La vie reprend à Mauléon

On connaît Marie-Monique Robin pour ses documentaires sur les pesticides, et notamment Le monde selon Monsanto. Cette fois, la journaliste s’attaque à un autre sujet brûlant, l’emploi, dans son film Nouvelle cordée, qui raconte l’histoire de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », lancée en 2015 à Mauléon (Deux-Sèvres). Pendant trois ans, la réalisatrice a filmé ceux qu’on appelait alors les « cassos », ceux qui avaient honte d’être au chômage, ceux qui buvaient pour oublier l’angoisse, ceux qui se sentaient inutiles, ceux qui n’y croyaient plus. Pour Philippe, Magali, Claire, Pierrick, Sébastien, Sylvie… tout a vraiment commencé le 3 janvier 2017. Ce matin-là, après deux ans de genèse du projet, ils sont convoqués à la mairie, où on leur explique qu’ils vont signer un contrat à durée indéterminée payé au Smic. Mieux : tout se passe à l’envers puisque la démarche consiste à créer une entreprise à but d’emploi (EBE) et à chercher après un travail adapté à chacun. Tous sont arrivés en avance, emmitouflés dans leurs manteaux. Certains n’ont pas dormi de la nuit. Ils sont émus, et les mots fusent : « c’est génial, magnifique », « on va montrer qu’on n’est pas des fainéants » … L’EBE est financée en partie par la réaffectation des coûts liés à la compensation du chômage. Aujourd’hui, l’EBE de Mauléon compte 90 salariés (ex-chômeurs de longue durée) et croule sous les commandes. L’essentiel concerne le recyclage, l’entretien des espaces verts, les services à la personne, aux entreprises et aux collectivités. Tous se sont métamorphosés. Avec sa première paie après cinq ans de chômage, Sylvie, 58 ans, est allée chez le coiffeur. Avant, le 12 du mois, elle n’avait plus rien. Au début du tournage, Philippe, 58 ans également, abîmé par la vie et par l’alcool, ne parlait pas. Il ne boit plus et s’est acheté un scooter. « On me respecte, maintenant », dit-il. Sébastien, 42 ans, lâche : « Je ne suis pas un déchet, je suis une valeur ajoutée. » Testé actuellement dans dix territoires de 5 000 à 10 000 habitants, l’initiative devrait s’étendre à 150 autres villes. A condition que la loi d’expérimentation de 2016, votée pour cinq ans, soit reconduite. Utopie ? Non.