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Parce qu’il y avait l’amour

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Elle a le corps au bord des lèvres. Son corps brisé et humilié.

Elle me parle d’elle, un peu, et de lui, beaucoup. Elle raconte. La première rencontre, le premier regard, le premier rendez-vous, le premier baiser, et puis… Elle raconte encore. L’amour, les études, l’amour, le travail, l’amour, le premier studio, si petit, mais tellement suffisant pour eux, pour leur amour…

Et puis… Le mariage, l’amour, le premier enfant, l’amour, le deuxième enfant, l’amour, toujours l’amour… et l’accident. L’accident bête. Parce que, de toute façon, c’est toujours bête, un accident. Vélo contre voiture. Forcément, elle n’avait aucune chance. De la chance, pourtant, elle en a eu. Elle aurait pu y laisser la vie, elle n’y a laissé « que » ses jambes, me dit-elle dans un sourire.

Il y a eu l’avant, il y a l’après. Elle a troqué son vélo contre un fauteuil. Elle n’a jamais pu reprendre le travail. Trop compliqué, trop douloureux. Maintenant, elle est coincée entre un mari devenu aidant et une maison devenue prison. Dehors, tout lui est hostile. La rue, la ville, les commerces, les gens et leurs regards empreints de pitié, les gens et leurs mains qui se saisissent de son fauteuil pour la pousser à droite, à gauche, comme un vulgaire meuble qui les gêne sur le passage. Les gens.

Et puis elle parle de lui. Parce que lui, vous comprenez, le pauvre, il n’était pas prêt. Personne ne l’est jamais. Lui, il se donne tellement ! Il s’occupe de tout, de la maison, des enfants, d’elle…

Alors, oui, parfois il s’énerve, c’est vrai. Mais il faut le comprendre, le pauvre, il est fatigué. Alors oui, parfois il crie, c’est vrai. Mais il faut le comprendre. Il y a trop de choses, trop de travail, trop de pression, il a besoin d’évacuer.

Alors, oui, parfois il l’insulte, c’est vrai. Mais il faut le comprendre, il craque, il n’en peut plus, il ne sait plus comment faire… Parce que tout est devenu tellement compliqué.

Alors, oui, parfois il la frappe, c’est vrai… Mais il faut le comprendre, il a toujours été un peu impulsif, et elle, elle lui demande beaucoup, trop sans doute ? Et puis c’est rare, si si, vraiment, elle me le jure. Et après, il regrette, il s’excuse, il dit qu’il ne recommencera plus… Et elle, elle le croit toujours, parce qu’il n’était pas comme ça avant.

Alors, oui, aussi, parfois il… Elle baisse les yeux en rougissant, elle ne dit pas le mot, mais je le devine. Oui… ça aussi… Mais il faut le comprendre, c’est normal entre époux, non ? C’est le devoir conjugal, lui dit-il, et avec tout ce qu’il fait pour elle, elle serait bien ingrate de refuser. Et puis ça prouve qu’il la désire encore, qu’ils sont encore un couple, comme avant. Elle aimerait tellement y croire.

Elle me raconte tout ça, et moi, Florine, je l’écoute. J’écoute l’amour d’hier et la violence d’aujourd’hui. Par petites touches, mais chaque jour un peu plus loin, un peu plus fort.

Elle se sent coincée. Financièrement, avec un salaire et une allocation aux adultes handicapés, ils s’en sortent à peine. Alors si elle devait le quitter, comment ferait-elle ?

Alors elle reste. Parce qu’elle n’a nulle part où aller. Parce qu’il vaut mieux être mal accompagnée que seule. Parce qu’il y a les enfants, la maison, l’habitude. Parce qu’il y avait l’amour.

La minute de Flo

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