels que les douches. Notre politique de prêts et de subventions nous permet d’aller parfois jusqu’à 50 % du coût total des travaux. Notre outil national de diagnostic de l’état de l’établissement [Sefora, ndlr] nous permet d’aller vers les gestionnaires pour les sensibiliser à la qualité du bâtiment. La CNAV mène également une politique de contribution à l’animation de la vie sociale dans ces résidences autonomie. En lien avec les forfaits autonomie, la CNAV contribue au déploiement des ateliers PRIF dans les résidences.

Une autre offre originale, « aide à domicile mutualisée », permet d’associer la mutualisation de l’aide humaine pour tous les résidents autonomes qui ont en besoin et, à côté de cela, une offre de « forfait prévention » permet la rationalisation des services utiles à chacun des résidents : petit dépannage dans le cadre de travaux locatifs, service de livraison de courses. Des réponses différentes de celles du forfait autonomie.

Comment se met en place cette « aide à domicile mutualisée » ? Quelle implication pour les gestionnaires de résidences autonomie ?

Une première visite d’information et d’accès aux droits permet d’établir une évaluation des besoins de tous les résidents et d’établir le listing des besoins en aide humaine. Un prestataire de service d’aide à domicile, choisi par appels d’offres, propose un plan d’aide à la résidence et s’engage à mettre en place toutes les heures d’aide humaine spécifique, de ménage, au mieux de l’intérêt de chacun.

Nous avons expérimenté cette offre pendant deux ans. Le format définitif avec le forfait prévention est mis en place de manière pérenne depuis octobre 2019 avec une prévision de montée en charge réelle. Aujourd’hui, une trentaine de résidences autonomie sont déjà impliquées sur les 400 du territoire francilien. Dans le cadre de cette offre, la CNAV propose un soutien supplémentaire aux services d’aide à domicile avec des équipements en lien avec les risques professionnels (balai ergonomique, escabeau). La résidence autonomie va être le laboratoire pour sensibiliser le résident aux risques professionnels et domestiques.

Le travail que l’on demande aux gestionnaires dans notre dispositif d’aide à domicile permet de renforcer le travail d’« aller vers » les résidents. Dans les logements-foyers, les personnes restaient isolées dans leurs chambres. La conviction que le lien social est primordial est au cœur de notre politique de prévention. Si la résidence autonomie construit bien son projet de vie, elle va répondre à cette logique de rupture de l’isolement.

L’adaptation du logement est un pilier du maintien à domicile. Quelle offre de services proposez-vous dans ce domaine ?

La prévention par l’adaptation du logement est une réponse évidente mais difficile à mener car des générations entières de personnes âgées ont en une vision curative et stigmatisante. Notre souci a été de travailler sur une amélioration de notre offre de services pour mieux convaincre les personnes de faire les travaux le plus tôt possible. Nous avons une offre historique d’aide individuelle à l’habitat en lien avec les dispositifs de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et suivant des barèmes de ressources qui permet de financer des travaux généralement chez des propriétaires. La CNAV a passé un partenariat avec les bailleurs sociaux pour qu’ils adaptent les logements en amont de la dépendance et les proposer ensuite aux personnes vieillissantes. Depuis trois ans, nous avons solvabilisé 5 000 logements et 30 bailleurs sociaux sont déjà conventionnés.

A travers les différents volets de notre action sociale, la CNAV est dans l’esprit pointé par la loi d’adaptation de la société du vieillissement, c’est-à-dire faire changer les mentalités et convaincre que le vieillissement n’est pas une maladie et que de nombreuses actions peuvent se faire en amont.

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