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Construire une offre de répit

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Pouvoir souffler… Dans le cadre de sa stratégie « de mobilisation et de soutien » en faveur des proches aidants, présentée le 23 octobre, le gouvernement a inscrit le droit au répit au rang des priorités. Entre 8 à 11 millions de Français qui soutiennent au quotidien un proche malade, en situation de handicap ou de perte d’autonomie sont concernés.

« Aucune ambition nationale de déploiement de solutions de répit pour tous les proches aidants n’a jamais été fixée. Des dispositifs existent (comme l’accueil temporaire ou l’accompagnement des proches aidants), mais de façon ponctuelle sur le territoire », reconnaît le gouvernement, le 23 octobre, lors de la présentation de son plan « Agir en faveur des aidants ». Face à ce constat, le Premier ministre a annoncé le lancement d’un plan de renforcement et de diversification des solutions de répit, adossé à un financement supplémentaire de 105 millions d’euros sur la période 2020-2022. « Le gouvernement a bien compris que les proches aidants sont la première entreprise de santé de France, ils représentent 70 % à 80 % du prendre soin, et qu’il fallait donc leur donner les forces pour tenir. Trop souvent, on retrouve les personnes dans une situation de crise, dans la maltraitance, dans l’explosion, avec des besoins de suppléance urgents car l’aidant est malade », souligne Jean-Jacques Olivin, directeur du Groupe de réflexion et réseau pour l’accueil temporaire des personnes en situation de handicap.

Longtemps laissée en jachère, voire objet d’une politique du saupoudrage à travers plusieurs plans, l’offre de répit est pourtant une attente très forte exprimée par les proches aidants. Selon une enquête réalisée par l’association APF France Handicap, plus de 72 % des personnes déclarent avoir des attentes spécifiques. Si la « contrepartie financière pour l’aide apportée » arrive en tête des besoins exprimés, elle est suivie de très près par les « solutions de répit » (relayage au domicile, accueil temporaire…). Mais face au risque d’épuisement ou de burn-out, 25 % des aidants ne parviennent toujours pas à se ménager du répit, selon les enquêtes « Handicap Santé ménages » (HSM) et « Handicap Santé aidants » (HSA) de la Drees.

Du répit à domicile

Dans le cadre de ce nouveau plan « Agir pour les aidants », un « accent prioritaire et immédiat » sera mis sur le soutien des proches aidants dans leur vie à domicile, à travers le renforcement des capacités d’accueil des plateformes de répit avec un objectif minimal de doublement d’ici 2022. Créées dans le cadre du plan « Alzheimer 2008-2012 », les plateformes d’accompagnement et de répit ont pour rôle d’orienter les personnes en perte d’autonomie et leurs aidants vers différentes solutions de répit et d’accompagnement en fonction des besoins du couple « aidant-aidé » et de leur évolution. Leur déploiement, poursuivi dans le cadre du plan « maladies neuro-dégénératives (PMND) 2014-2019 », vise un objectif de 215 plateformes d’ici fin 2019.

Dans cette même logique de répit à domicile, le gouvernement envisage, pour 2022, « une perspective de généralisation » du relayage à domicile sur le modèle du baluchonnage québécois, en fonction des résultats de l’expérimentation aujourd’hui menée dans 54 départements. Le principe : un « baluchonneur » prend le relais de l’aidant pendant son absence, à son domicile en continue 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Cette solution du relayage à domicile ne pas fait l’unanimité au sein des fédérations représentant les acteurs du secteur, notamment dans le champ du domicile ou des syndicats de salariés. Jean-Jacques Olivin considère comme plus opportun de développer des dispositifs du type « Bulle d’air » qui reposent sur le principe « de projections de personnels sur le domicile qui vont se succéder sur des périodes courtes » au principe du baluchonnage selon lequel on va laisser le même professionnel plusieurs jours. « L’expérimentation avec le baluchonnage québécois reste anecdotique et très subventionnée. Baluchon Québec, ce sont 30 à 40 baluchonneurs », souligne-t-il.

Autres axes d’action : développer l’accueil temporaire avec pour objectif le doublement du nombre d’aidants soutenus d’ici 2022 et déployer des solutions de répit innovantes en partenariat public-privé. A compter de 2020, la création d’un réseau de lieux d’accueil labellisés « Je réponds aux aidants » est envisagée afin de recevoir les proches aidants et les orienter dans le paysage des aides et de l’accompagnement disponibles, en fonction de leurs besoins. Concernant le développement d’une offre de répit sur les territoires d’outre-mer « la spécificité des besoins et des dispositifs existants déjà, notamment l’accueil familial temporaire » sera prise en considération. Pour rappel, la Réunion est le premier département en termes de places d’accueil familial. « L’accueil familial temporaire doit être supporté par des établissements qui soient leurs formateurs, qui les aident à monter leurs projets, qui assurent les remplacements lors des congés, qui puissent prendre l’aidé en cas de crise », considère Jean-Jacques Olivin. Afin de simplifier les démarches administratives pour l’accès à des solutions d’accueil temporaire de personnes en situation de handicap, le gouvernement annonce que le passage complémentaire devant la maison départementale des personnes handicapées pour bénéficier d’une orientation vers une structure de répit sera supprimé par décret début 2020.

Enjeu de santé publique

De précédentes tentatives ont été prises par les pouvoirs publics pour redonner un élan au droit au répit des proches aidants. Mais sans réel effet… Ainsi, la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015 a créé, au sein des plans d’aide de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), un module « répit » ainsi qu’un module « relais » en cas d’hospitalisation de l’aidant. « Mais ces dispositifs, dont les critères d’activation sont restrictifs [condition de saturation du plan d’aide pour le module « répit » notamment], et dont la mobilisation s’avère complexe, sont peu utilisés », rappelle le rapport de Dominique Libault sur la concertation « grand âge et autonomie » de mars 2019. Pour de nombreux acteurs du secteur, le montant de l’allocation de répit de 500 € est dérisoire pour accéder à un réel temps de répit.

Comment faire pour construire une offre de répit adaptée aux besoins des proches aidants ? Comment convaincre gestionnaires et financeurs de s’engager davantage dans cette voie ? Comment sensibiliser les professionnels du secteur au repérage du risque d’épuisement et du besoin de répit des proches aidants ? Le groupement de coopération sociale et médico-sociale, GCSMS Aider, dont font partie APF France Handicap et le Grath (Groupe de réflexion et réseau pour l’accueil temporaire des personnes handicapées), a publié, en octobre dernier, une étude sur l’accessibilité du répit pour les aidants familiaux. Pour les auteurs de l’étude, il s’agit là d’un enjeu de santé publique « tant du point de vue de la santé de l’aidant, de la prévention de dégradation de la relation aidant/aidé et du risque de maltraitance, que du point de vue de l’équilibre de la personne aidée ». Pour adapter l’offre à la demande, l’étude a analysé les différents cas de non-recours à l’offre de répit. Il apparaît que les proches aidants envisagent « rarement » un dispositif de répit « comme une solution d’appui et de soutien imaginée d’emblée ». « Le plus souvent, on constate une combinaison entre une situation complexe de vie à domicile et un élément déclencheur : épuisement important, événements dans la vie de l’aidant ou du proche aidé, conseils de professionnels, incidents dans la vie du proche aidé. »

L’étude a ainsi vocation « à proposer des préconisations concrètes aux gestionnaires, orienteurs, planificateurs et tarificateurs sur les adaptations nécessaires » pour améliorer l’accès sous toutes ses formes et la pertinence des formules de répit au plus près des besoins et des attentes des aidants.

Démarche collective

Le GCSMS Aider recommande aux acteurs, « par territoires de proximité », de se structurer autour d’une « démarche collective de réponses aux besoins » de socialisation des personnes en situation de handicap et aux besoins de répit des aidants. L’approche repose sur une première étape de recensement des réponses du territoire, du droit commun (loisirs, sports…) aux réponses du milieu spécialisé (accueil temporaire), puis une étape de mise en réseau des acteurs pour mieux orienter les aidants. Ces démarches peuvent prendre la forme d’une plateforme de répit ou s’inscrire dans les démarches de coopération et de coordination territoriales. Unique en France par son fonctionnement, la plateforme territoriale d’aide aux aidants, Elsaa, ouverte au public en février 2015 dans le Pas-de-Calais, s’inscrit dans cette même logique. Portée par un groupement de coopération médicosociale, elle réunit les 16 acteurs de l’Audomarois issus de différents secteurs (hôpitaux, aide à domicile, secteur des personnes âgées et secteur des personnes en situation de handicap) autour d’une mission commune : l’aide aux aidants de personnes handicapées, âgées ou bien malades.

Afin de réduire le non-recours des proches aidants aux solutions de répit par absence de réponse, l’étude recommande de travailler, en priorité, sur la recomposition de l’offre « pour que des places disponibles non sollicitées dans des zones de faible demande soient regroupées ou redistribuées sur des endroits de plus forte demande ».

L’organisation possible « en grappes » est préconisée. Le principe ? « Des places disséminées et des unités dédiées mutualisent des fonctions et prestations pour présenter une offre globale, modulaire, multi-sites, pour viser la satisfaction la plus large des besoins exprimés et le plein emploi des capacités. » En clair : l’efficience.

La notion de « répit »

La notion de « répit » est introduite dans le code de l’action sociale et des familles (Casf) par le décret du 17 mars 2004 relatif à l’accueil temporaire qui « vise à organiser, pour l’entourage, des périodes de répit ou à relayer, en cas de besoin, les interventions des professionnels des établissements et services ou des aidants familiaux, bénévoles ou professionnels, assurant habituellement l’accompagnement ou la prise en charge ».

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