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Un outil pour répondre au sentiment d’« industrialisation des tâches »

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Le 18 juin, L’Humain d’abord, collectif d’entreprises et d’associations du secteur sanitaire et social, a présenté l’« indice d’alignement humain ». Il s’agit d’un outil conçu afin d’améliorer les conditions de travail des auxiliaires de vie et d’humaniser le secteur de l’aide à domicile.

« Le travail occupe une place majeure dans notre vie. Pourtant, de nombreux métiers ont été dévalorisés et déshumanisés par des logiques industrielles tayloristes qui prônent une productivité toujours plus importante, au détriment du sens. Le travail a perdu de sa valeur et ces métiers, leur identité. La notion de vocation a moins de poids qu’auparavant. » C’est en partant de ce constat pessimiste et avec la volonté de faire évoluer les choses, de redonner du sens, « une dimension humaine au travail », que l’« indice d’alignement humain » a été créé. Plus précisément, le collectif L’Humain d’abord, qui regroupe cinq entreprises ou associations du secteur sanitaire et social (Alenvi, Soignons humains, Adhap Rouen, Vivat et l’Atelier 48), a lancé, en juin dernier, cet outil qui mesure « l’alignement entre le cadre de travail des auxiliaires de vie dans une structure d’aide à domicile et la nature humaine du métier ». Plus précisément, c’est à l’initiative d’Alenvi que ce projet a vu le jour, avec pour volonté de proposer un outil de pilotage interne, en open source, visant à améliorer les conditions de travail des auxiliaires de vie et à transformer le secteur.

Car l’aide à domicile dans son ensemble est un secteur dans lequel les conditions de travail apparaissent particulièrement détériorées. De même, les témoignages de professionnels faisant part d’une perte de sens de leur travail sont de plus en plus nombreux. « Ceux-ci expriment un sentiment d’industrialisation de leurs tâches ; le sentiment de ne plus connaître les personnes chez qui ils vont travailler, de ne pas avoir les bonnes informations au bon moment…, déplore Arnold Fauquette, fondateur du service à la personne Vivat. Ils ne s’y retrouvent plus dans ce métier-là. Ils ne retrouvent plus la dimension relationnelle de départ. Ils sont en exécution (rapide) de tâches. Il y a donc dans le secteur de l’aide à domicile une très forte perte de sens et une demande de qualité de vie au travail très, très marquées. C’est pourquoi nous voulons faire évoluer les choses. »

Redonner au métier d’auxiliaire de vie une dimension humaine

Cette volonté commune de faire bouger les lignes unit les membres du collectif L’Humain d’abord. Pour cela, ils appliquent tous au sein de leurs structures la méthode « Buurtzorg »(1). Venue des Pays-Bas, cette technique a permis de réinventer les services de soins infirmiers en remettant la raison d’être au centre de l’organisation et en laissant une grande autonomie aux équipes. « Mais à partir du moment où l’on porte des innovations, il est important de savoir quels effets elles vont produire sur les personnes concernées. L’“indice d’alignement humain” est donc né de cette volonté de venir mesurer quel pouvait être l’équilibre entre la vocation, la volonté professionnelle de quelqu’un qui est dans un métier d’aide et de soins et l’environnement dans lequel il allait travailler », renseigne Arnold Fauquette. Il s’agit donc d’essayer de redonner une dimension humaine au métier d’auxiliaire de vie qui, paradoxalement, à l’origine, est un métier humain, humaniste.

« L’“indice d’alignement humain” est un outil de mesure. S’il ne donne pas une réponse immédiate, il permet à des acteurs de dire si leur organisation est en cohérence avec les professionnels sollicités, poursuit le fondateur de Vivat. Ceux-ci s’y retrouvent-ils dans la rémunération, le travail en équipe, l’accomplissement de soi, l’accès aux formations, l’équilibre entre la vie personnelle et la vie privée, la charge psychologique ? Un soignant, une aide à domicile se sentent-ils bien ? C’est très important de le savoir car un soignant qui se sent bien va prodiguer un soin de qualité. »

Concrètement, pour mesurer ce sentiment d’alignement, d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, un questionnaire d’alignement humain a été créé. Envoyé aux auxiliaires de vie comme à tous les professionnels du secteur de l’aide à domicile dont les structures participent au développement de l’“indice d’alignement humain”, il a été élaboré « par itération auprès de 70 auxiliaires de vie ». Il est composé de 36 questions sur leur ressenti, avec des réponses allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ». Fondé sur la théorie de la motivation de Maslow, qui s’appuie sur la hiérarchie des besoins fondamentaux, ce questionnaire est divisé en cinq grandes catégories de besoins : celui d’accomplissement, celui de reconnaissance, celui d’appartenance, celui de sécurité et, enfin, le besoin physiologique. Il est, par exemple, question de savoir si le professionnel trouve son salaire satisfaisant, s’il est satisfait du nombre d’heures dans son contrat de travail, s’il se sent entouré, s’il participe aux décisions de sa structure, s’il estime que son avis est suffisamment pris en compte ou encore s’il trouve que l’utilité de son travail est reconnue.

Comparer les pratiques des différents acteurs

« Pour chaque question, il y a un système de cotation, une note. Au final, il y a une note par niveau, par catégorie, et une note globale sur 100 », détaille Arnold Fauquette. Et de préciser : « Le questionnaire est mis à disposition de chaque salarié de la structure voulant participer à cette initiative. Les salariés y répondent de manière anonyme. Une fois les réponses obtenues, une note générale est attribuée à la structure. Ce qui permet d’avoir un indicateur sur ce qui y fonctionne ou non. Il est aussi possible de comparer la note finale avec les autres structures, de voir si, par exemple, Alenvi fait mieux ou moins bien que Vivat. Ces comparaisons pourront à l’avenir se faire entre maisons de retraite, foyers de logement, centres communaux d’action sociale… »

Un tel outil autorise une comparaison des pratiques des différents acteurs, en pointant que telle pratique managériale a telle incidence sur l’épanouissement personnel, sur l’équilibre de vie, que telle autre agit de telle manière sur la rémunération, qu’elle accentue le sentiment de reconnaissance… Par exemple, quand une structure change complètement sa politique de rémunération, il est possible de savoir si celle-ci est bien accueillie par les professionnels. Cela permet, enfin, de suivre au long cours un secteur d’activité. En effet, en conglomérant toutes les informations, la dynamique suivie par le secteur se fait jour. On peut alors constater si ce dernier arrive à mieux prendre soin des professionnels. Dès lors, l’“indice d’alignement humain” peut devenir un critère de sélection pour le futur usager, résident, et surtout le futur salarié. Ce qui n’est pas négligeable au regard de la période un peu trouble traversée par le secteur.

Repères

QUELS PREMIERS RÉSULTATS ?

Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions quant aux conséquences (positives comme négatives) de la mise en place de l’indice d’alignement humain. Cependant, de premières analyses peuvent déjà être effectuées. Ainsi, pour le moment, une quinzaine de structures ont déjà utilisé ce dispositif. « Ce qui n’est toutefois pas encore suffisant pour pouvoir comparer les structures », confirme Arnold Fauquette. Et le fondateur de Vivat d’ajouter : « Plus nous nous diversifierons, plus de structures différentes adhéreront à cet indicateur, plus l’indice sera valorisé et représentatif du cadre de travail des auxiliaires de vie, sera pertinent. » Disponible en open source, cet outil est destiné à toutes les structures du secteur mais ne doit pas être perçu comme une finalité. Il doit servir à iden­tifier ce qu’il faut améliorer. Et Arnold Fauquette de conclure : « L’objectif n’est pas d’en faire un label mais plutôt un outil de collecte d’informations et de mise en commun des pratiques. »

Notes

(1) Voir ASH n° 3123 du 30-08-19, p. 17.

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