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Personnes à la rue : l’état d’urgence sociale

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Alors que la trêve hivernale a débuté le 1er novembre, les associations et collectifs s’alarment à nouveau de la saturation du 115 et des centres d’accueil des personnes sans domicile. Face à l’augmentation du nombre des personnes à la rue, le nouveau plan hivernal annoncé par le gouvernement – d’une ampleur similaire à celui de l’an dernier – est jugé insuffisant pour répondre à l’urgence sociale.

En plus des 146 000 places d’hébergement d’urgence ouvertes toute l’année, le gouvernement prévoit, entre le 1er novembre et le 31 mars, jusqu’à 14 000 places mobilisables au cours de l’hiver, a annoncé Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, le 30 novembre. Ce dispositif, similaire à celui de l’an dernier doit atteindre son plein régime en cas de grand froid. « Ce sont 100 millions d’euros supplémentaires qui sont inscrits dans le projet de loi de finances 2020 pour l’hébergement d’urgence et “Logement d’abord”, afin de renforcer notamment les maraudes (reconduite des actions de renforcement de 5 millions d’euros) et les accueils de jour (4 millions d’euros supplémentaires) », précise le gouvernement. Loin du compte, jugent les associations, qui alertent depuis des mois sur l’insuffisance chronique de places d’hébergement et de logements sociaux, engendrant une augmentation du nombre de personnes à la rue. En réponse à ces annonces du gouvernement, le Collectif des associations unies exprime, dans un communiqué en date du 30 novembre, sa vive inquiétude face à « la situation dramatique des personnes sans abri ».

L’Ile-de-France, région la plus précaire, comptera 7 000 de ces 14 000 places hivernales supplémentaires, a précisé le ministère du Logement. Là encore, insuffisant. « Pendant la semaine du 14 au 20 octobre, dans le département de la Seine-et-Marne, 362 personnes à la rue ont sollicité le 115 sans se voir proposer d’hébergement d’urgence. Dans la même période, dans le département de Seine-Saint-Denis, ce sont 562 personnes, dont 398 en famille, qui ont été confrontées à la même absence de réponse adaptée. A Paris, rien que le 7 octobre, 1 648 personnes sont restées à la rue, dont 1 514 en famille. Notons que ces chiffres ne reflètent que les demandes exprimées et sous-estiment donc largement la réalité. Alors que l’absence de logement ou d’hébergement est en soit une vulnérabilité qui justifierait une prise en charge, bon nombre des personnes vivant à la rue, notamment les hommes isolés, ne sollicite plus le 115. Ces personnes n’étant pas considérées comme “prioritaires”, leur probabilité d’accéder à un hébergement est quasi nulle », se désole la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), dans une lettre ouverte au préfet de Paris et de la région d’Ile-de-France, le 29 octobre.

Une régression des conditions d’accueil

Au-delà de la saturation du dispositif d’hébergement, le Collectif des associations unies pointe du doigt le durcissement des conditions d’accès à l’hébergement et la régression des conditions d’accueil proposées aux personnes les plus fragiles dans le cadre du plan « hiver » : « manque d’anticipation des besoins sur les territoires, ouverture des places en fonction du seul critère des températures, sélection des publics à l’entrée de l’hébergement, mise à l’abri sans accompagnement social avec des remises à la rue en journée » … Le collectif appelle à la mobilisation de tous les bâtiments disponibles et adaptés à un hébergement stable et inconditionnel respectant l’intimité et la dignité des personnes. Les conditions attendues ? Un accompagnement social adapté, une prise en charge médicale souvent indispensable, une orientation vers les logements disponibles.

A quelques jours de la trêve hivernale, la Fondation Abbé-Pierre s’est, de son côté, inquiétée de la hausse des expulsions locatives, qui ont atteint en 2018 un niveau inédit : 15 993 ménages – soit plus de 36 000 personnes – ont été expulsés avec le concours de la force publique (contre 15 547 en 2017), soit une progression de 2,9 % sur une année – « un record historique ». La Fondation Abbé-Pierre réclame, depuis fin mars, un « plan d’urgence », estimé à « 100 millions d’euros ». De quoi permettre, par exemple, le triplement du budget du fonds d’indemnisation des bailleurs, qui permet aux préfets d’empêcher une expulsion et de laisser une chance à un ménage de se maintenir dans son logement en compensant financièrement le propriétaire. La fondation propose aussi de doubler les aides distribuées par les départements aux ménages en difficulté via le fonds de solidarité logement (FSL). Des attentes restées pour l’heure lettre morte. « Alors que le gouvernement a annoncé en septembre l’acte II du plan quinquennal “Logement d’abord”, aucune réponse aux propositions n’a été apportée », déplore la fondation, avant d’accuser : « Pire, la politique du logement actuelle et le projet de loi de finances, actant des coupes massives dans les APL et le monde HLM, semblent incompatibles avec une véritable prévention des expulsions. »

Le « record historique » des expulsions locatives

Dans un communiqué en date du 29 octobre, le Haut Comité au logement pour les personnes défavorisées s’alarme lui aussi du nombre significatif d’expulsions des ménages, pourtant reconnus prioritaires et urgents au titre du droit au logement opposable (Dalo). « En 2019, la cellule de veille “expulsion” a reçu plus de 140 signalements de ménages reconnus au titre du Dalo menacés d’expulsion, se trouvant en contradiction avec la loi “Dalo”, la circulaire du 26 octobre 2012 et deux instructions de 2015 et 2017. Seuls les dossiers signalés à la cellule de veille du HCLPD se trouvent comptabilisés », détaille le Haut Comité.

Julien Denormandie l’assure : « L’année dernière, 70 000 personnes sont sorties d’un hébergement ou de la rue grâce à l’action conjointe de l’Etat, des associations et des collectivités » Et de rappeler que 45 millions d’euros supplémentaires seront alloués au plan « Logement d’abord » dès 2020, « avec pour ambition de diminuer de manière significative le nombre de personnes sans domicile grâce à la création de places de logements adaptés et de logements très sociaux ». Le Collectif des associations unies demande au gouvernement « de revoir à la hausse, dès la loi de finances 2020, ses objectifs de production de logements accessibles aux personnes les plus précaires dans le parc social et privé ainsi que les moyens dédiés à l’accompagnement des ménages dans le logement ». Au rang des priorités : une revalorisation et la réindexation « immédiate » des APL et la mise en place « d’un plan ambitieux de prévention des expulsions locatives ». Et les associations du collectif de souligner : « Cette ambition et ces moyens renforcés sont indispensables si le gouvernement veut que le plan “Logement d’abord” soit effectivement et concrètement en capacité de redonner un espoir aux millions de mal-logés et de sans-abri qui ne peuvent plus attendre »… Pas même, pour certains, un hiver de plus.

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