Remis au gouvernement le 31 octobre et rendu public le 5 novembre, le rapport de l’Igas-IGF intitulé « Aide médicale d’état : diagnostic et propositions » compte 14 mesures visant à sécuriser le dispositif, à limiter la fraude et les usages abusifs, à garantir un accès plus précoce aux soins et à maîtriser les coûts de gestion.
Qualifiant le dispositif de l’AME comme étant « l’un des plus généreux d’Europe », les rapporteurs indiquent qu’il concernait à la fin de 2018, 318 106 étrangers en situation irrégulière pour un coût total de 904 millions d’euros la même année. Le coût total de l’AME s’est accru de 1,4 % par an en moyenne depuis 2013 mais il est probablement sous-évalué, de l’ordre de 8 %, « en raison de la complexité des procédures administratives opposées aux hôpitaux pour obtenir le remboursement des soins aux étrangers en situation irrégulière et de la non-prise en compte des frais de gestion », estiment les rapporteurs.
Le nombre de bénéficiaires de l’AME est stable depuis 2015, contrairement à celui des demandeurs d’asile – qui bénéficient de la protection universelle maladie (Puma) également réformée dans le cadre des annonces du gouvernement – en croissance annuelle moyenne de 11,9 %. Le bénéficiaire type de l’AME est un homme entre 30 et 34 ans, vivant seul. L’Afrique représente plus de deux tiers des bénéficiaires et l’Algérie est le premier pays en termes de ressortissants.
S’appuyant sur l’analyse des données de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih), les inspections générales font part d’« atypies » dans la dépense de soins hospitaliers des bénéficiaires de l’AME sur la période 2015-2018. « Les plus nettes concernent les accouchements, l’insuffisance rénale chronique, les cancers et les maladies du sang », ajoutent-elles. Pour l’Igas et l’IGF, ces écarts « renforcent de façon convaincante l’hypothèse d’une migration pour soins, qui n’est clairement pas un phénomène marginal ». Le rapport affirme également que « plus d’un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration ».
Si aucun cas de fraude n’est avéré dans ce rapport, la lutte contre la fraude et les abus est toutefois préconisée. « Impossible de trouver dans leur rapport le moindre élément tangible sur la fraude : les chiffres existants ne sont même pas cités. Est-ce parce qu’ils tendent à démontrer le caractère extrêmement marginal des fraudes à l’AME ? En 2018 selon un rapport du Sénat, seuls 38 cas de fraude avaient été détectés, sur plus de 300 000 bénéficiaires, soit 0,01 %. On sait aussi que pour 2017, le montant du préjudice du fait des fraudes à l’AME, estimé par la Caisse nationale d’assurance maladie, représentait environ 0,06 % du budget de cette aide », oppose, sur son site Internet, la Cimade. Qualifiant le rapport de « sans substance », l’association de défense des droits des étrangers considère qu’il « ne démontre en rien les dérives que la réforme entend contrer ». « Aucun élément d’information ne porte sur le cas des personnes munies de visa touristique, qui sont pourtant particulièrement accusées d’abuser de l’AME et des soins urgents », critique-t-elle.
« La croissance rapide du nombre des demandes d’asile […] crée une pression sur le système de santé et pose la question du dévoiement du dispositif de demande d’asile par des étrangers qui souhaiteraient uniquement bénéficier de soins gratuits en France », affirment les inspections générales. Leur source ? « Des cas de ce type ont été signalés à plusieurs reprises à la mission par des professionnels médicaux hospitaliers. » Un argument que la Cimade juge bien faible. « Aucune donnée n’a été collectée par les inspections générales pour corroborer l’hypothèse d’un détournement de l’asile par des personnes en quête de soins », attaque l’association, qui juge cette focalisation sur un « asile médical » comme « erronée ».