La rencontre du fait religieux au travail est en constante augmentation depuis 2014. C’est ce que révèle le document « Religion au travail : croire au dialogue – Baromètre du fait religieux en entreprise 2019 », réalisé par le professeur en sciences de gestion Lionel Honoré pour le compte de l’Institut Montaigne, en association avec l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE). Sur les 1 100 managers interrogés, 70 % d’entre eux disent être confrontés à un phénomène de cet ordre, au moins de manière occasionnelle, sur leur lieu de travail. Ils n’étaient que 44 % en 2012, date de lancement du baromètre. Une tendance que l’étude explique par l’augmentation de la place du travail dans la vie des salariés en raison d’une demande d’implication personnelle accrue dans l’entreprise, et par une remise en cause du sens du travail qui s’appuierait sur un niveau de spiritualité plus important. Pour autant, elle ne nie pas que l’évolution sociale et sociétale du fait religieux se retrouve en entreprise.
Mais si l’augmentation du fait religieux est indéniable, seule la moitié des situations nécessite une intervention managériale, et dans la majorité des cas, une issue est trouvée sans difficultés : un blocage ou un conflit n’apparaît que dans 19 % des cas. Pour trois salariés sur quatre, l’impact du fait religieux en entreprise n’est d’ailleurs pas considéré comme négatif. Les demandes sont considérées comme « raisonnables » dans 67 % des cas, et 69 % des salariés pratiquants ne sont pas perçus comme « revendicatifs ».
Néanmoins, bien qu’elle reste minoritaire, la tendance conflictuelle est en hausse depuis 2014 où seules 6 % de ces interventions – qui ont triplé en trois ans – étaient concernées. Résultat : un manager sur dix se sent « débordé » face à un fait religieux, surtout lorsque les demandes sont portées collectivement par les salariés (12 % des cas) et qu’il se retrouve seul à gérer la situation, sans appui de sa hiérarchie. La moitié des entreprises concernées par le fait religieux ne met en place aucune action, ce qui laisse les managers désemparés pour les deux tiers d’entre eux. Les outils pour gérer les crises ne sont d’ailleurs pas légion : 29 % des entreprises interrogées proposent des réunions pour en discuter, 23 % des consignes particulières pour répondre aux demandes, 21 % des dispositions spécifiques dans le règlement intérieur…
Selon le document, les managers donnent en pratique « la priorité au travail tout en étant ouverts à la recherche d’arrangements par la discussion afin de permettre aux salariés pratiquants d’articuler leur activité professionnelle et leur spiritualité ».
Sur le champ des améliorations possibles, il est proposé aux entreprises d’adopter une posture de soutien envers le management, en créant les procédures nécessaires pour faire face ces situations et en marquant une ligne claire face à ces agissements. Le texte préconise également de formaliser les remontées d’informations des situations problématiques, en prônant l’intransigeance face aux « débordements » et aux « comportements agressifs ». Enfin, il s’adresse aux pouvoirs publics en leur conseillant d’aider les petites structures dans la gestion des situations difficiles, et de ne pas remettre en cause le cadre légal de l’expression de la religiosité au travail en veillant à ne pas brider la liberté des pratiquants.
Au sens de l’étude, il s’agit d’un événement qui peut être aussi bien banal – comme la demande d’un congé pour assister à une fête religieuse – qu’indésirable et provoquant des remous au sein de l’entreprise, ce de manière ascendante comme descendante dans la hiérarchie. A titre d’exemple, on peut citer le refus d’un salarié de travailler sous les ordres d’une femme ou avec elle (13 % des faits religieux), ou la discrimination d’un autre par ses collègues ou son manager en raison de ses croyances.