Il suffisait de pousser la porte, elle n’était pas fermée à clef. L’usine désaffectée, située au 30 de la rue Brouardel à Toulouse, vient d’être réquisitionnée ce jeudi 7 novembre à 16 h 30 par les travailleurs sociaux du groupe de défense du travail social (GPS) et des sympathisants. Une action coup de poing pour dénoncer la lenteur des pouvoirs publics à proposer un nouveau lieu à la Boutique solidarité, le principal accueil de jour toulousain, qui reçoit environ 25 000 personnes par an. Située dans le quartier de la gare qui fait l’objet d’une vaste opération d’aménagement démarrée il y a quatre ans, la Boutique a vu les habitants abandonner leur logement suite à des préemptions de Toulouse Métropole. En attendant les travaux, ces appartements vides se sont transformés en squats donnant au quartier l’allure d’un « no mans land ». « C’était devenu ingérable, la violence empirait de jour en jour, regrette Christine Régis, cheffe de service à la Boutique solidarité. Nous avons tenu aussi loin que nous avons pu, parfois on fermait la boutique pour nous mettre en sécurité : neuf jours en 2018, 19 en 2019. J’ai failli recevoir un coup de couteau, mon collègue des coups de barre de fer. »
Comme les 400 personnes participant à cette action, elle arbore un morceau de couverture de survie dorée et brillante. Certaines le portent comme un brassard, d’autres en ont fait un nœud dans les cheveux. Mais pour toutes, le symbole est fort : pour beaucoup de personnes à la rue, ce centre est une question de survie. « Ça fait huit ans que je vais à la Boutique solidarité, témoigne Michel, 57 ans, qui a suivi toutes les mobilisations. J’y lave mon linge, je participe à des ateliers, je rencontre des travailleurs sociaux pour mes démarches administratives. On peut se lier d’amitié avec des gens, jouer à la pétanque. »
La Boutique solidarité fait partie du réseau des boutiques de la Fondation Abbé-Pierre. « On la soutient financièrement avec Toulouse Métropole, la direction générale de la cohésion sociale et le département, explique Sylvie Chamvoux, directrice de l’agence Occitanie de la Fondation Abbé-Pierre. Ce lieu bénéficie également de financements spécifiques, comme par exemple celui de l’agence régionale de santé pour le poste de la psychologue. » C’est un des rares endroits où se pratique l’accueil inconditionnel, « où les personnes sans abri peuvent venir se poser sans qu’on leur demande quoi que ce soit, se doucher, boire un café. Pour nous, ce sont des dispositifs à maintenir à tout prix », poursuit-elle.
Depuis 25 ans, l’accueil de jour est un repère pour les personnes à la rue. Il est géré par l’association Arpade qui emploie 11 professionnels. « Nous avons définitivement fermé le 20 juillet, raconte Graziella Villalta, directrice de la Boutique solidarité. Les salariés ont déposé plainte auprès du procureur de la République car ils ne peuvent plus assurer leur mission. En effet, c’est une des responsabilités de l’Etat que de faciliter la mise en place d’accueil de jour. » Toulouse fait partie des 15 villes qui se sont portées volontaires pour appliquer le plan quinquennal « Logement d’abord » du gouvernement. « La lenteur des pouvoirs publics à proposer un bâtiment à l’accueil de jour est aberrante… c’est fou », s’insurge Sylvie Chamvoux.