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Droits sexuels : pour le CESE, rien n’est acquis

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Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) alerte sur les menaces qui pèsent sur les droits sexuels et reproductifs, tels que l’avortement ou encore la contraception, en Europe. Dans une étude, publiée le 12 novembre, il dresse un état des lieux et des pistes de réflexion sur les moyens d’action à renforcer afin de rendre effectifs ces droits pour l’ensemble des Européens.

L’étude du Cese sur les « droits sexuels et reproductifs en Europe : entre menaces et progrès », publiée le 12 novembre dernier, s’appuie sur un constat pour justifier sa légitimité : « Si ces droits ont véritablement progressé depuis 40 ans, ils font aujourd’hui l’objet de multiples attaques en Europe. » La délégation aux droits des femmes et à l’égalité du Cese relève notamment plusieurs tentatives de restreindre l’accès à l’avortement, voire de l’interdire, dans des Etats membres de l’Union européenne (UE). Elles mettent ainsi en lumière le risque de réversibilité qui pèse sur ces droits, alors qu’encore aujour­d’hui, leur situation demeure hétérogène dans l’UE.

Le droit à l’avortement

Si le droit à l’avortement est inscrit dans la loi française, il est loin d’être accessible sur tout le territoire. Lors de la présentation de cette étude au Cese, Marie-Laure Brival, gynécologue, responsable de la maternité des Lilas (Seine-Saint-Denis), a témoigné des difficultés qui subsistent aujourd’hui : « Les accès à l’avortement sont de plus en plus difficiles, inégalitaires sur le plan territorial selon les régions, selon la période (estivale, hivernale…) et selon, surtout, la bonne volonté des professionnels de mettre en œuvre cette loi pour le respect des droits des femmes, c’est-à-dire la maîtrise de leur fécondité. Cette question de la volonté des professionnels est inscrite dans la loi à travers la clause de conscience. » Et de s’irriter : « En France, nous avons une loi qui autorise la pratique d’un acte mais ne l’oblige pas. De fait, les médecins peuvent dans un établissement public dire “Je ne le pratique pas pour des raisons personnelles, morales, éthiques ou religieuses”. » Et de conclure : « Tant qu’il n’y aura pas de révolution culturelle pour penser l’avortement comme un des aspects de la maîtrise de la fécondité au côté de la contraception, et non pas comme un acte vil et mauvais qui sous-tend une désinvolture, une inconscience des femmes, nous serons confrontés à ces questions de jugement personnel des uns et des autres. » Face à cette réalité dénoncer lors du plaidoyer de Marie-Laure Brival, le Cese propose des pistes de réflexion pour renforcer le droit à l’avortement. Parmi elles, faire de celui-ci un droit à part entière, notamment par la suppression de la clause de conscience spécifique à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), l’ouverture aux sages-femmes de la possibilité de pratiquer l’IVG instrumentale, étudier une extension du délai légal, sur le modèle des pays européens voisins afin d’éviter que des femmes soient obligées de se rendre à l’étranger pour avorter, ou encore garantir la liberté de choix des femmes concernant la méthode d’avortement.

L’éducation à la sexualité

Le Cese fait également une focale sur l’éducation à la sexualité, un sujet fondamental, car il ne peut y avoir de droits effectifs sans information. Il s’agit également d’une question de santé publique puisque cette éducation permet de sensibiliser aux maladies sexuellement transmissibles. Elle doit ainsi permettre à chacun et chacune de pouvoir exercer pleinement ses droits et de lutter contre les stéréotypes de genre. Un sujet, éminemment sensible, source de nombreuses crispations et polémiques, dans certains Etats en Europe. Cela a été notamment le cas, le mois dernier, en Pologne, où le gouvernement nouvellement élu a déposé un projet de loi assimilant l’éducation à la sexualité à la promotion de la pédocriminalité. La France n’en est pas là, mais le constat n’est pas forcément glorieux. Cette étude revient notamment sur la polémique qu’a suscitée l’expérimentation des « ABCD de l’égalité » en 2013. Ce support pédagogique, à destination des enseignants pour éduquer à l’égalité entre les filles et les garçons et lutter contre les stéréotypes de genre, a finalement été abandonné suite à la levée de bouclier de personnalités et mouvements conservateurs.

Pour autant, la France peut se targuer d’avoir une loi en matière d’éducation sexuelle. La loi « Aubry » du 4 juillet 2001 prévoit ainsi qu’« une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles ». Mais dans la pratique, des efforts restent à faire comme le constate Véronique Séhier, rapporteuse de cette étude : « Nous avons une loi en France qui n’est pas suffisamment appliquée et qui ne concerne pas tous les publics. On sait, par exemple, que pour les jeunes en situation de handicap, il est compliqué d’y accéder. » Le Cese propose des pistes de réflexion. La première est d’appliquer cette loi ou encore de privilégier une approche globale et positive de la sexualité, qui ne se limite pas à une approche par les risques sanitaires, mais en aborde tous les aspects, y compris le plaisir ainsi que la dimension sociale et affective. Pour rendre effective cette éducation à la sexualité, le Cese propose également de renforcer son pilotage à tous les échelons et cela intègre la formation des membres de la communauté éducative et des intervenants extérieurs.

La contraception

Concernant la contraception, autre focus développé par le Cese, si elle est légalisée dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, il existe de fortes disparités pour y accéder en termes de services proposés, de coût et d’accessibilité. De plus, c’est un sujet sensible sur le plan sociétal, contesté dans son principe par des mouvements conservateurs et religieux. En France, des cas de pharmaciens refusant de vendre des contraceptifs ont été rapportés, ce qui a donné lieu en 2016 à un débat au niveau de l’Ordre national des pharmaciens concernant une possible clause de conscience pour « tout acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine ». Le projet a cependant finalement été suspendu.

Pour améliorer l’accès à la contraception, le Cese propose de renforcer le maillage sur l’ensemble des territoires par une meilleure mise en valeur des acteurs existants et en multipliant les lieux ressources d’information en milieu rural ou encore étendre la gratuité et la confidentialité de la contraception (déjà prévues pour les mineurs aujourd’hui) aux jeunes de 18 à 25 ans ainsi qu’aux personnes en situation précaire.

Par ailleurs, cette étude fait le point sur le droit de « faire famille » quand on est homosexuel ou lesbien, et sur les dispositions, aujourd’hui en débat en France, autour de la procréation médicalement assistée (PMA). Cette étude est consultable dans son intégralité sur le site du Cese.

Si ces droits sont intimes, car ils concernent la possibilité de vivre pour chacun sa vie sexuelle librement sans contraintes, violences et discriminations liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre, ils sont également éminemment politiques puisque ce sont les Etats qui décident d’y donner accès ou pas. Face à cette réalité, le Cese milite pour la reconnaissance accrue de ces droits et leur intangibilité.

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