Avec Lilab, la lecture est facilitée

Quand les outils ne conviennent pas, il faut les penser, puis les créer. Faire du sur-mesure pour permettre aux enfants d’être toujours mieux accompagnés. Une façon de voir les choses qui sied à l’Apajh 44, qui ne manque pas de rendre l’idée concrète. En témoigne sa dernière innovation, une bibliothèque numérique adaptée aux troubles de l’apprentissage des enfants dys-(1). « Nous souhaitions avoir accès à d’autres ouvrages que ceux existants déjà », explique Elisabeth Cerat-Lagana, chef de service « Langage et apprentissage » du pôle enfance de l’Apajh 44. 17 sites, 400 salariés et 1 500 personnes accompagnées sur le département de Loire-Atlantique. Et une volonté de réconcilier les enfants et la lecture, « en fournissant un outil à la communauté Apajh, en lien avec les besoins des jeunes accompagnés ». Pour ce faire, une collaboration de quatre années déjà avec la société MobiDys, spécialiste du système Frog (Free your cognition), qui permet de « favoriser le déchiffrage et faciliter la compréhension du lecteur » grâce à une trousse à outils qu’il va utiliser à sa guise. Natacha Poirier, directrice du développement de l’Apajh, s’occupe des projets innovants. Présente dès les premières réflexions, elle se souvient de la première collaboration de l’association avec MobiDys, autour du livre adapté Ali Baba. « Les livres de MobiDys ont été testés par les jeunes, accompagnés de travailleurs sociaux. Les professionnels, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, orthophonistes, font un retour d’expérience et d’observations auprès de MobiDys. » Pour ce nouvel outil, « on s’est posés autour d’une table pour imaginer quelque chose qui permettrait de rassembler les ouvrages, afin que différentes personnes puissent en bénéficier ». Ce sera Lilab, une application mobile disponible sur Android et Apple depuis début octobre, une bibliothèque pour le moment seulement accessible aux professionnels de l’Apajh, aux enfants accompagnés par l’association, et aux enseignants en lien avec celle-ci. L’école de design locale, elle aussi, a participé au projet. Les étudiants ont planché sur le graphisme et les fonctionnalités de l’application, en observant les jeunes s’en servir pour mieux l’adapter. « L’objectif en utilisant ces outils numériques et en mettant à profit les nouveaux usages des jeunes est de pouvoir les amener à lire et travailler le plus facilement possible, relate Natacha Poirier. Mais aussi que les professionnels aient un lieu commun où venir chercher ces outils. »

L’application contient ainsi trois « étagères » : une première pour les professionnels de l’Apajh, dans un but de rééducation à la lecture, une deuxième pour les jeunes, pour une lecture autonome, de plaisir, et une dernière pour les enseignants, en lien avec le programme scolaire et les apprentissages. « C’est une bibliothèque co-construite, souligne la directrice du développement. Les professionnels de l’association peuvent demander les livres qu’ils souhaitent, et MobiDys va aller négocier avec les éditeurs. »

Pour le moment, Lilab dispose de quatre ouvrages pour enfants : La petite casserole d’Anatole, La fabuleuse aventure de Charlie, Amanda Crapota, Un amour de dragon et Raconte-moi les sons. A terme, l’idée est d’avoir également des romans et des lectures pour tous les âges. Mais l’adaptation d’un ouvrage n’est pas chose aisée. « Il faut d’abord que nous demandions l’autorisation à l’éditeur, explique Sophie Amont, responsable de projet chez MobiDys. Puis créer la quinzaine d’outils en lien avec le texte du livre. Il faut aussi faire l’enregistrement audio avec des comédiens. Et surtout, il ne faut pas dénaturer le livre original, ni venir en dénaturer la lecture. » En tout, il faut compter deux à trois mois pour chaque livre adapté. Et encore, on ne parle ici que de livres pour enfants. Sur Lilab, chaque livre a une petite barre en bas, c’est la trousse à outils, et l’enfant va personnaliser sa lecture selon ses troubles, simplement en cliquant et décliquant sur les outils proposés : un mode audio avec une lecture karaoké, des outils pour décoder la lecture (zoomer le texte, changer la police d’écriture…), des outils de compréhension (mots difficiles, noms référents…). En tout une quinzaine d’outils sont disponibles, qui aident particulièrement les enfants dyslexiques. « C’est aussi un support intéressant pour la dysphasie, remarque Sophie Amont. Un peu moins pour la dysorthographie. Mais on observe aussi que ce support peut être aidant pour les enfants TDAH [souffrant de troubles de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, ndlr] ».

L’Association pour adultes et jeunes handicapés voudrait rendre accessible à tout le monde cette bibliothèque unique. Mais pas avant d’avoir pu l’étoffer d’une vingtaine de livres numériques adaptés. Et pour cela, il faut penser un modèle économique, encore en construction. Envisager un abonnement ? Pour le moment, le projet n’a été rendu possible que par le biais d’une lever de fonds via différentes fondations. Création de l’application, mise en ligne, adaptation des ouvrages, paiement des droits aux auteurs… Mais Lilab séduit. Déjà, l’association a été contactée par d’autres. « Ce soutien technique, c’est aussi une certaine perception de la lecture inclusive, analyse Elisabeth Cerat-Lagana. Un enfant sans troubles de l’apprentissage peut ne rien activer. Sur dix profils de lecteurs, aucun n’activera les mêmes “béquilles”. L’idée majeure reste une réconciliation avec la lecture, qu’il y ait le moins de crainte possible » Dans la phase d’expérimentation, qui court jusqu’en janvier 2020, l’Apajh ouvrira l’application aux familles et à d’autres enseignants, afin de recueillir leurs observations. Déjà, lors de l’inauguration, de nombreux parents présents avaient des suggestions. « Nous observons vraiment que les parents sont en demande d’outils, note Elisabeth Cerat-Lagana. Cet outil, nous aimerions l’élargir au national, pourquoi pas à l’international. Sa propagation est facilitée par le numérique. » En attendant de proposer cette trousse à outils pratique et ludique au plus grand nombre, les centaines d’enfants accompagnés par l’Apajh bénéficient, déjà, de la merveilleuse possibilité d’apprécier la lecture, malgré leurs troubles d’apprentissage. Une sacrée victoire pour les parents et les professionnels.

L’APAJH a aussi son FabLab !

L’initiative du projet FabLab (« Fabricatory Laboratory ») revient à une personne accompagnée par le service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah). Avec le soutien d’un professionnel de l’Apajh, ils ont décidé de créer un FabLab accessible à tous. L’idée ? Créer des objets qui facilitent le quotidien des personnes en situation de handicap. Tous ceux qui le souhaitent vont pouvoir imaginer et concevoir ensemble des objets adaptés, grâce à une imprimante 3D, en fonction de leur handicap et de leurs besoins. Une campagne de financement participatif a pu voir la naissance du projet. Le 24 septembre, le FabLab ouvrait ses portes pour l’inauguration de l’atelier. L’occasion de présenter les équipements aux usagers, familles, adhérents, contributeurs et partenaires. L’occasion aussi de montrer des créations déjà réalisées. Récemment, le FabLab de l’Apajh a rejoint le réseau HumanLab de l’association My Human Kit, à travers la signature d’une convention de partenariat. Aujourd’hui, le FabLab est devenu HumanLab Apajh 44.